Roi malgré lui - Lyon - févr. mars 2005
Je viens de recevoir ce compte-rendu de Guillaume
Si l’Opéra National de Lyon ne brille que rarement par l’éclat de vastes distributions à caractère international que seuls, ces dernières années, Natalie Dessay le couple Gheorghiu-Alagna ou José Van Dam ont pu démentir, en revanche cette institution a le mérite de faire valoir sa propre pépinière en accompagnateurs dignes des chanteurs français les meilleurs…
Dans ces conditions, se présenter devant ce Roi malgré lui n’était pas une opération risquée : en plus de la locale Magali Léger, Nicolas Rivenq, Laurent Naouri, Yann Beuron ou Maryline Fallot complétaient à leur avantage une distribution homogène.
Puis le risque est d’autant moins grand que la musique de Chabrier vaut à elle seule le déplacement.
Qu’on l’entende dès ces premiers accords de trompette à la tierce de l’ouverture pour se convaincre de la reconnaissance d’une sonorité que l’on reconnaît parmi quinze autres ; il y a dès l’entame une signature musicale qui plonge dans l’univers de son auteur comme l’on rentre en religion à l’écoute des notes du dépositaire du Ring : on se sait déjà là, entre la verve et la mélodie, le tendre burlesque et le drame discret…
Comment de tels opus ne sont-ils pas joués davantage ? La question est mystérieuse et sa réponse nous glace… Deux productions en 1943 et 1958 à Lyon, de rares résurrections ailleurs en France… Et cet étonnement répété d’une multitude qui croit, qui sait re-connaître son Chabrier comme si on le jouait chaque semaine à la Salle Rameau ou à l’auditorium Maurice Ravel ! Il y a là une réaction bien bourgeoise de l’appropriation et de l’oubli…
Cette nouvelle production lyonnaise a ravi les cœurs, les âmes et les oreilles. A commencer par le chef Pido qui a insufflé une dynamique propre à la comédie et que l’on ne remerciera jamais assez pour ses directions lyonnaises de L’elisir d’amore ou de Lucie de Lammermmoor ; il en va de sa baguette comme d’une transmission fatale des énergies positives dont on se rend compte initialement que la direction sera réussie, attentive aux pupitres et à ses chanteurs, en tous instants. Pour s’en convaincre, les nuances associées trouvées avec ses altos et les timbales lors de la barcarolle du deuxième acte. Puisse-t-on seulement lui reprocher d’avoir un peu trop donner des décibels au moment du duo du premier acte entre le roi et Minka dont son orchestre couvrit un peu les voix.
Les voix justement. Distribution homogène d’où ressortent toutefois et celle de Naouri et celle de Beuron. Les hommes sont d’ailleurs un peu plus à la fête que les femmes ; les deux rôles féminins de Minka –Magali Léger- et Alexina –Maryline Fallot- sont peut-être légèrement en dessous mais pour des raisons différentes et pour l’une et pour l’autre. Pour la première, le timbre est somptueux voire voluptueux ; il demeure que le prononciation est quasi… incompréhensible dans les nuances alors que l’expression scénique est exceptionnelle ; l’alouette vocalise souvent plus qu’elle ne chante des mots épurés de tous sens et c’est regrettable pour une interprète francophone dont l’O.N.L. use avec bonheur des qualités d’actrice et de présence incomparables dudit oiseau, charmant… Pour Maryline Fallot, on peut regretter un manque de projection mais les qualités scéniques compensent cette insuffisance.
Nicolas Rivenq n’a jamais fait montre d’une voix de stentor ; pour cette production non plus. Il reste que son interprétation est d’une rare finesse et le jeu, le jeu, le jeu !!! C’est folie… Alors restent les piliers du chants français. Beuron –Nangis- nous épate toujours plus à chacune de ses interprétations. Il est royal, même s’il faudrait plutôt lui compter ducats… Il n’a pas cherché l’effet pour l’effet et a posé ses aigus de velours comme un chat se frottant à vos jambes reconnaissantes ! Après Golaud et Falstaff, Naouri –Fritelli- nous gâte encore de son extraordinaire timbre, ici baryton-bouffe digne de l’écriture des meilleurs Rossini.
Ah mes amis quel plaisir ! Toutes ces merveilles de voix, de chants et de pupitres plantées dans un décor de Bernard Legoux et des costumes et une mise en scène de Laurent Pelly dont on sait a priori que l’on prolonge cette non-prise de risque évoquée initialement.
Pelly nous régalent régulièrement de merveilles scénographiques dont il ne convient de citer pour Lyon que celles d’Orphée aux Enfers et Des Boréades. Tout est mouvement, création, imagination et créativité.
Le mouvement d’une action tirée d’un vaudeville qui ne sombre jamais dans la vulgarité ; la création d’un décor en marche constante et qui est le marqueur opportun d’une action parfois un peu alambiquée ; imagination d’avoir créé ex nihilo les personnages des trois régisseurs, sorte de dei ex machina, qui canalisent le flot de l’action et la conserve dans un humour de bon aloi ; la créativité enfin d’inventions ponctuelles comme cette représentation de la barcarolle déjà citée sur de très hypothétiques gondoles ou l’apparition céleste du serment des conjurés ; et pourtant on y croit à ces gondoliers fictifs qui balancent quelques éléments du décor ; on y croit encore en cette valse qui ouvre le deuxième acte et qui termine de nous chavirer et les cœurs et les larmes du bonheur…
L’ovation finale fut à l’image de ce spectacle de très grande facture qui nous laisse espérer peut-être meilleur encore avec la création à venir du triptyque de Janacek (Jenufa, Katia Kabanova et Vec Makropoulos).
Ce soir, on se prend à rêver d’être encore cette chair et ces os, de n’être plus mais d’y croire toujours, enfermé entre les pariétaux sonores, une incarcération musicale qui nous retire du monde parfois…
Ces quelques lignes écrites à la réécoute de la version dudit opéra enregistrée par Erato confirment la vérité du spectacle de ce soir : Charles Dutoit ne possédait décidément pas la verve de Pido ; et tant mieux pour nous !
Guillaume
Si l’Opéra National de Lyon ne brille que rarement par l’éclat de vastes distributions à caractère international que seuls, ces dernières années, Natalie Dessay le couple Gheorghiu-Alagna ou José Van Dam ont pu démentir, en revanche cette institution a le mérite de faire valoir sa propre pépinière en accompagnateurs dignes des chanteurs français les meilleurs…
Dans ces conditions, se présenter devant ce Roi malgré lui n’était pas une opération risquée : en plus de la locale Magali Léger, Nicolas Rivenq, Laurent Naouri, Yann Beuron ou Maryline Fallot complétaient à leur avantage une distribution homogène.
Puis le risque est d’autant moins grand que la musique de Chabrier vaut à elle seule le déplacement.
Qu’on l’entende dès ces premiers accords de trompette à la tierce de l’ouverture pour se convaincre de la reconnaissance d’une sonorité que l’on reconnaît parmi quinze autres ; il y a dès l’entame une signature musicale qui plonge dans l’univers de son auteur comme l’on rentre en religion à l’écoute des notes du dépositaire du Ring : on se sait déjà là, entre la verve et la mélodie, le tendre burlesque et le drame discret…
Comment de tels opus ne sont-ils pas joués davantage ? La question est mystérieuse et sa réponse nous glace… Deux productions en 1943 et 1958 à Lyon, de rares résurrections ailleurs en France… Et cet étonnement répété d’une multitude qui croit, qui sait re-connaître son Chabrier comme si on le jouait chaque semaine à la Salle Rameau ou à l’auditorium Maurice Ravel ! Il y a là une réaction bien bourgeoise de l’appropriation et de l’oubli…
Cette nouvelle production lyonnaise a ravi les cœurs, les âmes et les oreilles. A commencer par le chef Pido qui a insufflé une dynamique propre à la comédie et que l’on ne remerciera jamais assez pour ses directions lyonnaises de L’elisir d’amore ou de Lucie de Lammermmoor ; il en va de sa baguette comme d’une transmission fatale des énergies positives dont on se rend compte initialement que la direction sera réussie, attentive aux pupitres et à ses chanteurs, en tous instants. Pour s’en convaincre, les nuances associées trouvées avec ses altos et les timbales lors de la barcarolle du deuxième acte. Puisse-t-on seulement lui reprocher d’avoir un peu trop donner des décibels au moment du duo du premier acte entre le roi et Minka dont son orchestre couvrit un peu les voix.
Les voix justement. Distribution homogène d’où ressortent toutefois et celle de Naouri et celle de Beuron. Les hommes sont d’ailleurs un peu plus à la fête que les femmes ; les deux rôles féminins de Minka –Magali Léger- et Alexina –Maryline Fallot- sont peut-être légèrement en dessous mais pour des raisons différentes et pour l’une et pour l’autre. Pour la première, le timbre est somptueux voire voluptueux ; il demeure que le prononciation est quasi… incompréhensible dans les nuances alors que l’expression scénique est exceptionnelle ; l’alouette vocalise souvent plus qu’elle ne chante des mots épurés de tous sens et c’est regrettable pour une interprète francophone dont l’O.N.L. use avec bonheur des qualités d’actrice et de présence incomparables dudit oiseau, charmant… Pour Maryline Fallot, on peut regretter un manque de projection mais les qualités scéniques compensent cette insuffisance.
Nicolas Rivenq n’a jamais fait montre d’une voix de stentor ; pour cette production non plus. Il reste que son interprétation est d’une rare finesse et le jeu, le jeu, le jeu !!! C’est folie… Alors restent les piliers du chants français. Beuron –Nangis- nous épate toujours plus à chacune de ses interprétations. Il est royal, même s’il faudrait plutôt lui compter ducats… Il n’a pas cherché l’effet pour l’effet et a posé ses aigus de velours comme un chat se frottant à vos jambes reconnaissantes ! Après Golaud et Falstaff, Naouri –Fritelli- nous gâte encore de son extraordinaire timbre, ici baryton-bouffe digne de l’écriture des meilleurs Rossini.
Ah mes amis quel plaisir ! Toutes ces merveilles de voix, de chants et de pupitres plantées dans un décor de Bernard Legoux et des costumes et une mise en scène de Laurent Pelly dont on sait a priori que l’on prolonge cette non-prise de risque évoquée initialement.
Pelly nous régalent régulièrement de merveilles scénographiques dont il ne convient de citer pour Lyon que celles d’Orphée aux Enfers et Des Boréades. Tout est mouvement, création, imagination et créativité.
Le mouvement d’une action tirée d’un vaudeville qui ne sombre jamais dans la vulgarité ; la création d’un décor en marche constante et qui est le marqueur opportun d’une action parfois un peu alambiquée ; imagination d’avoir créé ex nihilo les personnages des trois régisseurs, sorte de dei ex machina, qui canalisent le flot de l’action et la conserve dans un humour de bon aloi ; la créativité enfin d’inventions ponctuelles comme cette représentation de la barcarolle déjà citée sur de très hypothétiques gondoles ou l’apparition céleste du serment des conjurés ; et pourtant on y croit à ces gondoliers fictifs qui balancent quelques éléments du décor ; on y croit encore en cette valse qui ouvre le deuxième acte et qui termine de nous chavirer et les cœurs et les larmes du bonheur…
L’ovation finale fut à l’image de ce spectacle de très grande facture qui nous laisse espérer peut-être meilleur encore avec la création à venir du triptyque de Janacek (Jenufa, Katia Kabanova et Vec Makropoulos).
Ce soir, on se prend à rêver d’être encore cette chair et ces os, de n’être plus mais d’y croire toujours, enfermé entre les pariétaux sonores, une incarcération musicale qui nous retire du monde parfois…
Ces quelques lignes écrites à la réécoute de la version dudit opéra enregistrée par Erato confirment la vérité du spectacle de ce soir : Charles Dutoit ne possédait décidément pas la verve de Pido ; et tant mieux pour nous !
Guillaume
Et au sujet de Chabrier et d'un certain mépris des grandes maisons à son endroit, doit-on seulement s'inquiéter que le très académique Pierre-Jean Rémy ne signale pas dans son opus intitulé "Dictionnaire amoureux de l'opéra" son analyse du Roi malgré lui tout comme il évite soigneusement d'évoquer le seul nom de son compositeur !!!
A croire que pour la nomenclatura à laquelle appartient ce "sage" l'on se fasse miséricorde à gratter des mémoires la lettre et l'esprit de Chabrier ; a-t-il jamais entendu l'ouverture de Gwendolyne qui reste sans doute, avec celle du Roi d'Ys, l'une des pièces smphoniques majeures de la musique française du XIXème siècle ?
A croire que pour la nomenclatura à laquelle appartient ce "sage" l'on se fasse miséricorde à gratter des mémoires la lettre et l'esprit de Chabrier ; a-t-il jamais entendu l'ouverture de Gwendolyne qui reste sans doute, avec celle du Roi d'Ys, l'une des pièces smphoniques majeures de la musique française du XIXème siècle ?
Je n'aurai guère le temps d'ajouter à cette très belle critique. J'ai été moi aussi très enthousiaste et ai passé une superbe soirée, ravie de découvrir ce compositeur dont je ne connaissais rien. algré quelques réserves initiales, la mise en scène de Pelly fonctionne indéniablement et trouve peu à peu son rythme. Le jeu d'acteur est très travaillé et le spectacle plein d'inventions, malgré un décor "à l'économie". Les choeurs étaient excellents, de même que l'orchestre et la direction de Pido. Parmi les chanteurs, mention spéciale à Yann Beuron, irréprochable (à part quelques aigus où il semble en toute petite difficulté) et à Magali Léger, qui a une voix vraiment intéressante, très à l'aise dans la coloratura, moins dans le medium peu sonore. Mon seul petit bémol concerne la voix de N. Rivenq, artiste que j'admire beaucoup mais dont la voix me semble vraiment fatiguée en ce moment; le rôle lui convient infiniment mieux que son Dandini de la Cenerentola au TCE, la diction et le jeu sont parfaits mais la voix ... je reste un peu réservée, alors que je l'avais trouvé parfait il n'y a pas si longtemps dans les Indes Galantes à Garnier.
En tout cas l'oeuvre ne mérite pas du tout son oubli, et me paraît tout à fait comparable aux oeuvres d'Offenbach qui bénéficient d'une meilleure "cote". Il y a de très beaux airs, notamment pour Minka.
En tout cas l'oeuvre ne mérite pas du tout son oubli, et me paraît tout à fait comparable aux oeuvres d'Offenbach qui bénéficient d'une meilleure "cote". Il y a de très beaux airs, notamment pour Minka.
Oui, l"Apprenti critique ! on peut pas dire que tu te soies trop foulé... le poignet. (Et dire qu'il y en a d'autres qui se foulent... le pouce ! pour l'amour de l'art...)Guy a écrit :Ah! la comparaison de deux critiques .....
JdeB : homme cruel !! ( pour Guillaume ! que je salue)
Guy "l'apprenti critique musical"