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par Schwannhilde » 26 mai 2015, 13:07
J’étais à la représentation du 25 mai et en suis sortie comme Merlin : enchantée.
L’orchestre et la direction de Philippe Jordan : très très bien.
Les voix étaient magnifiques, avec un bémol pour Thomas Hampson (pas de ligne de chant surtout à l’acte I, voix certes puissante mais qui a beaucoup vieilli), qui s’est amélioré au fil des actes. Je ne lui en veux pas car cela cadrait finalement assez bien avec ce qui arrive à ce pauvre Arthus.
Roberto Alagna : alors là, j’ai été transportée. J’ai tout aimé : sa voix, son jeu. Et quelle diction remarquable, le seul (avec Stanislas de Barbeyrac) pour lequel les surtitres sont superflus. Je l'ai trouvé parfait.
J’ai bien sûr apprécié Sophie Koch mais regretté le déséquilibre du duo du premier acte, où sa voix était souvent couverte par celle du ténor, et sa prononciation pas toujours compréhensible. Sa mort de Genièvre est magnifique, les sons qu’elle émet sont tout à fait pertinents dans ce suicide improbable qui pourrait vite tourner au ridicule.
Stanislas de Barbeyrac (Lyonnel) avait peut-être la plus belle voix de la soirée. Et lui aussi, une diction impeccable. Le laboureur Cyrille Dubois et Peter Sidhom m'ont également beaucoup plu, Alexandre Duhamel bien moins.
Au début de l'acte I, la tonitruance des choeurs m'a dérangée et puis... J'en viens à la mise en scène. Contrairement à ce qui a été écrit ici et ailleurs, je ne pense pas que ce décor très laid et cheap correspond à une désacralisation du domaine et des valeurs d'Arthus, avec une destruction progressive. Pour moi, quand l'opéra commence, on est déjà bien avancé dans cette chute des valeurs et de la culture, et le bungalow et le décor sont le domaine exclusif de Lancelot et Genièvre, et de la bande d'antifas et de zadistes qui erre vainement sur le plateau. Et je comprends le parti pris de cette médiocrité, de cette laideur. Le refus des valeurs qui structurait cette société et son remplacement par rien. Arthus est le seul à lire encore (il vient chercher un livre dans le bungalow et le lit ostensiblement), Lancelot et Genièvre se contentent de jeter les livres au sol, leur donner des coups. Le brûlage du canapé, degré zéro de l'expression pour un être humain, est pour moi celui des voitures en banlieue. Les choeurs chantant trop fort tout le temps - je suis sûre que c'est voulu - m'évoquaient la perte des codes sociaux et culturels (hurlements dans un téléphone portable dans le métro par exemple).
Le parallèle avec notre époque m'a frappée, de nombreuses phrases du livret m'ont fait un effet saisissant d'actualité : " Aveugles que nous sommes, nous avons trop compté sur la vertu des hommes "...
Donc, pour moi, la dégradation du bungalow est celle de la nouvelle société de Lancelot et Genièvre, pas celle d'Arthus du tout. Et dans ce cas, beaucoup d'éléments sont bien vus. Là, je suis obligée de m’autocensurer pour éviter aux administrateurs de recevoir des demandes d'effacement de ce message. Nous assistons actuellement à un phénomène identique à celui qui est représenté dans cet opéra.
C'est pour moi une oeuvre importante de la musique française. Etant très sensible au sort des Wotan et Arthus, j'ai été impressionnée par cette représentation. J'aurais encore beaucoup à en dire...
PS : je pense maintenant que Roberto Alagna peut devenir un Lohengrin très intéressant, et même encore plus que cela.
" Vaut mieux en rire que s'en foutre " (Didier Super)