Lucio Silla de Jean-Chrétien Bach (1775)

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Lucius Cornelius Sulla (Felix) (138-78 av J-C)

 

(Johann-Christian Bach à Mannheim - II)

 

Commande et réception de l’opéra

Le 4 novembre 1772, Johann Christian Bach avait fait représenter son Temistocle à Mannheim, comme nous l’avons vu précédemment. La réussite de cette production suscita d’autres commandes.

La sérénade Amor vincitore fut sans doute écrite pour la cour de Mannheim la même année que la composition du Lucio Silla. Cette « ‘azion teatrale per musica » -comme la qualifie le livret anonyme de Mannheim- fut donnée en août 1774 à Schweitzingen, comme l’atteste la copie de la partition faite pour cette occasion.
Bach était peut-être arrivé en août pour commencer à travailler sur Lucio Silla, conformément à l’organisation dont il avait fait preuve pour Temistocle. En effet, on ne trouve aucune trace de la présence de Bach à Londres entre sa signature sur le contrat de New Hanover Square le 28 juin 1774 jusqu’au 31 décembre 1774. Mais il est également possible que la date de composition ait été antérieure, comme ce fut le cas pour Endimione.
Il n’y a aucune trace d’une représentation londonienne antérieure, et les parties de basson semblent avoir été écrites spécifiquement pour C W Ritter.
On ne connaît pas les solistes, mais il est possible d’avancer que Dalisa fut interprétée par Dorotea Wendling, Alcidoro par Francesco Ronconi, et les parties obligato semblent avoir été taillées sur mesure pour JB Wendling, Ramm (ou Lebrun) Tausch et Ritter.
(L’oeuvre fut donnée cinq ans plus tard à Londres, au cours d’un concert à bénéfice pour Tenducci, le 10 mars 1779. Le fait est attesté par une annonce parue dans le The Morning Chronicle and London Advertiser qui précise que le programme incluerait :
A favourite cantata, with grand choruses, called Amor Vincitore, composed by Mr Bac and sung by Mr Tenducci and Signora Marchetti. With a song, concertato, by a violoni, tenor, Haut-boy, and Violoncello.
Le terme ‘cantata’ indique une version de concert ; l’oeuvre fut certainement donnée scéniquement à la création.

Si la ‘cantata’ fut créée sans à-coups, l’opera seriaLucio Silla se plaça très vite sous de mauvais auspices… et des difficultés accumulées.
La dernière commande de l’Electeur Karl-Theodor en 1774 au compositeur était Lucio Silla, dont la première était évidemment fixée au 5 novembre 1774 (date de la fête de l’Electeur et début de la saison d’opéra).
L’’uvre ne sera finalement représentée qu’un an plus tard, pour deux raisons : une partie de la partition se perdit durant l’automne 1774 et le commanditaire voyagea par la suite en Italie.

Dans une dépêche officielle du Comte Andreas von Riaucour, ambassadeur de Saxe en poste à Mannheim, on trouve l’entrée suivante en date du 22 octobre 1774 :

 

Le Maître de Chapelle de la Reine d’Angleterre, Bach, avoit été chargé de la Composition de l’Opéra qui devoit être donné à l’occasion du jour de leur nom, mais par un Concours de circonstances une partie de cet Opéra se trouve égarée et c’est la faute du Comte de Haslang, Ministre Palatin à Lond[r]es, on lui en a fait de vives reproches. On tâchera d’y suppléer par des Opérettes accompagnées de grand Ballests[‘]

 

Cette date de création de loeuvre a longtemps fait l’objet d’une incertitude ; Heinz Gärtner, dans sa biographie de J-C Bach, hésite lui aussi, faisant état de diverses dates possibles entre 1773 et 1775 . S’il réfute la date de 1773, qui fut celle d’une reprise de Temistocle, selon le chroniqueur officiel de la cour, il fait état de représentations de Lucio Silla en 1776, comme le fait de même Terry, biographe de J-C Bach, qui cite la même source. Ces assertions sont erronées, car on dispose maintenant de sources bien plus fiables, qui ont été

La première eut finalement lieu le 5 novembre 1775.
Cependant, Lucio Silla fut représenté dans un contexte familial tragique pour la famille régnante,
Le 7 novembre, Riaucour envoya un rapport à Dresde comme quoi :

 

Les nouvelles qu’on reçevoit dépuis mon dernier trés respectueux rapport touchant la maladie de Msgr. Le Duc des Deux Ponts continuant d’être tres affligeantes et faisant tout craindre pour ses jours, on balança, si on donneroit l’Opéra le jour suivant, mais à cause de l’affluence prodigieuse d’Etrangers de la plus grande distinction, on s’y determina, d’autanque le Courier qu’on attendoit avec la nouvelle de son decés, n’était point arrivé [‘]

 

La mort du Duc attendait l’Electeur à sa sortie du spectacle. Une période de deuil officiel de six semaines fut donc décrétée. Cela mis effectivement fin aux représentations, même si Riaucour relate le 21 novembre, qu’une seconde représentations avait eu lieu la veille.
Ces deux représentations sont les seules listées par Finscher, qui note une représentation d’opéra au Hofhoper le 20 novembre 1776, mais il ne prend pas pour argent comptant les recherches de Walter lequel prétend qu’il s’agit d’une représentation de Lucio Silla. De toute façon, la date ne semble pas correcte, car dès la fin 1775, le chanteur Francesco Roncaglia ne figurait apparemment plus sur les listes des employés de l’Electeur ; il n’aurait donc pas pu être de la distribution de 1776.

Malgré les circonstances, l’opéra eut un succès certain.
Andreas von Riaucour rapporte le 7 novembre 1775 :

 

Le spectacle représentant Lucio Sylla, étoit de la plus grande magnificence, tant pour les décorations que les habits des acteurs, et des ballets, et la musique de la Composition du célèbre Bach a été fort applaudie’

 

Cet enthousiasme ne fut apparemment pas partagé par tous’

Soit que Jean Chrétien Bach fut victime des circonstances particulières qui entouraient cette création, soit qu’il ait été soumis à un changement du goût qui mettait en avant une musique de plus en plus ‘ allemande ‘ au détriment de son inspiration italianisante (on note que cet opéra fut l’avant-dernière création italienne à Mannheim), soit que le sujet de l’opéra parut maladroit (mais cette raison souvent invoquée est curieuse : Bach n’aurait pas composé d’opéra sans cahier des charges, et l’Electeur y portait une attention toute particulière), l’opéra reçut une réception assez mitigée.
Bach ne reçut plus de commandes de Mannheim.

Quelques années plus tard, quand Mozart voulut prendre connaissance de la partition de son aîné, il s’attira les quolibets de Vogler, qui avait toutes les raisons du monde de ne pas apprécier leur compatriote : ce dernier était en effet un rival potentiel dangereux pour la succession du Kapellmeister Holzbauer.
Voici comment Mozart relate la scène dans une lettre datée du 13 novembre 1777 :

 

[‘]Il méprise les plus grands maîtres et a parlé devant moi de Bach avec dédain. Bach a écrit ici deux opéras dont le premier a eu plus de succès que le 2e. Le 2e était Lucio Silla. Comme j’ai écrit sur le même sujet à Milan, j’ai voulu le voir. J’appris par Holzbauer que Vogler l’avait, et le lui demandai. De tout c’ur, je vous l’enverrai dès demain. Mais vous n’y rencontrerez rien de très bon. Quelques jours plus tard, lorsqu’il me rencontra, il me dit d’un air moqueur : alors, y avez vous trouvé quelque chose de beau, avez vous appris quelque chose ‘ ‘ Un air est très beau. ‘ quel en est le texte, demanda-t-il à quelqu’un qui était près de lui. ‘ Quel air ‘ -- Eh bien cet affreux air de Bach, cette cochonnerie. ‘ Oui, Pupille amate [air n°23 de Cecilio]. Il l’a sûrement écrit dans les vapeurs du punch. J’ai cru que j’allais lui saisir la crinière, mais faisant comme si je n’avais pas entendu, je ne dis rien et partis. [‘]

 

On comprend aisément la jalousie de Vogler, étant donné que l’air est de toute beauté et est l’un des sommets de la partition’ On ne peut expliquer ce revirement curieux (Vogler s’étant répandu en éloges sur son confrère au sujet de sa Tempesta) que par un mouvement d’humeur ou la jalousie.

Les information étant lacunaires, on ne sait pas clairement si Bach vint assister aux représentations de son opéra en 1775 : il semblerait que non’
(Tout comme il ne se rendit pas au San Carlo en 1774 où il aurait du #6f2424onner l’Orfeo de Gluck avec des compléments écrits par lui-même, et restructurer l’orchestre de l’opéra. Des documents datant de 1774, conservé dans les archives de l’opéra lui donnent le titre de ‘ nuovo maestro di capella ‘ et entrent dans le détail des restructurations à faire pour rehausser le niveau de l’orchestre, comme l’engagement de nouveaux violonistes. Les affaires étaient donc bien avancées. Cependant, Bach ne se rendit finalement pas à Naples, comme l’indique un autre document :

 

‘ Selon le souhait de Sa Majesté, le Maestro Bach a été invité à composer deux opéras, pour Novembre et la saison de Carnaval. Le Maestro a informé l’impresario du Théâtre Royal que des circonstances imprévues lui rendent tout départ de Londres impossible et qu’il ne peut venir comme il l’avait promis. ‘

 

On ne sait quelles sont ces "circonstances" ; il y avait peu de choses qui requerraient sa présence immédiate à Londres et il pouvait prévoir des moments difficiles avec l’arrivée de la nouvelle prima donna du King’s Theater, Caterina Gabrielli...)

 

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