Medea au Châtelet, juin/juillet 2005

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tuano
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Medea au Châtelet, juin/juillet 2005

Message par tuano » 30 juin 2005, 22:19

Vous pouvez mettre vos commentaires sur les représentations dans ce nouveau fil de discussion, merci.


Quelques précisions : le spectacle dure presque 3 heures avec 2 entractes de 20 minutes.

Annamaria dell'Oste chante Glauce et c'est Giorgio Giuseppini qui incarne Creonte.
Claire et Yves Renaud jouent les enfants.

France Musiques diffusera le spectacle le 20 août.

Je préviens ceux qui ont de grandes attentes : franchement, c'est pas terrible !

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Message par Rameau » 30 juin 2005, 23:28

J'y vais le 3 et c'est vrai qu'à te lire je crains d'être déçu; c'est vraiment étonnant pourtant: une des chanteuses préférées de beaucoup ici (pour ma part je l'aime bien mais je n'en fais pas une de mes préférées), un metteur en scène qui a récemment connu un beau succès (Les Bassarides). Est-ce que le choix de la version trafiquée te semble (vous semble, à tous ceux qui ont vu la première) en partie en cause dans cette déception?

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Message par tuano » 30 juin 2005, 23:37

Non, je connais mal cette oeuvre, mon point de vue est celui d'un néophyte, je ne sais pas à quoi ressemble la version non trafiquée dont tu parles. En tant que spectacle d'opéra, j'ai trouvé la soirée très faible. La mise en scène est nulle.

Je pense qu'Anna Caterina Antonacci s'est illustrée à Paris dans des rôles où elle était meilleure, que ce soit vocalement ou théâtralement. Je pense aussi qu'elle a besoin d'être dirigée par un véritable metteur en scène pour donner scéniquement le meilleur d'elle-même, ce qui n'était pas le cas ce soir.

J'adore Anna Caterina Antonacci et espère la voir bientôt dans un autre spectacle (et un autre rôle).

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Message par Barberine » 01 juil. 2005, 00:01

Je n'en reviens pas qu'on puisse trouver cette mise en scène "nulle". Je l'ai trouvée sublime, comme tout ce que fait Yannis Kokkos depuis celle des Troyens et des Bassarides. Une grande majesté, une grande classe. A.C. Antonacci était à la hauteur de ces qualificatifs. Et Sarah Mingardo m'a étonnée pour la première fois que je la voyais dans une version scénique. Bref, une avant-dernière de saison superbe en attendant la dernière de La Rondine demain ...

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Message par tuano » 01 juil. 2005, 00:06

Ah oui, Sara Mingardo est nettement mieux que dans tous ces rôles d'alto castrat dans lesquels elle est si souvent distribuée à Paris.

Je ne veux pas polémiquer et gâcher le plaisir de ceux qui aiment ce spectacle.
Au moins, tout le monde sera prévenu que ce n'est pas une réussite "incontestable".

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Message par philou » 01 juil. 2005, 00:13

Mais quelle déception que cette Medea !!!!

Moi qui pensait que ça allait être le point fort de la saison au Châtelet !

J'ai trouvé Pido en dessous de tout ! Quand je pense que certains tapent sur Donhanyi qui dirigeait le même soir à Bastille....
Tempi lourdeaux et lents à l'extrême, contrastes téléphonés et répétitifs, sonorités romantico-mélasse ( on est pas dans Berlioz, encore moins dans Bellini. A croire que Pido n'a toujours pas compris que la musique de 1797 ne se joue plus du tout comme celle de 1840!!!!).
Je ne sais par où commencer : départs incertains, micro-décalages incessants, on a eu droit au pire ! Je ne parle même pas de l'absence totale de respiration avec les chanteurs, ni de l'incapacité à comprendre comment on donne des départs à un choeur !
Quand je pense qu'on va se le taper l'an prochain à longueur de saison au TCE (les Noces, Semiramide, Don Gio, Roberto Devereux !). Je crois qu'il ne vont pas me voir souvent !

Kokkos a visiblement épuisé toute son inspiration avec les Bassarides. Là c'est d'un academisme de bon aloi, sans grâce, avec des choeurs qui bougent comme un troupeau d'éléphant, et des solistes laissés à l'abandon ( Jason !!!!).....Le décor est d'une platitude rare. Seuls les costumes donnent un peu d'éclat et de dimension au drame !

Reste les chanteurs : Sara Mingardo offre une belle ligne de chant, souple, aérienne, précise : on sent l'école baroque et le sens inné de cette musique ! Comme j'aurais aimé entendre cette articulation dans l'orchestre (j'enrage que Minko ou Gardiner n'aient pas dirigé ce soir).

Anna Maria del'Oste a certes toutes les notes requises, mais quel timbre affreux ! Et cette projection nasale, et cette acidité dans l'aigu, en font une Glauce improbable !

Giusepinni a donné un bel exemple de mal-canto : ligne chaotique, trous dans le médium, sons engorgés, articulation aux oubliettes et présence transparente !!

Le présence de Giuseppe Galli n'était guère plus marquante : planté sur scène sans émotion, il débite son texte avec une technique certes fiable, mais une projection monochrome, nasillarde, une palette de couleurs réduite à l'extrême, et un mezzo-forte permanent !

Je pensais me consoler avec Anna-Caterina Antonacci ! Tu parles, Charles !
Certes, malgré l'absence visible de direction d'acteurs, elle s'en sort scéniquement grâce à ses talents inouis de tragédienne. Evidemment, on est loin de ses Cassandre et Poppée incandescentes, mais ça reste émouvant jusqu'au bout.
Par contre vocalement, elle est assez dépassée par les exigences du rôle. Si le médium reste onctueux et ample, et les graves sonores et bien ancrés les montées assassines dans l'aigu semblent l'épuiser, surtout dans son premier grand air. Du coup la projection est sans cesse déployée au maximum, et elle ne réussit à faire acun piani vu les tempi adoptés par Pido. Le suraigu est violent et presque crié parfois. J'ai toujours été ravi par cette chanteuse jusqu'à là, mais ce soir je suis resté sur ma faim.


Désolé de donner un compte rendu aussi négatif, mais il est à la hauteur de ma déception vis à vis de cette production !

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Message par bajazet » 01 juil. 2005, 01:07

Ah, si seulement Gardiner avait dirigé Callas ! :wink:

J'entends bien tous les griefs de Philou, et leur virulence. Je m'en tiendrai au cas d'Antonacci. Les montées dans l'aigu l'épuisent, le suraigu est violent, d'accord. Ça ne devrait pas être le cas ? Vous allez dire que je pousse le bouchon, mais enfin ce qu'on reproche à cette pauvre Antonacci n'est-il pas induit par l'écriture du rôle ? D'autre part, lors des représentations toulousaines, je n'avais pas remarqué qu'Antonacci n'arrivait à faire aucun son piano ? Et ce qui m'avait semblé, c'est bien qu'elle faisait plus de nuances que Jones ou Callas dans le rôle.

Je prends certes la mesure de la déception, mais je reste interloqué par cette volée de bois vert.
Et franchement, déprécier sa Médée au regard de sa Poppée, voilà une comparaison qui ne me semble guère tenable. S'il est vrai que ses dons de tragédienne sont "inouïs", et si elle est loin d'être "incandescente" en Médée, la raison en est donc une inaptitude vocale, c'est bien ça ? Mais vocalement, si on admet que Poppée soit "incandescente", cette incandescence est-elle analogue à celle du rôle de Médée ? Je m'y perds.

Question subsisdiaire pour notre Grand Jeu, "le Châtelet, maison de redressement" : dans le royaume merveilleux où Minko remplacerait Pido, quelle chanteuse pour incarner Médée sans être dépassée par les exigences du rôle ?

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Message par Kat » 01 juil. 2005, 08:17

J'avoue avoir été aussi déçue par cette Medea : surtout par la mise en scène sans idées, sans reliefs, statique à l'extrême :evil: .
En ce qui concerne les chanteurs, commençons par Antonnacci : sa Medea est passionnante, elle connaît le rôle jusqu'au bout des ongles, mais joue plus sur l'aspect douloureux du personnage, la femme trahie. Du coup, l'aspect monstrueux de Medea ne transparaît que par instant. Oui, le rôle la pousse dans ses derniers retranchements, vocalement : les aigus sont souvent arrachés et on la sent tendue à l'extrême, MAIS, elle ose des pianissimi hallucinants, elle chuchotte, elle murmure. Et c'est cette variété de nuances qui lui permet de camper une Medea, sinon parfaite, tout au moins très crédible et souvent fascinante.
Chaque intervention de Sara Mingardo est un vrai bonheur : beauté du timbre, art du chant.
Le Jason ne déméritait pas (pas extraordinaire pour autant) : bien peu concerné par le rôle, on en vient à se demander ce que peut bien lui trouver Medea ?!
Je n'ai pas aimé la Glauce d'A. M. dell'Oste : question de timbre je crois. Les vocalises de son air ne m'ont pas non plus parues exemptes de tous reproches.
La direction d'orchestre ne fait pas dans la dentelle et accentue l'"uniformité" ambiante, déjà pesante avec la mise en scène...
Kat.

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Message par philou » 01 juil. 2005, 08:34

Cher Bajazet,

quand je parlais d'incandescence, je voulais dire, et je me suis mal exprimé, qu'Antonacci bien dirigée brûle les planches (c'était le cas avec ce même Kokkos dans les Troyens, dans ses Händel, dans l'Incoronazione aussi).
Dans cette Medea, elle est laissée seule à elle-même. J'ai trouvé cette vision du personnage intéressante ceci dit : au lieu d'en faire un monstre, elle nous offre une vision de Medée victime, aimante, hésitante...C'est très défendable.
Mais elle le fait avec ses seuls moyens à elle, et non pas portée par un metteur en scène. Du coup, je ne me suis plus senti transporté par son jeu. Il faut dire aussi que j'étais assez loin de la scène, et ça n'aide pas..
.
Vocalement, je trouve hélas que le rôle la retranche dans ses dernières limities vocales, et ça m'a mis très mal a l'aise : l'aigü est souvent bas et crié, et elle est le plus souvent obligée d'aller du mezzo-forte au fortissimo. Je pense franchement que Médée n'est pas pour elle, en tous cas à ce stade de sa carrière. Mais je pense toujours qu'elle est une immense artiste et je me réjouis de l'entendre et de la voir à nouveau.

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Xavier
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Message par Xavier » 01 juil. 2005, 09:08

Ils sont durs !.. Cela dit, je trouve qu'il y un fond de vérité dans tout ça.

Petite remarque préalable : Yannis Kokkos s'est fait huer lors des saluts et assez copieusement d'ailleurs. Cette manie de conspuer quasi systématiquement les metteurs en scène me lasse. Surtout qu'elle s'accompagne d'une bien grande indulgence pour les chanteurs et les chefs (je ne parle pas du cas d'espèce... quoi que). Cet esprit critique à géométrie variable, qui bien sûr s'applique sur ce qui peut se juger avec le moins de culture, confine à l'affligeant.

Et je ne dis pas ça pour défendre absolument la mise en scène de Kokkos, qui ne m'a pas transporté. Mais franchement, elle n'avait absolument rien de scandaleux, même si l'essentiel de la direction d'acteur était réservé aux femmes (Médée surtout Glauce et Neris de façon plus marginale), le reste des protagonistes étant seulement placés.

Cela dit, j'ai trouvé les décors plutôt beaux ? j?ai adoré la proue de l?Argos ! ? et puis surtout, on en change (un peu). Les costumes aussi étaient réussis, comme souvent chez Kokkos. D'ailleurs ça ressemblait furieusement à des costumes de Kokkos : c'était à peu près les mêmes que dans la Norma de Bastille.

En revanche, je n'ai pas du tout aimé le traitement des choristes, affublés d'un costume pseudo XVIIIième noir avec maquillage blanc et perruque alla Don Giovanni du film de Losey. On nous a déjà fait le coup mile fois dans Mozart, sauf que cette transposition à l'époque de composition (un poncif de la mise en scène des oeuvres XVIIIième) est pour le coup totalement erroné. Médée a beau dater de mille sept cent quelque chose, à l'époque où Cherubini la compose, on n'est plus du tout dans le XVIIIième baroque ! Il suffit d'écouter la musique pour s'en apercevoir.

Mais revenons à nos moutons, comme disait Marie-Antoinette.

Certes, j'ai trouvé moi aussi que Pido n'était pas idéal. Cela dit, je pense depuis bien longtemps que ce chef est une fausse valeur et j'ai à peu près toujours été déçu par ses directions (Lucie, Le pirate...). Déjà, ce n'est pas précis et le pauvre Gipali a dû pédaler dans la semoule la moitié de son air. Ensuite, même si le rendu orchestral est beau, ça n'est ni majestueux ni vivant. Je m?explique : On peut envisager Médée comme une oeuvre beethovenienne, avec pompe klemperienne, mais il faut que ça ait de la gueule : là non. On peut aussi fouetter la musique pour coller au dramatisme du livret : là non plus. Bref : bof !

Quand on compare la direction de Pido avec celle de Gardelli, à la réputation pourtant aussi peu flatteuse que méritée, c?est édifiant : Pido est encore plus banal !

C'est un peu vrai aussi que Giuseppini et Gipali ne sont pas d'une séduction folle, le premier ayant quelques trous dans la voix, le second un chant monolithique sans grand intérêt. Ils partagent en outre un défaut trop fréquent hélas, sur ce plateau (sauf Antonacci) comme sur le circuit des chanteurs internationaux : une mauvaise projection. On les entend là-bas, plus ou moins fort selon la grosseur de leur voix, mais la voix ne vient pas vers nous.

Werther nous expliquerait très bien le pourquoi de tout ça, avec plein de mots italiens dedans.

J'ai par ailleurs regretté qu'on n'intervertisse pas Dell'Oste avec Elena Poesina, la première suivante : que voilà un joli timbre et une voix bien conduite ! Autant qu'on puisse en juger aux quelques mesures qu'elle chante seule.

Je serai beaucoup plus sévère que la plupart des autres au sujet de Sara Mingardo et paradoxalement pour les mêmes raisons pour lesquelles Philou, par exemple, l'a aimé. C'est vraiment une voix d?opéra "baroque" ! J'entends par là une petite voix, qui n'a rien "sous la pédale" et qui phrase très joliment son air avec une voix qui n'en est plus une mais qui lui permet de jouer sur la dynamique, aidée en cela par un accompagnement orchestral très réduit. C'est une technique, je dirai plutôt un truc hélas très courant. Von Otter, par exemple, l'utilise beaucoup depuis qu'elle n'a plus de voix ; c'est d'ailleurs en partie pourquoi elle chante surtout du baroque depuis quelques années. L'ennui c'est que dans les vraies parties dramatiques, tous les récitatifs soit l'essentiel du rôle de Neris en l?occurrence, avec un vrai orchestre en face, la chanteuse est aux abonnés absents.

Venons-en maintenant au clou du spectacle : la Médée d?ACA, comme on dit ici. Médée, c?est, plus encore peut-être que Norma, Violetta ou Tosca, LE rôle sur lequel l?opéra est construit. Elle est sur scène de son entrée à la fin de l?opéra, c?est elle qui fait avancer l?action et surtout c?est elle qui chante les choses les plus originales. Certes, Glauce, Jason et Neris ont de très beaux airs, mais leur musique reste conventionnelle. Celle de Médée porte toute la charge émotionnelle de la partition. Sous cet aspect, le choix d?Antonacci était tout à fait pertinent.

En effet c?est une vraie tragédienne. Sa présence scénique est très charismatique, elle met de l?intention dans tout ce qu?elle chante et sait parer son voix de couleurs expressives. Une caractérisation de haut vol ! Elle est aidée en cela par un médium et un grave d?une grande richesse.

Bref, Antonacci est parfaite... mais seulement sur les deux tiers de sa voix ! Parce que le tiers du haut... Mon Dieu ! Comment dire ça sans froisser ses fans... Dans le haut médium et l?aigu, la voix perd la couleur, le contrôle, l?homogénéité, la justesse. Quand l?aigu n?est qu?effleuré, on croirait entendre une craie sur un vieux tableau noir. Quand c?est un peu plus haut et essayé d?être tenu, la craie explose ! Une épreuve d?autant plus douloureuse qu?elle contraste avec la pertinence du reste.

Et dire que certains, sans doute par méconnaissance des rôles, espéraient la voir distribuée dans Rachel ou Valentine... Dans une version a-Liégé peut-être !

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