Le point le plus positif est sans doute le retour de grandes baguettes à l?ONP, garantes des réussites musicales de la saison. Les 3 premiers Cambreling (Pelléas, Saint François, Katia), Otello avec Gergiev, Jurowski pour Guerre et Paix, Rozhdetsvenski pour la Dame de Pique, Dohnanyi pour Elektra ont été reconnues comme des réussites. Personnellement je rajoute aussi Philippe Jordan pour Ariane à Naxos et Minko pour la Flûte. J?ai moins apprécié le travail de Nagano pour les Carmélites, celui de Salonen pour Tristan ainsi qu?Albrecht pour DLMDM mais tout cela reste d?un niveau plus qu?acceptable. Certes la plupart avait déjà dirigé à l?ONP mais les productions bien dirigées se comptaient sur les doigts d?une main (mal fournie) auparavant alors que là... Les vrais ratages furent finalement rares et moins systématiques que ce qu?on entendait auparavant. Toujours pour les chefs, je note la vitalité des concerts symphoniques - qui ont permis le retour de Boulez à l?ONP !
Dans les points positifs, je note aussi la politique tarifaire qui a entraîné une baisse des prix des dernières catégories avec une amélioration de leur situation (9 euros au premier balcon à Bastille, pas de changement à Garnier). La mise en place de places debout à 5 euros est tout à fait pertinente puisqu?elle permet de rentrer à Bastille pour moins cher qu?une place de cinéma tout en pouvant se replacer aisément (les ouvreurs étant extrêmement souples). La nouvelle politique n?est pas favorable aux abonnés mais avec la billetterie internet ce n?est plus la peine de s?abonner finalement.
N?arpentant pas les scènes lyriques depuis vingt ans, j?ai été heureux de pouvoir « voir en vrai » des productions comme Katia de Marthaler ou la Flute de la Fura del Baus, DLMDM de Grüber. De même pour la Clémence de Titus que je n?ai pas vu. J?ai aussi apprécié de revoir certains spectacles des années Gall comme Pelléas et Mélisande de Wilson, Guerre et Paix, les Dialogues de Carmélites, Ariane à Naxos, et le Barbier de Séville (que je n?ai pas revu mais qui constitue un bon classique). Toutes ces productions étaient sans doute intéressantes mais présenter tous ces recyclages pouvait paraître assez peu respectueux du spectateur, d?autant qu?en proportion, le nombre de nouvelles productions était insuffisant.
Reste donc les créations :
- Saint François d?Assise : une démission du metteur en scène qui heureusement n?a pas eu raison de la musique.
- Tristan et Isolde : beaucoup de bruit pour un spectacle pas pleinement convaincant à mes yeux, qui reposait pleinement sur les qualités d?interprète de Waltraud Meier.
- Elektra : distribution assez hétérogène, Donhanyi discutable, mise en scène sans grand intérêt. Polaski à bout mais quelle incarnation (comme Meier). En tout cas l'ovation de l'année (et peut-être plus). Palmer et Westbroek mémorables.
Donc un bilan artistique extrêment difficile à faire (trop de reprises). Et puis ce n'est pas une production qu'on juge ici (ça c'est pour d'autres fils).
Au niveau des distributions de la saison 2004-2005, je les trouve tout à fait honorables et assez équivalentes à celles qu?on avait sous Gall. Nous n?aurons jamais l?équivalent du MET à l?ONP, il faut se faire une raison...
En fait je suis globalement satisfait du bilan artistique de cette première Mortier, mais j?admets moins la programmation trop spécialisée, ni grand public, ni connaisseur au bout du compte, dans laquelle peu de spectateurs se reconnaissent (voir les nombreuses représentations vides). Je crois qu?une maison comme l?ONP doit avoir un équilibre entre les différents répertoires. Je suis moins attiré par le baroque et le répertoire italien (syndrome Gégé) mais l?ONP se doit d?en présenter, pas au rabais si-possible (voir saison suivante...). Quelqu?un disait qu?une saison idéale serait ¼ de XVII°, ¼ de XVIII°, ¼ de XIX°, ¼ de XX°. Sans aller jusque là, je crois qu?il faut savoir trouver un équilibre entre les époques et les répertoires, les oeuvres connues et les moins connues, les mises en scènes « classiques » et d?autres plus radicales. Et c?est bien là le problème de Mortier. Il a voulu prendre de haut le public qu?avait su constituer Gall, le traitant volontiers de bourgeois et de conformiste, et assenant cet argument contre chacune des attaques qui lui étaient portées. Il est arrivé en imposant sa programmation exigeante pour le grand public, en remontant les tarifs des abonnements. Il a cherché à imposer sa marque partout : logo de l?ONP estampillé « direction Gérard Mortier » (même les Ricains au MET ne fait pas ça), conférence d?avant spectacle et journal ligne 8 qui conditionne le spectateur à la ligne du patron. Certains apprécient la présence de Gérard Mortier et y voient la marque d?une attention à ses spectateurs. Je dirais plutôt que sa figure est omniprésente, sa communication un peu trop personnelle (mégalomanie ?, culte de la personnalité ?
). Mais comme tout cela est tellement gros que je le prends au second degré et je commence à le trouver attachant le Gégé avec son français plus ou moins volontairement maladroit, ses propos à l?emporte-pièce, ses goûts discutables, sa culture assez atypique plus proche de celle d?un spectateur lambda que de celle de l?honnête homme. Par ailleurs je trouve sa nouvelle signalétique assez laide, le nouveau site internet aussi (il me semble que la pub a disparu mais comme mon navigateur bloque tout).
Et puis pourquoi avoir supprimé les distributions ?... C?est ne pas respecter aussi bien les spectateurs que les artistes au bout du compte. Les feuilles données au vestiaire ne sont pas une solution satisfaisante. J?aurais encore préféré qu?il rende l?ancien système payant, comme c?était le cas pour Ariane à Naxos où on pouvait acheter la distribution avec photos (celle donnée avec le programme) pour 2 euros.
Je ressortirai encore la remarque de ma soeur à voir les paperasses de l?ONP : « Ca a l?air intello maintenant avec le nouveau directeur ! » Sauf que les connaisseurs ne sont pas non plus les plus satisfaits de cette politique. Car oui malgré toutes les bonnes volontés, Gérard Mortier n?a pas su trouver un public. J?imagine, à voir la fréquence des salles vides, que les caisses doivent être assez asséchées. Faute de pouvoir changer les spectateurs, Gérard Mortier devra peut-être changer sa façon de faire à l?avenir...