Victor Maurel (1848-1923)
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- Publication : mercredi 9 avril 2008 00:00
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Le baryton préféré de Verdi
Victor Maurel est né à Marseille le 17 juin 1848.
Son enfance et sa formation nous sont connues grâce à un article publié dans Le Figaro du 29 novembre 1879 dans lequel on apprend qu’il aurait pu se contenter «
de recueillir plus tard la riche et aristocratique clientèle de son père, chargé, entre autres travaux importants, de faire construire le Casino et la plupart des propriétés opulentes de Monaco. Elève de l’Ecole des Arts et Métiers, à Aix, c’est dans l’intermède musical d’une distribution de prix qu’il fit apprécier pour la première fois le charme de son organe. »
A l’époque il était ténor, mais lorsqu’il rentre dans les classes de chant et d’opéra du Faubourg Poissonnière, on le croit basse profonde. Cependant «la mue n’avait pas dit son dernier mot. Son organe se déplace de nouveau et monte graduellement ». Mais. « Auber n’en démord pas et continue à lui donner les airs de basse profonde ».
En 1867, Maurel partage avec le futur directeur de l’opéra de Paris, Pedro Gailhard, le titre de plus jeune lauréat de l’histoire du premier prix de chant du Conservatoire. Ils n’avaient que 19 ans ! Ce record, toujours insurpassé, allié à leur indéniable talent, leur valut une invitation à dîner chez Rossini en compagnie du ténor Capoul.
Maurel fait ses débuts sur la scène de l’Opéra le 4 mars 1868 dans Le Trouvère. Il y revient quelques moins plus tard dans Les Huguenots. A cette occasion, L’Europe artiste du 24 janvier 1869 fait son éloge en ces termes : « M. Maurel a parfaitement réussi. Il paraît très jeune mais sa voix est bien posée. Elle n’a pas encore acquis le volume qu’elle prendra après mais elle a du corps, une grande justesse et une souplesse remarquable. On ne peut en vouloir au débutant d’imiter Faure dans sa manière de phraser. Il aurait pu choisir un plus mauvais modèle et un maître moins expérimenté. En somme M. Maurel est une excellente acquisition pour l’Opéra. »
Toutefois, le jeune artiste comprend que l’hégémonie tyrannique de Jean-Baptiste Faure est telle qu’il doit se résoudre à rester dans son ombre ou à quitter son pays chercher sa bonne fortune ailleurs. A l’instar du baryton Devoyod, il opte pour la deuxième solution. L’année 1870 le voit affiché à Bruxelles, au Caire, à Saint-Pétersbourg, et à Venise où il est amené à remplacer le ténor dans Linda Di Chamonix !
Le 9 mars 1870, c’est avec la création mondiale de Il Guarany de Gomez qu’il effectue ses débuts à la Scala de Milan. Il y revient deux ans plus tard pour la première du Ruy Blas de Marchetti, avant que Gomez ne fasse à nouveau appel à lui pour son nouvel opéra : Fosca. Le 20 mars 1873, il participe au premier Lohengrin donné in loco.
Entre temps, il a pris part à la création de la version en quatre actes, sans l’acte de Fontainebleau, du Don Carlo de Verdi, au San Carlo de Naples.
Le 25 novembre 1875, il est Amonasro lors de la première américaine d’Aïda.
La fin des années 1870 le voit souvent à Londres où il crée successivement Lohengrin, Tannhäuser et le Vaiseau fantôme, opéras qu’il a travaillés avec Wagner lui-même. A l’opéra royal, il est souvent aux côtés de la plus grande star de l’époque, Adelina Patti. Ensemble, ils chantent dans La stella del Nord, Faust, Dinorah, Don Giovanni, Semiramide…
Le 21 novembre 1879 marque son grand retour à Paris dans l’Hamlet d’Ambroise Thomas.
Le Figaro du 29 novembre 1879 nous le présente comme « Grand, blond, de tournure élégante, [avec] une tête intéressante, expressive, sympathique, [portant] admirablement le pourpoint des héros de Shakespeare. […] ». Il faut préciser que Victor Maurel s’est forgé un corps d’athlète grâce à la pratique intensive de nombreux sports (marche, chasse, canotage, équitation, boxe française, escrime…) sous la houlette des meilleurs spécialistes. Son maître de boxe, M. Corbett, était champion du monde et ses maîtres d’armes « es plus réputés de France et d’Italie » comme il aimait à le préciser.
Comme toujours, Maurel a beaucoup approfondi son interprétation notamment en étudiant le jeu déployé dans ce rôle par deux grands tragédiens dans Hamlet : Booth en Amérique, Irving à Londres.
Le Globe du 29 novembre 1879 le couvre de compliments: « Le succès a pleinement récompensé sa hardiesse. La voix de M. Maurel est agréable, d’un timbre souple et franc, l’émission est bonne, la prononciation excellente. L’artiste emploie, avec infiniment de charme et d’habileté, les teintes de la voix mixte. A dire vrai sa voix convient mieux aux effets de douceur qu’aux éclats de puissance, mais se prête avec aisance à toutes les intentions du chanteur ; bref M. Maurel est un habile et excellent artiste qui sait dire et phraser, donner à la musique son accent et sa véritable couleur.
(…) M. Maurel a le bon goût de ne chercher en rien à rappeler Faure ; son goût est personnel et sa manière rappelle quelque peu celle de l’Italien Rossi. Ses gestes sont justes, sa physionomie mobile et expressive. Dans la scène de l’Esplanade, il a fort bien chanté, avec beaucoup de goût et de tenue, l’invocation et mimé avec expression la partie muette du rôle ; il marque avec intelligence les alternatives de folie et de fureur concentrée du rôle. Au final du troisième, il prépare bien l’explosion qui est le point culminant de l’action, et il a très bien rendu la colère du fils découvrant les meurtriers de son père. Le monologue si recherché dans ses effets, si difficile à dire et à chanter a été pour M. Maurel l’occasion d’un succès très réel et de très bon aloi. C’est un Hamlet romantique, mais dans la meilleure acception du mot, et tel que depuis longtemps nous n’en avions pas vu à l’Opéra. »
Maurel a toutefois des détracteurs qui refusent de lui attribuer la couronne longtemps portée par JB Faure. L’Evénement du 30 novembre 1879 s’emporte contre lui : «Quand un grand artiste comme Faure met sa griffe magistrale sur une œuvre, bien outrecuidant celui qui voudrait se soustraire à son autorité. (…) Pour faire nouveau il a voulu ajouter au rôle des gestes exubérants, des roulements d’yeux, des contorsions de bouche et des poses de maillot qui sentent la province d’une lieue (…) Sa voix est maigre claire et un peu blanche, elle manque de rondeur, a dû toujours être courte dans le bas et paraît fatiguée dans le haut. Elle semble plutôt faite pour l’opéra-comique (…) »
Peu de temps après, Maurel participe à deux grands événements parisiens. Le 5 janvier 1880, il supervise et chante un Don Giovanni rendu à sa vérité philologique, projet sur lequel il est revenu longuement dans ses écrits (voir plus loin) et le 22 mars suivant, c’est l’entrée au répertoire de la « grande boutique » d’Aïda avec Verdi lui-même à la baguette et les fameuses trompettes Adolphe Sax.
Pour lui les années 1880 sont fastes sur le plan artistique mais ruineuses sur le plan financier en raison de l’échec retentissant du Théâtre-Italien dont il devient le directeur en 1883.
Il y engage les plus grands noms de l’art lyrique, Gayarré, Jean et Edouard de Reszké, Lubert, Fidès Devriès, Emma Calvé, Sembrich et y lance une étoile de première grandeur en la personne de son élève la plus illustre Felia Litvinne qu’il distribue ans le rôle d'Amélia de Simon Boccanegra puis dans l’Elvira d’Ernani du même Verdi.
Autre fait marquant de sa direction, la création parisienne de l’Hérodiade de Massenet en…italien, le 1 février 1884.
Mais les déboires financiers de l’entreprise l’obligent bien vite à jeter l’éponge et lui inspirent ces lignes amères : « L’entreprise du Théâtre-Italien a versé, durant son existence [18 mois], plus de sept millions dans le commerce parisien. Pour moi, qui y étais entré riche et désireux de m’employer pour le bien de l’art, j’en sortis pauvre et accablé sous le poids d’inimitiés et d’injustices de toutes sortes. »
Mais sa collaboration avec Verdi le fait entrer dans la légende. Le 24 mars 1881, à la Scala de Milan, il assure la création mondiale de la seconde version de Simone Boccanegra, et le 5 février 1887, celle d’Otello. Il reprend le rôle de Iago à Rome, à Venise, Paris (1888), Londres (juillet 1889), Barcelone (1890), Nice (1891). Lors de sa première apparition dans ce rôle à New-York en décembre 1894, Le New-York Times s’enthousiasme :
« Maurel's Iago had not been heard here before last night, nor can it be said that the artist himself was at all well known by the public. It is twenty years since he visited America as a young man with only four years' experience on the stage. He returns to us with some of the freshness gone from his voice - never a great one - but with his art at its maturity and backed by an authority which few operatic idols possess. (…) As for M. Maurel, he was a revelation to the public of the resources that go to make the art of a truly great singing actor. His work last night was charged with vitality and significance. His vocal work was full of finesse and his acting was masterly. In a word, he gave a performance which justified his claim to the title of one of the greatest operatic artists of the day. »
Entre temps, il est revenu à Milan, au Teatro dal Verme, cette fois, pour créer, le 25 mai 1892, I Pagliacci sous la direction de Toscanini.
Quelques mois plus tard il retrouve la Scala où les répétitions de Falstaff au piano avec la troupe commencent le 4 janvier 1893, et celles avec orchestre le 22 janvier. Elles se déroulent à huis clos car rien ne doit filtrer du nouvel opus. La première du 9 février 1883 a un retentissement mondial et se donne devant un public brillant qui compte Puccini, Mascagni et la fine fleur de la critique européenne et américaine. Au final, Verdi, les solistes et l'orchestre sont ovationnés pendant près d'une demi-heure.
Lorsque Maurel reprend le rôle à Rome, le mois suivant, pour les noces d’argent du roi d’Italie en présence du Kaiser, cela fait scandale dans la France revancharde de l’époque où un journal nationaliste souhaite « qu’il reste donc tout à sa seconde patrie, sa première se moquant de lui comme d’un macaroni raté ».
Il crée ensuite Falstaff à Vienne en mai 1893, le 18 avril 1894, dans une version française à l’Opéra-Comique en présence de Verdi, le 4 février 1855 au Met de New-York pour la première de l’ouvrage sur le continent américain où il le chantera aussi à Philadelphie, Baltimore, Washington avant une ultime apparition sous cet habit shakespearien à l’Opéra-Comique en octobre 1901.
Le dernier tiers de sa carrière est marqué par sa participation, le 26 décembre 1894 à une soirée légendaire passée à la postérité sous le nom de « nuit des 7 étoiles ».
Le Met de New-York avait réuni pour Les Huguenots le gotha de l’art lyrique : Melba, Nordica, Scalchi, Jean et Edouard de Reszké, Plançon. Un tel faste vocal n’empêche pas Maurel de déplorer des aspects moins réjouissants: « La mise en scène était assez négligée, les seigneurs sans importance, mal vêtus et souvent maladroits ; au troisième acte, Marguerite de Navarre arrivait dans une chaise à porteurs Louis XV (la même qui sert à Manon), et une partie du même acte était joué dans une obscurité absolue, et l’œuvre a été le clou absolu de la saison. A New-York, elle a fait salle comble, malgré une augmentation de 40 0/0 du prix des places ; à Boston, une représentation a donné plus de 75, 000 franc ; partout enfin le succès a dépassé les prévisions. »
Un an plus tard, il chante son premier Amonasro in loco et Reginald De Koven pour The New York World loue sa prestation : « I think M. Maurel all the greater artist because of the vocal limitations-less evident last night than usual-which one must perforce recognize. His Amonasro was a rather dramatic creation; a real person, strong, forcible, convincing, presented vocally and dramatically with the finish, the authority, the temperamental energy which mark the great artist. »
Maurel est une star invitée par les gens les plus éminents et les plus célèbres. Paderewski lui dédie une mélodie sur un poème de Théophile Gautier, « Dans la forêt » (1886) et lors d’un de ses derniers séjours à Londres, en juillet 1906, il est convié par Elgar à un repas réunissant Tosti et Caruso.
Il ne cesse d’élargir son répertoire. Les compositeurs lui écrivent de nouveaux rôles et il assure les créations mondiales du Moïna d’Isidore de Lara à Monte-Carlo en 1897, un opéra très noir sur la révolte des Irlandais contre leurs oppresseurs à la fin du XVIII ième siècle, et du Juif polonais d’Erlanger à l’Opéra-Comique le 11 avril 1900. Maurel y chante le rôle de Mathis qui était, dans sa version parlée, un des chevaux de bataille de Coquelin et de Lucien Guitry. Peut-être Maurel a-t-il assisté, en mars 1921 au Met à l’opéra de Karel Weis où le même personnage était confié à Caupolican, le chef indien de la tribu chilienne des Auracanos…
Il aurait pu hériter aussi, début 1893, du rôle mythique de Werther. En effet, à l’issue de la dernière répétition avant la générale, le ténor déçu amèrement le compositeur qui, tranchant, lui fait cet affront : « Je vous retire le rôle ; la répétition est terminée. Werther ne sera pas donné avec vous. Puisqu'il n'y a pas de ténor pour Werther, je vais le transposer pour baryton, pour Victor Maurel. » C’était sans compter sur le passage à Paris du ténor Guillaume Ibos qui trouva grâce aux yeux de Massenet.
Parmi les dernières prises de rôle de Victor Maurel, citons Der Köningin von Saba de Goldmark puis, en 1905 à Naples, Don Pasquale .
C’est en 1909, qu’il fait une dernière apparition sur scène dans Le Tableau parlant de Grétry interprété par les élèves de son école parisienne sous la direction de Thomas Beecham.
Il passe ses dernières années à New-York où il fonde en 1908, un Conservatoire d’art lyrique et donne des cours privés à des grands acteurs de cinéma.
C’est son épouse, de 20 ans sa cadette, qui l’a mis en relation avec ce milieu où elle s’est fait une grande réputation de scénariste sous le nom de Fred de Grésac. Cette femme de lettres, fille adoptive de Victorien Sardou, l’auteur de Tosca et de Fedora, a d’abord signé un certain nombre de livrets d’opérettes et de pièces de théâtre, parmi lesquelles La Passerelle (1902), une comédie qui triompha en Angleterre. Dreyfusiste, elle a aidé Sardou à faire parvenir à la presse, sans que l’origine de la fuite ait pu être identifiée, le rapport de la Cour de cassation que L’Aurore a publié à partir du 1er avril 1899. Outre Atlantique, elle connaît un grand succès à Broadway où elle adapte ses grands succès antérieurs et collabore avec Victor Herbert notamment pour The Enchantress qui contient le fameux air humoristique « I Want to Be a Prima Donna » parfois donné en bis par les cantatrices américaines encore de nos jours. Pour le cinéma, elle écrit de nombreux scénarios dont celui d’un des plus grands triomphes de l’époque, Le fils du Cheik, avec Rudolph Valentino, et des adaptations de La Dame aux Camélias (Camille) , ou La Bohème de Murger pour King Vidor.
C’est ainsi que Victor Maurel fut le professeur du danseur et chanteur Clifton Webb (1891-1966) qui débute sa carrière à l’age de 9 ans, chante dans Mignon à l’Aborn Opera Company en1913 et apparaîtra au générique de Laura de Preminger (Waldo Lydecker) et de The Dark Corner d’Hathaway.
Mais son élève la plus célèbre fut la grande star du muet, Lilian Gish, actrice fétiche de Griffith et une grande amie de son épouse, qui rétribue ses cours de chant en posant pour lui comme modèle sur le mode du « 30 minutes de cours contre 30 minutes de pose ».La star insistera sur la qualité de ses leçons, si fructueuses pour elle, et sur l’importance des analogies picturales utilisées par le chanteur-peintre.
C’est en qualité de décorateur que Maurel est affiché une ultime fois au Met de New-York, lors d’une Mireilledirigée par P. Monteux en février 1919 en qualité de décorateur. On sait que selon le Figaro du 29 novembre 1879, « Il a sérieusement et longuement travaillé la peinture, non comme art d’agrément - M. Maurel ne se donne jamais d’agrément- mais pour mieux composer ses rôles. Pour lui l’arc en ciel est une autre gamme, une gamme de couleurs (…) le bleu azuré lui rappelle les accents du ténor léger ; le rouge foncé lui remémore son mi-bémol grav. »
Le 22 octobre 1923, le grand baryton meurt à New-York. A l’issue de son enterrement, au cours duquel l’ancien directeur du Met, Giulio Gatti-Casazza, s’évanouit, Emma Calvé invite sa veuve et la star du cinéma muet Lilian Gish dans son appartement ; elle leur chante et leur danse Carmen comme le grand baryton le lui avait enseigné.
Marcel Proust le cite dans Le Côté de Guermantes (troisième partie) : « La duchesse de Guermantes (peut-être en ne l'appelant pas Oriane voulait-il mettre plus de distance entre elle et moi) est délicieuse, très supérieure à ce que vous avez pu deviner. Mais enfin elle est incommensurable avec sa cousine. Celle-ci est exactement ce que les personnes des Halles peuvent s'imaginer qu'était la princesse de Metternich, mais la Metternich croyait avoir lancé Wagner parce qu'elle connaissait Victor Maurel. La princesse de Guermantes, ou plutôt sa mère, a connu le vrai. Ce qui est un prestige, sans parler de l'incroyable beauté de cette femme. Et rien que les jardins d'Esther! »
Il a incarné a incarné le prototype et l’archétype du chanteur-acteur qui a toujours privilégié la dimension dramatique de ce théâtre chanté qu’est l’opéra. Ecoutons le lorsqu’il écrit : « Je me suis appliqué surtout, et de tous mes soins, à ne point « faire du son », comme on dit, lorsque j’estimais que c’était hors de propos ou nuisible à la vraisemblance ; je peux dire que j’ai toujours, sans hésiter, sacrifié un effet vocal à la justesse d’expression. ». Il écrit aussi, très lucidement, que « préoccupé avant toutes choses de donner à mon chant l’expression que réclamait l’action, je me suis inévitablement attiré des reproches d’insuffisance vocale. »
Norman Hapgood, dans son essai The Stage in America, 1897-1900 (The Macmillan Company, New York, 1901, p. 373) se souvient de lui sous cet angle « Victor Maurel seemed to me a wonderful Falstaff, a great actor -- as Calvé seems in Carmen; but the conditions of the operatic stage are different, and Mr. Bispham is the only singer I ever saw do such acting on the regular stage. » Un autre grand critique de l’époque, James Huneker rejoint Hapgood dans l’éloge et loue en Victor Maurel, un « master of all singing-actors, employed a sliding scale of values in his delineation of De Nevers, Don Giovanni, Iago, and Falstaff. His power of characterization enabled him to portray a Valentine true to type, nevertheless individual; and if there is a more banal figure on the operatic boards than Valentine, we do not know his name. »

Maurel a beaucoup oeuvrer pour moderniser l’art lyrique tout en étant parfaitement conscient qu’une large majorité du public reste indifférente à la qualité dramatique du spectacle. Il note à ce propos : « Vous me demandez encore, monsieur le Directeur, si je crois que la masse du public en viendra à ne plus se contenter exclusivement de la partie vocale, et exigera que les artistes attachent plus de prix et donnent plus de soin à la partie scénique. (…) [Une partie importante du public] est en effet à peu près indifférente en ce moment à l’évolution de l’art lyrique ; elle ne paraît que peu se soucier d’une bonne exécution scénique, et son exigence ne va guère qu’à demander au chanteur de n’être pas ridicule ».
Il mena ce combat au profit de la vérité théâtrale en « nature d’élite », en travailleur acharné « très persuadé de sa force, très conscient de son art, [qui] ne redoute aucune concurrence » comme le note Léon Kerst en décembre 1897.
Peut-être suffit-il de dire que Victor Maurel comptait parmi ses admirateurs le plus grand tragédien de son temps, Mounet-Sully, qui partageait sa vision d’Otello et s’inscrivit lui aussi en faux contre Le Paradoxe du comédien de Diderot en faveur de la même conception du processus d’identification.
Son travail pour rendre au Don Giovanni de Mozart sa vérité première en fait un précurseur du mouvement « baroque », sa haute vision de son art d’ « acteur qui chante » trouvera une incomparable héritière en la personne de Maria Callas.
Maurel a laissé des témoignages discographiques, enregistré en 1903 et repris sur CD par les labels Cedar & Weiss, Pearl et Marston.