'Zanaida' de Johann-Christian Bach

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Le réveil d’une belle endormie...

 

 

Photographie © DR

 

Après la mort de son père en 1750, Johann-Christian Bach se rendit chez son demi-frère Carl Philipp Emanuel à Berlin. Il y demeura jusqu’en 1754-1755. Il partit alors pour l’Italie où il devint l’élève du Padre Martini à Bologne. La conversion de Bach au catholicisme, son intérêt pour la musique d’église, son poste de second organiste à la cathédrale de Milan, puis son intérêt pour l’opéra et le succès qu’il y rencontra, marquent les étapes suivantes de son développement musical.

Entre le 10 avril et le 27 mai 1762, Bach reçut une offre du King’s Theatre in the Haymarket, l’opéra italien de Londres, pour écrire deux opéras. Le 27 mai, l’organiste présenta une pétition au chapitre de la cathédrale pour obtenir un congé d’un an afin d’honorer la commande. Ce congé qui ne devait être que temporaire (en effet, le 1er juillet 1763, le nom de Bach figure encore sur le livre de compte du chapitre !) fut définitif : le compositeur passa la majeure partie du reste de son existence en Angleterre et y mourut en janvier 1782. Il ne démissionna de son poste d’organiste qu’en décembre 1763.

La Signora Colomba Mattei (cantatrice, active à Londres entre 1754 et 1763) et son mari, le Signor Trombetta étaient les nouveaux directeurs du King’s Theatre ; l’histoire de l’institution avait été tumultueuse, et ils essayaient d’y insuffler un peu plus de qualité après des saisons inégales. Leur choix de compositeur en résidence, Gioacchino Cocci avait déçu (Burney affirma d’un de ses opere buffe que c’était « l’une des représentations les plus calamiteuses qu’il entendit dans un théâtre d’opéra italien »). Son contrat se terminait après la saison 1761-1762 et ne fut évidemment pas reconduit.

Si on ne sait exactement comment la Signora Mattei contacta J-C Bach, plusieurs hypothèses ont été avancées.
La rumeur de ses succès à Turin et à Naples (Artaserse (1761), Catone in Utica (1761), Alessandro nell’Indie(1762)) a certainement été un facteur important.
Le compositeur GB Lampugnani, ami du Padre Martini, a sans doute recommandé son collègue : il avait écrit un Siroe en 1755 pour le King’s Theatre : Colomba Mattei y était la seconda donna. On a supposé qu’elle a lui peut-être écrit à Milan pour lui demander son opinion.
Heinz Gärtner avance que l’avis de Filippo Elisi, qui avait été recruté pour la saison 761-1762 dans la troupe de Londres, fut prépondérant dans ce recrutement ; à Milan, Bach lui avait écrit un air d’insertion, « Misero pargoletto », qui obtint un grand succès, dans le Demofoonte de Ferrandini. Le chanteur ne demeura pourtant pas dans la compagnie, et à l’arrivée de Johann-Christian, ce dernier n’y trouva que des interprètes peu inspirants.

Un autre élément extra-musical aura son importance dans la carrière londonienne de Bach : la princesse Sophie-Charlotte de Mecklenburg-Strelitz devint l’épouse de George III en 1761. Elle avait été l’élève de Carl Philipp Emanuel Bach, et s’en réclamait volontiers. Johann-Christian l’a sans doute rencontrée à Strelitz, lors de son séjour à Berlin entre 1750 et 1754.
Il composa pour célèbrer son mariage une cantate, « Thanks Be to God Who Rules the Deep. An Ode on the Auspicious Arrival and Nuptials of Her Most Gracious Majesty Queen Charlotte, by John Lockman. Set to Music by Mr. Bach ». On ignore comment Bach se procura le texte de Lockman depuis l’Italie. On ignore également si la cantate fut donnée, mais on sait que la reine apprécia la partition, qui figure dans sa collection privée. Elle lui témoigna plus tard sa satisfaction en le prenant sous sa protection.

A son arrivée à Londres, Bach n’écrivit tout d’abord que dans des pasticci, pour lesquels il fournit quelques airs et des ouvertures : Il Tutore e la pupilla, Astarto, Rè di Tiro (décembre 1762), La Cascina (8 janvier 1763), La Calamità de’cuori (3 février 1763, d’après Galuppi).
Charles Burney explique ainsi cette décision :

 

« A son arrivée à Londres, [Bach] fut extrêmement mortifié de voir qu’il n’avait pas de meilleurs chanteurs pour lesquels écrire que Ciardini et la Cremonini, et pendant quelque temps, il refusa entièrement de composer pour notre scène, ne souhaitant pas, en étranger qu’il était, risquer sa réputation pour de tels chanteurs. Mais, finalement, ayant entendu la De Amicis interpréter deux ou trois airs sérieux en privé, cela lui donna l’idée de lui confier le rôle de prima donna dans son opera seria ; et comme il avait communiqué cette idée à l’impresaria Mattei, cela fut vite arrangé ; et la De Amicis, qui fut au premier rang des chanteuses de l’opera seria à Naples et autres grandes cités d’Italie, sortit de l’opera buffa et devint prima donna seria. Et durant tout le reste de la saison, elle enchanta la ville le mardi comme le porte-étendard de Thalie, et le samedi comme celle de Melpomène. » (Burney, A General History of Music, From the Earliest Ages to the Present Period, Vol IV, Chap. VI, p. 481, trad. E. Pesqué.)

 

La saison du King’s Theatre se tenait entre novembre et juin, et les représentations avaient lieu les mardi et samedi. Anna De Amicis (vers 1733 –1816) avait été engagée à Londres pour des rôles comiques. Bach la dirigea tout d’abord dans le pasticcio Il Tutore e la pupilla qui ouvrit la saison le 14 novembre 1762.

Le premier opéra que composa Bach pour le King’s Theatre ne fut créé que le 19 février 1763. Cet Orione, o sia Diana Vendicata, fut un immense succès, comme le relate Burney : « [l’opéra] fut honoré par la présence de leurs Majestés lors de la première, […] et extrêmement applaudi par un public très nombreux. » (op. cit., p. 481)

 

 

Photographie © Zanaida à Bad Lauchstädt, 2011. Photographie © Gert Mothes

 

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