Giulio Sabino de Sarti (1781), le destin européen d'un rebelle langrois.

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Frontispice de la partition imprimée par Artaria, à Vienne en 1782. (II, scène 10)
Photographie (c) DR

 

Si aujourd'hui nous ne connaissons souvent de Giuseppe Sarti que l'allusion à l'air de son opéra Fra i due litiganti, Come un agnello, que Mozart a cité lors du banquet final de Don Giovanni, l'oeuvre de ce compositeur ne se résume pas à ce seul grand succès buffa, repris dans toute l'Europe sous des appellations diverses. Outre ses très nombreuses ouvrages scéniques et ses talents réputés de pédagogue, il est aussi l'auteur d'un opera seria qui eut un retentissement énorme Giulio Sabino; souvent représenté plusieurs fois la même année, à peu de semaines de distances cet opéra fut aussi le sujet de modifications diverses, au gré de ses reprises, témoignage de sa longévité sur les scènes.

Ce Giulio Sabino, de facture ouvertement métastasienne, a été l'un des opéras favoris de deux des plus grands castrats de la fin du XVIIIe siècle, Gasparo Pachierotti et Luigi Marchesi. Il leur doit sans doute sa fortune et sa permanence exceptionnelle, à une époque où la notion de répertoire n'existait pas encore.

Giuseppe Sarti (Faenza, 1729 - Berlin, 28 juillet 1802) reçut sa formation musicale tout d'abord à Padoue avec le Padre Vallotti, puis à Bologne avec le fameux Padre Martini. Il retourna à Faenza où il fut tout d'abord nommé organiste de la cathédrale puis directeur du théâtre (en 1752). Son premier opéra, Pompeo in Armenia y fut représenté la même année. Son deuxième opéra, Il re pastore fut donné pour le Carnaval de 1753 à Venise, avec beaucoup de succès.
Fin 1753, il se rendit à Copenhague pour diriger la troupe de Pietro Mingotti. Ses opéras (Vologeso, Antignono, Ciro Riconosciuto plurent, et le roi Frederick V le nomma maître de chapelle de la cour, puis directeur de l'opéra italien. Il y composa une quarantaine d'oeuvres scéniques. A la fermeture de l'opéra italien (en 1763), il fut nommé directeur de la musique de cour.
En 1765, il retourna en Italie. Ce voyage qui ne devait être que provisoire, afin d'engager des chanteurs, fut de plus longue durée, car la mort du roi changea sa situation. Sarti devint maestro di coro au Conservatoire della Pietà de Venise entre 1766 et 1768.
En 1768, il retourna à Copenhague ; il reprit ses fonctions de directeur de la chapelle royale entre 1770 et 1775.
De retour en Italie en 1775, il se fixa à Venise avec son épouse, la cantatrice Camilla Passi ; il fut alors nommé directeur de l'Ospedaletto de Venise en 1775.
Se présentant au concours de recrutement pour le poste de maître de chapelle de la cathédrale de Milan en 1779, il l'emporta (devant Paisiello).
Il fut invité à la cour impériale russe en 1785, comme cela avait été le cas de Galupi, Traetta et Paisiello, et comme ce sera le cas pour Cimarosa et Martin y Soler. Traversant l'Europe pour prendre ses fonctions de directeur de la chapelle impériale de Saint-Pétersbourg, il passe par Vienne, où il est reçu avec honneur par Joseph II. Il rencontra Mozart à cette occasion ; il est vrai que ses opéras triomphent à Vienne et que Fra i due litiganti / Le Nozze di Dorina comptait parmi les plus grands succès du Burgtheater (opéra cité dans le Don Giovanni de Mozart.)
A Saint-Pétersbourg son Armida e Rinaldo (janvier 1786) fit grand bruit ; cet opéra était un avatar de son son Armida Abbandonata créée à Copenhague. Les intrigues de Luiza Todi, prima donna de Saint-Petersbourg, l'éloignent de Catherine II et le firent passer au service du Prince Potemkine. Il suivra même ce dernier lors de sa campagne contre les Turcs ! Après la mort de Potemkine en 1793, et une période d'enseignement, il retrouva ses fonctions de compositeur de cour (1793). Mais l'assassinat du tsar Paul, lui fit quitter la Russie. C'est lors de son voyage de retour en Italie, lors d'une halte à Berlin, qu'il mourut en 1802.

Giulio Sabino fut créé en janvier 1781 sur la scène de Teatro San Benedetto à Venise pour le Carnaval.

La distribution de la première était la suivante :
Giulio Sabino (général des Gaulois, supposé mort) : Gasparo Pacchierotti(castrat soprano)
Epponina (veuve supposée de Giulio Sabino) : Anna Pozzi (soprano)
Voadice (soeur de Giulio Sabino, éprise d'Arminio): Felice Zanotti (soprano)
Arminio (gouverneur du château de Langres, épris de Voadice) : Pietro Gherardi (castrat soprano)
Tito (fils de l'empereur Vespasien, épris d'Epponina) : Giacomo Panati (ténor)
Annio (préfet romain, secrètement épris d'Epponina) : Giuseppe Desiro' (ténor)
Les deux fils de Giulio Sabino et d'Epponina : rôles muets.

Si l'on en croit la partition imprimée plus tardivement, les décors furent somptueux. On peut sans doute en avoir une idée en se fondant sur le frontispice de la partition publiée, dans un goût très piranesien.
La scène première de l'Acte I découvre une "Vue intérieure de l'antique château de Langres, ou antique Lingona, où l'on croit que Sabino est mort. D'un côté, un bosquet de cyprès ; d'un autre, des murailles, des tours en ruines, calcinées suite à un incendie. A travers ces ruines, un temple dédié à Mercure, antique déité des Gaulois, sous lequel se trouve le souterrain de Sabino, par lequel passe un sentier inconnu, et caché dans un ravin. A côté du temple, se trouve le mausolée élevé par Epponina à son époux Sabino."

La première scène de l'Acte II montre une "Fuga di camere". Le théâtre change à la scène quatre, montrant la "Parte solitaria di un giardino", puis encore à la scène 8 : "Vedutta del Castello di Langres. Notte.". A la scène 10, Sabino, Titto, Epponina et Annio se retrouvent dans une "Volte sotterranee sostenute da un colonnato mezzo devastato dal tempo, a cui si scende per un gran scala." [voûtes souterraines soutenues par une colonnade dévastée par le temps, auxquelles on accède par un grand escalier.] (cf. illustration.)

Le dernier acte se tient dans un "Padiglione" (scène 1), puis dans un "Lieu sinistre destiné au supplice de Sabino" et enfin, pour la dernière scène, dans une "salle royale, illuminée et pleine de monde".

Ces descriptions, qui annoncent le goût pour le poésie des ruines, et les plaisirs troubles du mouvement Gothic, ont-elles eu part au succès durable de l'oeuvre ? Une autre réponse peut aussi être apportée.
Si Pacchierotti créa le rôle-titre, deux autres interprètes tout aussi prestigieux mirent rapidement l'opéra à leur répertoire : Luigi Marchesi dès 1781 et Giovanni Maria Rubinelli, dès 1782. Ce qui contribua à la diffusion de l'oeuvre dans toute l'Europe musicale.


Le livret

En ce qui concerne la réalisation de ses livrets d'opere serie, Sarti se cantona principalement dans la sphère métastasienne, comme le montre assez la structure de ce Giulio Sabino, écrit par Pietro Giovannini.
On n'y trouvera pas la moindre originalité en ce qui concerne la structure, mais le choix du sujet témoigne d'un profond intérêt pour un thème qui avait précédemment inspiré les littérateurs.
On note, en effet, dès 1760 à Vérone un Giulio Sabino du comte Guglielmo Bevilacqua, puis un autre du comte Filippo Trenta, imprimé à Lucques en 1766. Mais ces ouvrages ont moins inspiré Giovannini que Dion Cassius (Historiarum Romanarum Epitome Xiphilini, LXVI, 16) , Plutarque (Moralia, Amatorius, XXV) et Tacite (Historiae, IV, 67).
Au contraire, cet opéra devint une matrice pour toutes les oeuvres ultérieures qui en reprirent le sujet, comme l'avoue Domenico Morosini, dans son Giulio Sabino vénitien de 1806, qui suivit "l'esempio dell' autore del dramma che l'inarrivabile Pacchierotti ha tra noi reso celebre" [l'exemple de l'auteur du drame que l' inégalable Pacchierotti a rendu célèbre.]Comme son modèle, il transposa l'action de la Rome impériale en terre lingone dans les Gaules, et respecta le cadre historique plus que ne l'avaient fait les deux premiers adaptateurs de l'anecdote romaine.
En 1779, Giuseppe Giordani avait donné à Florence une Epponina sur un livret de Giovannini. Il semblerait que ce soit la première mouture du livret utilisé par Sarti.

L'anecdote historique qui fonde le livret est un épisode de la révolte de Civilis et de Sabinus en 69-70 après JC.


Au premier acte, Giulio Sabino a quitté son château de Langres incendié pour faire crore à sa mort. Il rencontre son ami Arminio, qui le presse de retourner à sa cachette, car le secteur est entouré de troupes romaines. Il l'informe aussi que Tito est tombé amoureux de son épouse Epponina (qu'il croit veuve). Annio, le préfet romain, amoureux secrètement d'Epponine, fait croire à Tito que son père Vespasien veut emmener Epponina à Rome comme prisonnière. Tito est partagé entre son amour et son devoir. Voadice, soeur de Sabino et servante de Tito, défend sa belle-soeur. Sabino, jaloux de Tito, querelle son épouse. Ils sont surpris par Tito. Sabino se présente comme un ancien ami de Sabino, Orgonte, et offre ses services à Tito. Tito, cependant, cède aux supplications d'Epponina et lui permet de fuir. Annio informe Tito que la rumeur prétend que Sabino est encore en vie. Epponina court prévenir Sabino de la nouvelle.

Acte Second.
Arminio et Voadice renouvellent leurs serments. Arminio prévient Sabino/Orgonte que ses partisans se tiennent prêts à l'aider. Annio surprend Epponina et Sabino, et menace Epponina de tout révèler si elle ne se tient pas tranquille. A Tito, il annonce qu'Orgonte allait enlever Epponina. Tito fait emprisonner Sabino. Alors que les romains l'emmènent au camp romain, il est délivré par les troupes d'Arminio. Sabino se cache dans les ruines de son château, rejoint par Epponina et leurs enfants. Ils sont découverts par Annio et Tito. L'identité de Sabino est ainsi découverte. Voadice et Epponina tentent de fléchir Tito, lorsqu'on annonce que Sabino a été tué en tentant de s'enfuir. La nouvelle est fausse et on amène bientôt Sabino enchaîné devant Tito. Soutenu par son épouse, Sabino réafirme sa volonté de ne pas fléchir devant les romains : ils sont tous deux condamnés à mort.

Acte Troisième.
Epponina est conduite devant Tito, qui lui propose de la sauver si elle consent à devenir son épouse. Elle refuse et renouvelle ses voeux de fidélité. Tito décide de la punir de sa constance en lui faisant assister au supplice de son mari avant sa propre exécution. Sabino est conduit à la mort, il revoit sa femme et lui dit adieu.
Cependant, fléchi par la constance des deux condamnés, Tito leur accorde la vie sauve et leur rend leurs enfants. Avec cette clémence vient également l'hommage volontaire de Sabino, qui se soumet à l'autorité romaine.

Les principaux éléments des grands livrets métastasiens s'insèrent dans le texte qui nous occupe : exposition d'un conflit entre devoir et amour où le devoir l'emporte, convention du lieto fine qui rassemble les extrêmes, réflexion sur un code moral et politique qui voit la clémence du souverain gagner la soumission librement consentie de ses sujets. En effet, on assiste à un avatar de la "Clémence de Titus ».
Les caractéristiques des personnages sont aussi très typées : le triangle principal comporte Tito (ténor) amoureux sans réciprocité d'Epponina (soprano) qui entend rester fidèle à son mari Giulio Sabino (primo uomo soprano). Cette configuration est, somme toute, banale, et on la retrouve en effet dans de nombreux opere serie, que ce soit la Rodelinda de Haendel ou les Lucio Silla de Bach et Mozart.
L'intrigue secondaire implique évidemment le couple de complices confidents des principaux protagonistes : Arminio (secondo castrato) et Voadice (seconda donna). Le second ténor, Annio, n'est là que pour corser le scénario, en nourissant des sentiments, également non payés de retour, pour Epponina et déclencher la catastrophe.

Le modèle métastasien reste très prégnant dans la structure du drame, même si les airs de sortie sont bien moins nombreux : de nombreuses scènes s'achèvent par un récitatif sec. Cependant, le librettiste recourt souvent à l'astuce classique qui consiste à laisser un des personnages principaux sur scène pour en faire arriver un second. La liaison entre les scènes est plus fluide, mais au risque d'une certaine monotonie.

Cette construction somme toute conventionnelle fut à la fois un atout et un frein à sa propagation ; l'opéra se prétait plus aisément à des remaniements (insertions d'autres airs tirés d'opéras faisant partie du répertoire habituel des interprètes ou arie di baule) mais pouvait surprendre par sa construction un peu archaïque, en un époque charnière où l'opera seria se prêtait à une forme plus fluide incorporant des éléments venus d'autres genres. (Ces attentes causèrent d'ailleurs le semi échec de l'oeuvre à Londres.)

La structure de l'opéra, seize airs séparés par des récitatifs secs ou accompagnés, et comportant également un duo (terminant l'acte I), un trio (terminant l'acte II) et un choeur final (formé des protagonistes) est tout à fait classique. Les récitatifs accompagnés mènent naturellement tout droit à l'air qui expose les affects ; cette tradition est respectée sauf pour le n°2, Arminio, o Dio ! che mi rammenti... qui clôt la première scène, et donne au soliloque introductif de Sabino toute l'importance que mérite le premier protagoniste.
Les hiérarchies vocales sont pleinement respectées : aux deux héros les rondo de rigueur, aux rôles secondaires, des airs de "remplissage".

Mais cette vision très traditionnelle ne doit pas masquer la beauté des récitatifs accompagnés. Ces derniers sont souvent soutenus par des interventions aux hautbois, cors et bassons (Sabino dans I, 1 et II, 9 , et Venite, o figli.... (II, 10) et D'una vita infelice.. (III, 4)) qui sont assez inhabituels pour l'opéra italien de la fin du XVIIIe siècle. L'intensité de ces monologues ou dialogues souligne le drame des situations et renforce la pitié suscitée chez le spectateur.
Les marches étaient chose courante dans les opéras et Sarti ne pouvait manquer de souligner par sa Marcia lugubre un tel topos dramatique que la conduite de Giulio Sabino au supplice au son de l'Ut mineur réglementaire. Quant à l'effet produit, on pense évidemment à la Médée de Cherubini ("Mais quels sons...") et à La Vestale (I, 4 : "Grâce, grâce, dieux bienfaisants...")
Des effets marquants sont ainsi produits malgré un manque apparent d'innovation, avec un grand métier. L'opéra compte aussi des airs séduisants, qui continuèrent à charmer en pleine déferlante rossinienne. Cette malléabilité de la forme musicale à travers une structure stricte a sans doute largement contribué à la durabilité du succès de l'oeuvre.

(Des analyses musicales approfondies ont été publiées, aussi on n'y reviendra pas plus. Cf. bibliographie en annexe.)


Postérité européenne de l'oeuvre

L'oeuvre eut une diffusion extrêmement importante, sans doute à cause de la notoriété des interprètes successifs du rôle-titre, qui transportèrent l'oeuvre avec eux dans toute l'Europe.

Dans la liste impressionnante de reprises, parfois effectuées sous des noms différents (parfois sous les appellations d'Epponina ou Tito nelle Gallie, souvent retaillés en une version en deux actes, avec de fréquentes insertions ), on peut indiquer les suivantes :

1781 (printemps) Gênes ; (automne) Florence, Livourne
1782 (printemps) Pise ; (été) : Bologne, Imola
1783 (Carnaval) : Forli, Vérone ; (printemps) : Esterhàza ; (été) Sienne, Brunswick ; (date ?) Barcelone
1784 (Carnaval) Macerata, Modène, Pérouges, Milan (ballet ?) ; (printemps) Reggio Emilia, (?) Hanovre
1785 (Carnaval) Vérone, Vienne [pasticcio, insertions de Salieri Tarcchi] ; (printemps) Florence ; (date ?) Varsovie
1786 (Carnaval) Gènes, Pavie, Vienne [parodie dans Prima la musica poi le parole de Salieri]; (été) Naples ; (date ?) Presbourg [dans une traduction allemande de Johann Schüller]
1787 (Carnaval) Brescia ; (printemps) Madrid, Naples (ballet ?) et Palerme (bal)
1788 (Carnaval) Zara, Londres ; (printemps) Trieste ; (automne) : Crema
1789 (Carnaval) Mantoue ; (carême) Bologne
1790 (Carnaval) Livourne, Turin ; (Printemps) Ancône, Civitavecchia, Venise
1791 (Printemps) Pavie, Gènes (ball); (Carême) Reggio Emilia ; (été) Milan (version allemande : Norrimberga de Christoph Weigel de 1791)
1792 (automne) Venise (ballet ?) ; (date ?) Budapest [dans une traduction allemande de Johann Schüller]
1793 (Carnaval) Vérône, Gênes ; (Printemps) Pavie (pasticcio)
1794 Brescia
1796 (Carnaval) Faenza, Corfù, Ferrara
1797 Madrid
1798 (Carnaval) Madrid, Pistoia ; (Printemps) Lisbonne
1799 (Carnaval) Oporto ; (Printemps) Naples ; (date ?) Lisbonne
1800 (Carnaval) Cesena
1803 (Carnaval) Berlin ; (Automne) Bologne (ballet ?)
1805 (sept) Vienne [pasticcio, avec des insertions de Weigl, Girowetz et Salieri]

Sarti profita de cette notoriété extraordinaire puisque les thèmes principaux de sa partition furent réutilisés dans ses "sonates" pour clavecin, dont la "Sonata caratteristica", Giulio Sabino ed Epponina, Sonata caratteristica, Op. 1 publiée chez Artaria en 1785, puis republiée à Londres vers 1795, sous le titre de "The celebrated sonata . . ., in which all the obligato violin passages are adapted for the piano-forte".
La popularité de l'oeuvre est également attestée par la multiplications de partitions manuscrites, une édition de la partition complète imprimée luxueusement à Vienne par Artaria dès 1782, une traduction allemande du livret publiée à Nuremberg en 1791 (apparemment pour ses mérites littéraires, car cette édition ne semble pas liée à une série spécifique de représentations), et la parodie de Casti, représentée à Vienne en 1786.

Le succès des représentations de 1783, données à Esterhàza poussèrent sans doute Haydn à écrire son Armida la même année. Les similitudes entre les deux livrets ont fait l'objet d'analyses qu'on ne reprendra pas ici.

 

 

Luigi Marchesi et Catarina Cavalieri dans Giulio Sabino
au Kärntnertortheater en août 1785.
Photographie (c) DR

 

Les reprises viennoises de 1785 et 1805 et la parodie de Salieri, Prima la musica, poi le parole (1786).

En 1785, le célèbre castrat Luigi Marchesi, en route pour Saint-Petersbourg en compagnie de Sarti, s'arrêta à Vienne et donna six représentations du Giulio Sabino monté tout spécialement à son intention.
L'occasion était exceptionnelle, car on sait que Joseph II, qui surveillait de très prêt la programmation du Burgtheater, avait banni de Vienne et l'opera seria, et le ballet, au grand déplaisir de la noblesse qui appréciait ces loisirs aristocratiques, au profit de l'opera buffa et du théâtre national.
La production fut établie avec précision par Joseph II dans sa correspondance avec le comte Orsini-Rosenberg, chargé du théâtre impérial du Burgteater. (principalement dans une lettre datée du 23 juillet 1785.)
Les représentations comptèrent parmi les nouveautés de la saison et demandèrent un financement exceptionnel, mais furent fort rentables. (On trouvera les détails financiers de l'opération dans l'ouvrage de Dorothea Link indiqué en bibliographie.)
Marchesi interprétait évidemment Giulio Sabino, Epponina était chantée par Catarina Cavalieri (la première Konstanze de l'Enlèvement au Sérail), et Tito par Valentin Adamberger (le premier Belmonte.)

La version donnée fut en fait un pasticcio tant les insertions furent nombreuses. Outre les airs d'insertions de Salieri -qui dirigea les représentations-, on note, par exemple, l'insertion d'un rondo de Tarchi, Cari oggetti del mio core au lieu de l'air original Cari figli, un altro amplesso.
Le comte Karl von Zizendorf, dont les journaux sont si précieux en ce qui concerne l'opéra à Vienne, relate que 4. Aout [1785] : A 6h 1/2 au Theatre de la Cour pres de la porte de Carinthie. La Salle reparée ornée a neuf fesoit un bel effet, les appuis couverts de toile rose, les franges en dehors taffetas rose et faux or. L'opera serieux Giulio Sabino, trait d'histoire du regne de Vespasien un peu alteré. Marchesini premier Soprano del'Italie enchanta tous l'auditoire par sa belle voix, douce, sonore, harmonieuse et touchante. dans le duo la Cavalieri etouffoit la voix de March. par ses cris. March. a un visage de femme, des gestes de femme, que la Storace, son ecoliére a tres bien imité, une voix au dela de celle d'une femme, des sons flutés etonnans. La scene de la prison du second acte fut rendu par lui d'une maniére attendrissante. La decoration de fête qui y [recede ?] brusquement dans le troisiême acte, fait un coup de theatre. Il y fesoit tres chaud.
6.Aout : Le soir au Spectacle. Giulio Sabino. Il alla mieux que l'autre fois, Marchesi avoit moins peur, il s'est fait couper a 16. ans, et la Cavalieri cria moins. Le Prince de Kaunitz y vint.

Les allusions à Ann Selina (Nancy) Storace qui se trouvent dans le compte-rendu de Zizendorf, s'expliquent aisément. Au moins un air tiré de Giulio Sabino avaient été chanté à Vienne chez Sir Robert Murray Keith -l'ambassadeur anglais à Vienne-, le 1er juillet 1783, lors d'un concert privé, donné pour présenter la Storace nouvellement arrivée à la noblesse amatrice d'opéra.
Elle interpréta un air de l'opéra, accompagnée par Francesco Benucci au clavecin. Si on ne sait exactement quel air fut donné, il s'agit très certainement d'un air du rôle-titre. Nancy Storace était connue pour ses talents d'imitatrice, et elle avait déjà défrayé la chronique en Italie par sa duplication de certains ornements du chant de Luigi Marchesi.... et son renvoi (d'après Michael Kelly) à la suite de cet insolent exploit !

Ces représentations, qui marquèrent les esprit, firent l'objet d'allusions lors d'une soirée organisée par Joseph II qui mit en compétition Salieri/Casti et Mozart/Stephanie le jeune, à l'occasion de la visite de sa soeur et de son beau-frère. Les deux oeuvres furent données à l'Orangerie du château de Schönbrunn, le 7 février 1786.

Comme le relate le journal Wiener Zeitung du 8 février 1786 :
"Sa Majesté l'Empereur donna mardi une fête à Son Altesse le Gouverneur Général des Pays-Bas et à plusieurs personnages de la noblesse autrichienne. A ces réjouissances furent conviés quarante cavaliers ainsi que le prince Poniatowski dont il a été question plus haut. Après avoir choisis eux-même leurs dames, ils se firent conduire en couples, en calèches ou en voitures fermées, avec Sa Majesté l'archiduchesse Marie Christine elle-même, soeur de l'Empereur, de la Hofburg, à Schönbrunn, où ils descendirent à l'Orangerie. Celle-ci fut décorée avec la plus magnifique élégance pour le repas de midi. Placée sous les tables de l'Orangerie, la table du festin était garnie et décorée le plus agréablement qu'il fût de fleurs et fruits d'ici et d'autres pays. Pendant que Sa Majesté et les illustres hôtes prenaient leur repas, l'harmonie de la chambre royale et impériale jouèrent sur le plateau de théâtre qui avait été érigé à une extrémité de l'Orangerie une Comédie avec des airs de musique spécialement composés pour cette fête et intitulée "Der Schauspiel-Direktor". Ce spectacle fini, la compagnie de la Hofoper présenta sur la scène italienne dressée à l'autre extrémité de l'Orangerie l'opera buffa lui-aussi tout exprès composé pour cette circonstance sous le titre : Prima la musica poi le parole. Pendant ces représentations, l'Orangerie fut magnifiquement éclairé par de nombreuses lumières de lustres et de flambeaux. Après neuf heures (du soir) toute la société, accompagnée de palfreniers tenant les lanternes, retourna en ville."

L'oeuvre italienne livrée par Salieri est un mini opera buffa écrit très rapidement (d'où les nombreuses allusions dans l'oeuvre !), et qui n'aurait dû avoir aucune postérité en dehors des allusions précises au contexte de création et à l'actualité lyrique du moment.
Les airs serie parodiés sont donc des reprises des airs chantés par Marchesi lors de son passage viennois, sauf la partie d'Eponina... Les allusions aux interprètes viennois de ce Giulio Sabino, Catarina Cavalieri et Valentin Adamberger se renforçaient, puisque ces deux chanteurs faisant partie de la troupe allemande concurrente de cette même soirée.
Prima la musica était donc clairement une satire de la troupe du moment du Burgtheater et de son fonctionnement, ce que les spectateurs connaisseurs de la vie lyrique viennoise ne pouvaient manquer de relever.
Les piliers principaux de la troupe étaient présents: Eleonora était Nancy Storace ; Tonina, Celeste Coltellini ; le Poeta, Stefano Mandini, et le Maestro, Francesco Benucci. Le librettiste parodié était en fait Casti lui-même (qui venait d'écrire pour Vienne La Grotta di Trofonio ) même si Da Ponte crut s'y retrouver, méchamment brocardé. (Ceci dit, on connaît la paranoïa du Vénitien.) Le compositeur est évidemment Salieri lui-même.

En dehors des piques sur la rivalité du genre buffa et du seria, on peut aussi retrouver d'autres allusions :
Le Comte Opizio, le commanditaire de l'opéra qui doit être créée dans des conditions impossibles- était bien sûr l'empereur Joseph II, qui laissa très peu de temps pour monter le double spectacle. Le compositeur précise : "Mais avant-hier, le comte Opizio m'a parlé d'une virtuose fameuse, en tout cas, c'est ce qu'il dit, et le crois (et ceci aussi, je le crois, parce qu'il me l'a assuré lui-même) parce qu'il a un talent musical exceptionnel". Evidemment, allusion aux sessions musicales privées de Joseph II avec un petit groupe choisi de musicien, dont faisait partie Salieri depuis des années, tout comme à l'implication extrême dont témoigne sa correspondance dans le recrutement des chanteurs et leur estimation.
Le compositeur précise qu'il ne fera le travail que pour 100 zecchini (monnaie vénitienne)... et Joseph II dut le remarquer, car, malgré sa pingrerie légendaire, il lui donna 100 ducats, somme importante pour un travail qui incorporait des extraits d'autres compositeurs.

La pièce fourmillait aussi d'allusions à d'autres opéras de Salieri, en dehors des insertions qu'il fit dans le Giulio Sabino : Parmi les livrets d'opéra rejetés par Tonina figure La donna letterata, opéra écrit par Salieri ! (en fait, Le Donne letterate) et elle mentionne que "Je ne le connais pas, mais rien qu'avec le titre, je comprends que c'est casse-pied."
Le personnage principal de la Secchia rapita, Gherarda, comtessa di Culagna est esquissé dans le "Elle [Eleonora] pourrait être la comtesse de Culagna, je m'en fiche complètement", de la part de sa rivale Tonina.
Pendant que le poète arrange l'aria d'Eleonora, Salieri accompagne ses efforts par une ligne de basse qui ressemble à l'introduction des Donne Letterate... passage où l'on voit les personnages faire des efforts intellectuels assez ridicules.

Quand à l'air "français" de Tonina, il s'agissait bien évidement là d'une auto parodie de Salieri de ses tragédies lyriques parisiennes.
Il faut noter que les deux cantatrices rivales (sur la scène et dans la vie) Celeste Coltellini et Ann Storace, ne chantèrent que deux fois ensemble : des rôles de jumelles dans La Grotta di Trofonio et dans cette oeuvre-ci. Joseph II et l'administration du Burgtheater étaient sans doute courageux, mais non téméraires !

Quant au jugement des contemporains sur le succès des pièces, il est l'exact inverse de l'opinion contemporaine générale, comme le montre l'entrée du Journal du comte Zizendorf.

"7. Fevrier: Arrivés a Schoenbrunn ce salon d'orangerie qui fait un si beau [vase ? ], se trouva beaucoup mieux orné que l'année passée. Ma voisine a gauche la Pesse de Ligne dit que ces beaux arbres, ces fleurs, cette charmente musique de l'Empereur, qui nous jouoit les airs de Trofonio rapelloient les mille et une nuit, les contes des fées. . . . On prit le Caffé vers le placement du théatre Italien. On alla entendre une Comédie Allemande intitulée. Der Schauspiel Director dans laquelle la Sacco et Lang jouerent un morceau de Bianca Capello, la AdamBerger et Weidmann un morceau aus der galanten béurin. La Cavalieri et la Lang chanterent. Le tout etoit fort mediocre. Ensuite on passa a l'autre bout de la Sale, ou Benucci, Mandini, la Storace et la Coltellini jouerent une petite piece Prima la musica e poi le parole, dans laquelle la Storace imita parfaitement Marchesi en chantant des airs de Giulio Sabino. Cela fini a 8 h 1/2 on quitta Schoenbrunn. "

Comme le précise Zizendorf, Joseph II qui aimait la compétition musicale, avait déjà préparé une joute de cet ordre : il avait en effet opposé dans les mêmes lieux Emilia Galotti de Lessing et La Finta amante de Paisiello, d'où l'allusion de Zinzendorf aux festivités passées.

Ce ne fut pas la dernière apparition de l'oeuvre à Vienne, puisque Zizendorf note, en 1789, que : "7 Mars: Le soir a l'opera. [...] Ensuite la ferraresi chanta le rondeau de Giulio Sabino. Compatite i casi miei, compiangete il mio dolor. Acte II Scene ix."
La Ferrarese del Bene avait chanté le rôle d'Epponina à Londres, au King's Theater en 1786, dans une version de Cherubini.

L'oeuvre fut également reprise en 1805. Sur l'édition de 1805 figurent des insertions de Weigl, Gyrowetz et Salieri.
Le musicologue Giovanni Carli Ballola a signalé une conséquence probable et fort intéressante des reprises viennoises.
En 1785 avait été substitué au trio n° 16 "Sfogati pur tiranno" (Epponina, Tito et Sabino) de la fin de l'acte II, un autre trio de Sarti, tiré de son Medonte re di Epiro (livret de Giovanni de Gamerra, créé à Florence en 1777), qui compta comme Giulio Sabino comme l'un des plus grands succès du compositeur. Ce trio offre les mêmes caractéristiques que celui de Giulio Sabino : mêmes typologies vocales, même conflit des affects, même notoriété, comme en témoignent les nombreuses copies qui ont circulées.

Ce trio écrit pour un Medonte (ténor), Arsace (soprano) et Selene (soprano) est le suivant. On substitua un "amanti" original, pour un "sposi" plus adapté à Sabino et Epponina.

 

Tito : Tormate, empi, tremate
dell' ire mie severe ;
su quelle fronti altere
il fulmine cadrà.
Sabino : Risarmia, o Dio, quel sangue...
Epponina : Fa' ch'io sol cada esangue...
Sab et Epp. a due : Sfoga lo sdegno in me.
Tito : Ambi svenati io vohglio,
vittime am mio rigore.
Sab Epp a due : D'un innocente ardore
o barbara mercè !
Tito : Tolganzi agli occhi miei
quegli arborriti sposi.
Sabino : A questo affanno..
Epponina : Ai pianti...
Tito : Ho di macigno il cor.
Epponina : Son queste, amato bene,
le amabili catene
onde ne avvinse amor...
Sabino : Son questi, idolo mio,
quei cari lacci, o Dio,
che ci serbava amor...
Tito : E' questa, avversi Dei,
dunque la fè che in lei
facea sperarmi amor...
A 3 : Stelle tiranne, omai
ho tollerato assai
la vostra crudeltà.

 

Ce texte est exactement celui que mit Beethoven en musique vers 1801-1802. Ce trio fut complété en janvier février 1814, pour le concert donné à la Redoutensaal le 27 février de cette année-là ; dans le programme figurait également la 8ème symphonie et le Wellingtons Sieg oder due Schlaght bei Vittoria.
"Tremate, empi, tremate" (op. 116) fut publié en 1826 à Vienne par Steiner. Le texte de cet ensemble, dont l'autographe ne nous est pas parvenu, a été autrefois attribué à un "Signor Betoni" ou à un auteur inconnu. On peut maintenant supposer que Beethoven connaissait la version de Sarti, d'autant plus que la mise en musique beethovenienne comporte des similitudes structurelles troublantes avec celle du compositeur italien, selon M. Carli Ballola. Qu'il ait assisté à l'une ou l'autre représentation de Giulio Sabino est douteux, mais il est certain que ce fut ce pasticcio viennois dont il eut connaissance, puisque l'altération textuelle est bien reportée. 

 

Loeschenkohl Das Fest in der Orangerie zu Schoenbrun 1786

 

 
Eau-forte de Hieronymus Löschenkohl de 1786 montrant la décoration
de l'orangerie de Schönbrunn, où se tint le duel entre
Prima la musica poi le parole et le Directeur de Théâtre.
Photographie (c) DR

 

La reprise londonienne de 1788

Giulio Sabino était une oeuvre dont les Londoniens pouvaient avoir une idée, avant les représentations de 1788 au King's Theatre, l'opéra italien de Londres.
Outre des airs chantés en concert par Pacchierotti lors de son séjour londonien, Luigi Cherubini produisit une autre version musicale sur le même livret, qui fut donnée le 30 mars 1786 ; elle connut un échec retentissant et une seule représentation.
Cherubini avait été un élève de Sarti, lequel lui faisait composer les airs des personnages secondaires des opéras sur lesquels il travaillait, pour parfaire son expérience, et pour se décharger lui-même des tâches secondaires.
On ne sait si Cherubini participa à l'élaboration de Giulio Sabino, mais si ce fut le cas, il ne semble pas avoir réutilisé d'airs composés dans sa propre version de 1786.
En tout cas, le livret était un choix curieux pour Cherubini, étant donné la notoriété et le succès de l'opéra homonyme de son ancien professeur.
L'oeuvre ne fut jouée qu'un seul soir, pour la soirée à bénéfice de la soprano Adriana Ferrarese del Bene (la Fiordiligi de Mozart). Le rôle de Sabino était tenu par le ténor Matteo Babbini.
Cherubini partit pour Paris peu de temps après, et l'oeuvre ne fut pas redonnée.

La saison 1787-1788 du King's Theater vit l'engagement tant espéré de Luigi Marchesi que le directeur Giovanni Andrea Gallini avait tâché de recruter dès 1785. Quand le castrat arriva enfin à Londres en mars 1788, il était évident que tout serait fait pour lui plaire, et on programma donc un des opéras dans lesquels il était le plus célèbre. Ce fut donc Giulio Sabino représenté onze fois dans la saison, et dont la première eut lieu le 5 avril 1788.

La version utilisée à Londres suivait assez fidèlement celle de la création, ce qui était assez étonnant au regard des pratiques anglaises. Elle fut cependant adaptée par Mazzinghi (directeur musical du théâtre) et De Michele. Cette fidélité au texte, qui nous paraît aujourd'hui primordiale, ne fut pas appréciée des contemporains. Charles Burney se plaignit que les airs avaient été auparavant entendus lors de concerts et qu'ils ne firent pas l'impression de nouveautés ; Pacchierotti en avait chanté des extraits entre 1782 et 1784.
Les second et troisième actes avaient été réunis en un seul, sans doute à la demande de Marchesi.

Ces critiques illustrent l'un des écueils des transpositions des opéras en Angleterre : on pouvait oser la fidélité, mais à condition que les opéras soient de facture récente.
Parmi les altérations réalisées sur la partition -la fidélité avait ses limites !-on peut noter l'insertion de l'air Lungi dal caro bene tiré de l'Armida e Rinaldo de Sarti (Saint Pétersbourg, 1786) au lieu du Pensieri funesti Cette modification se fit apparemment également sur la demande de Marchesi. L'insertion ne fut pas copiée dans la partition complète du théâtre, sans doute parce que Marchesi essaya de s'en attribuer la paternité ; :mais quand la cavatine fut publiée par Longman & Broderip, ils indiquèrent le nom du rôle, Rinaldo (!), trahissant ainsi l'emprunt, alors que The Morning Post indiqua que :"The first air sung by Marchesi is said to be his own composition, and it is well adapted to display his voice."

La foule se pressa à la première et les critiques furent louangeuses quant à Marchesi. Sur la musique, les remarques sont plutôt tièdes : "His voice is exquisitely fine, particularly his lower tones, from which he makes the most beautiful transitions to the higher notes. The nasal intonation so frequent in the Italian school... is a fault from which Marchesi is totally free. If he has a fault, it is that he embellishes with too many graces... His forte seems to be the pathetic." (The Gazetteer)
Ce qui convenait tout à fait au rôle-titre. D'autres critiques, moins dityrambiques, lui trouveront moins de pathétique dans l'expression que ses devanciers.

The Advertiser plaça Sarti dans la "second class of musical writers," et le Times trouva la musique en partie insipide, sauf le duo du premier acte,"Oh Dei, da tanti affanni miei" (journal daté du 14 avril).
Parmi les amateurs du beau chant italien, Richard-Edgcumbe -qui laissa des mémoires for intéressantes pour l'étude du goût des élites- fut déçu : "[Marchesi] chose for his debut Sarti's beautiful opea of Giulio Sabino, in which all the songs of the principal character, and they are many and various, are of the very finest description. But I was a litte disapointed at Marchesi's execution of them, for they were all familiar to me, as I had repeatedly heard Paccierotti sing them in private, and I missed his tender expression, particulartly in the last pathetic scene, and lamented that their simplicity should be injured as it was, by an over-flowery style. The comparison made me like Marchesi less than I had done at Mantua, or than I did in other subsequent operas here. He was received with raptuous applause. (Richard Edgecumbe.Musical reminiscences of an old amateur chiefly respecting the Italian opera in England, from 1773 to 1823. London : W Clarke,1827. pp. 67-68)
Si la popularité de Marchesi dura, l'attrait de Giulio Sabino fut bref. Dès la cinquième représentation, la billetterie retomba. On peut sans doute blâmer l'Epponina de la signora Giuliani, dont la voix assez faible ne pouvait se comparer à celle de Gertrud Mara. Mais on ne peut nier que la structure de l'opéra était perçue comme passée de mode, et fut boudée par le public londonien.
Cette reprise eut peut-être une conséquence inattendue ; un air (ou une réminiscence) a peut-être été inséré dans le répertoire de la troupe concurrente, celle de Drury Lane, où Stephen Storace était en résidence, après avoir travaillé pour le King's Theatre. Sa soeur, la soprano Ann Selina Storace, après avoir été prima buffa du King's Theatre, faisait ses débuts dans l'opéra anglais avec un de ses opéras anglais, The Haunted Tower.
Le musicologue Roger Fiske (dans son English Theatre Music in the Eighteenth Century, Oxford University Press, 1973 et 1987) pense identifier une réutilisation d'un passage de Giulio Sabino dans ce Ballad opera qui avait "The Music Selected, Adapted & Composed by Stephen Storace", créé en 1789 à Drury Lane et publié chez Longman & Broderip. L'affiche précisait que "The New Musick, composed By Mr Storace, the rest compiled from Linley, Purcell, Sarti, Paesiello, Martini, Pleyel, &c. &c."
L'air "Dread parent of despair" (Acte III, scène 3) chanté par Lady Elinor serait une réutilisation, mais nous n'avons pas de confirmation certaine que le passage provienne de la version originale de l'opéra de Sarti.

La réputation de Giulio Sabino poussa jusqu'à Paris, où le 12 novembre 1812 on créa sur la scène du Théâtre du Vaudeville, une "comédie-anecdote en un acte, mêlée de vaudevilles, par M. J Gabriel et Wafflard" [Jules Gabriel et Alexis Vafflard], Haydn, ou le menuet du boeuf.
Dans la scène 3, Haydn, qui se trouve chez lui avec Sophie, sa filleule et Eugène, jeune français, secrétaire du Prince d'Esterhazy, ouvre son courrier...

Haydn, en décachetant une de ses lettres.
L'entreprise est épineuse... Allons, allons, je vous promets de faire tout ce qui dépendra de moi à cet égard, et j'espère, mes chers enfants.... (Lisant). Ah ! ah! de Londres... qui peut m'écrire ?... C'est de monsieur Broderip, mon marchand de musique.

Eugène
Chaque jour de nouveaux succès.

Sophie.
Vos sonates auront fait le plus grand plaisir.

Haydn, après avoir lu.
Il m'en demande des nouvelles. Ces gens-là me croient aussi fécond. (Décachetant l'autre lettre.) Italie... Venise... Eh ! c'est de mon ami Sarty ! (Avec enthousiasme) Grand homme ! ton Giulio Sabino présente à notre art une barrière insurmontable ! (A Sophie) Tiens, lis ; ma vue est si faible....

Sophie, lisant.
Mon cher Joseph,
C'est Sarty qui t'écris, c'est Sarty, l'admirateur de tes beaux ouvrages, qui s'empresse de t'annoncer que ton nouvel opéra, Séria, vient d'obtenir le plus grand succès.

AIR : Ce magistrat irréprochable.
Que ne pourrait ta mélodie,
Chantre divin, harmonieux !
Je sens, par tes accords ravie,
Mon âme s'élever aux cieux.
Sacchini, Gluck, à qui la gloire
Ne connaissaient point d'héritiers
Pres d'eux au temple de Mémoire,
Ont déjà placé tes lauriers. (bis)

Haydn, vivement touché, en lui prenant la lettre.
Les Italiens sont enthousiastes.

Eugène
Et grands connaisseurs.

Haydn
Ce bon Sarty, je me rappelle souvent le jour où je le vis pour la première fois.

Sophie
C'est lui, je crois, qui voulait vous contraindre à quitter Eisenstadt, pour ne plus habiter que la capitale.

Haydn
Ta mémoire est fidelle, ma chère amie.

Eugène
Pourquoi ne pas avoir suivi ce conseil ?

Haydn
AIR : Ca fait toujours plaisir
J'aime de cet asile
[...]

 

 

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