A Amsterdam, un Lucio Silla à la sauce roumaine

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A Amsterdam, un Lucio Silla à la sauce roumaine

Message par lachlan » 13 déc. 2004, 15:58

Une mise ne scène transposée auquel j 'ai eu toutes les peines du monde à adhérer. Impossible d'être séduit par le misérabilisme des décors défraîchis et de l'ambiance administrative à la Kafka sauf que dans le cas qui nous occupe, les longs couloirs de cette administration où M. K. perdra sa vie est devenu un énorme bloc creux, vide, glacial, défraîchi... Un palais ceaucesuien sans le faste tapageur du dictateur. La République de Lucio Silla à piètre mine.

Le Lucio de Jeffrey Francis ressemble d'ailleurs furieusement à l'ancien didacteur roumain déchu. Même tignasse grisonnante, mêm volume de chair agréablement nourri, même tics. Jossi Wieler et Sergio Morabito l'ont voulu grosier, lubidique avec sa dose de fanfaronnade - ce qui in fine justifierait son improbable clémence et son abdication -mais aussi sa poltronnerie. Il est violent, acariâtre, alcolique, pornographique - la scène où il presse Giunia de céder à ses désirs est bien plus qu'un harcèlement, on a pas très bien compris le sens de ce livre à images qu'il plonge sous le nez de Giuna!

La décadence programmé du futur Empire romain est déjà sous-entendu par la débauche morale inhérente au totalitarisme que Lucio Silla a érigé en doctrine politique.

De l'avoir enfin compris - en faisant abstraction de la laideur que m'inspirait ces décors - m'a apporté une plus grande lisibilité de l'intention des 2 comparses et leur interprétation d'un livret difficile à monter. Mais là où d'autre auraient privilégié l'évocation poétique du séria (et je pense en particulier à Mithridate Ré di Ponto qui sera repris en juin/juillet au ROH), d'autres préfèrent l'exercice intellectuel particulièment périlleux de la transposition.

Ce que je pouvais aisément accepter avec le baroque de Haendel me semble plus difficile avec Mozart dont j'ai le sentiment de voir un dénigrement de l'oeuvre. Les gags me paraissent totalement déplacé sur cette musique grâcieuse, sur les arias si belles de Mozart. Il y a plus de poésie et de raisons de s'émouvoir que de se bidonner sur le génie d'un musicien au talent si précose. Mozart n'avait que 16 ans quand il a composer cette oeuvre.

C'est peut être une forme d'intégrisme de ma part, toujours est-il que cela m'a réellement coincé, refusant farouchement d'entrer dans le jeu des metteurs en scène.

Je m'y habituerai pourtant.

Les personnages évoluent donc dans un palais du peuple aux vastes pièces vide, témoin d'un passé supposé grandiloquent et dont il ne reste que quelques misérables apliques murales de mauvais goût et un papier usé. La lumière blâfarde ne change d'intensité que pour plonger la scène dans une pénombre encore plus sinistre. Mais ce qu'il y a de pire - surtout dans le 1er acte - c'est cette affreux sentiment de vide psychologique et physique qui éloigne - mentalement et dans l'espace - les différents protagonistes. La direction d'acteurs à difficile à convaincre, surtout de la part de Lucio Silla et les mimiques de Celia (Henriette Bonde-Hansen) sont davantage empruntées aux Blondchen et autre Despina qu'à ce que je pouvais me figurer dans le seria. Ou l'art de mélanger les genres? Aufidio apparaît lui en costume martial type officier SS sans le sigle - dieu merci - Grand Vizir d'un Lucio schrizo qui se fait maltraité sans vergogne.

A chaque scène tombe un rideau noir qui laissera ensuite apparaître le même sinistre décor vu sous un autre angle. Propice aux bavardages dans un public qui s'ennuyera ferme (visiblement) tout au long du 1er acte. Le génie viendra après avec cette bizarre captatin stéréophonique de l'aparté de Lucio Cinna dont Aufidio surprendra la conversation et la relayera à l'autre extrémiteé de la salle par des micros installés en arrière scène. Bizarre effet!

Comme bizarre sera l'effet qu'une formation de chambre baroïsante exercera sur la partition de Mozart. Adam Fischer excerce son idée du seria mozartien dans l'air du temps me dira Olaf. Dommage que les sonorités propres soit aux instruments anciens soit à une formation typiquement baroque ne s'y retrouvent pas. Tout cela sonne bien trop électrique à mon goût! Les choeurs du DNO eux sont invariablement dirigé de la même manière par Winfried Maczewski. De Haendel à Wagner en passant par Mozart, Verdi ou Berlioz, c'est du pareil au même. Effet pompier.

La distribution elle va atteindre les sommets de la médiocrité et faire ainsi de cette production l'une des plus mauvaise de ces dernières années au DNO!

Le précité Jeffrey Francis remplacant inoportunément Croft dans le rôle de Lucio Silla avcait déjà sévit dans un Idoménéo au VLo l'an dernier en remplacement de... Croft! Le timbre est pâle, l'intonation abrupte, le phrasé tronqué et la latinité toute germanique. Une voix binaire obtenue par un androïde que n'aurait peut être pas renié notre ami Guy!

Mary Dunleavy en Giunia avait fait illusion durant le 1er acte, non pour sa fine musicalité mozartienne (cruellement absente) mais par la joliesse de son timbre. Las! Ces aigus sont métalliques et elle aborde chaque air comme un pur produit du vérisme. A force de jongler avec le répertoire, interprétant indifférement Constanze, Fiordiligli, Donna Anna et Gilda, Giulietta et surtout Gilda (rôle qui devrait la servir il me semble), elle s'est il me semble bien égarée!

Idem pour Johannes Chum (Aufidio) qui avait un temps fait lui aussi illusion et qui est l'un des plus mauvais ténor que j'ai entendu cette saison!

Hélas - et au risque de lasser - tout aussi médiocre est la Lucio Cinna de Cyndia Sieden. Absence de volume, p^rojection défaillante, voix assombrie, vocalises savonnées. Elle a réussi à duper le public par sa présence scènique pour le reste remarquable, petite névrosée qui se lancera dans une volée de vocalise d'anthologie dans la vulgarité.

Reste heureusement Henriette Bonde-Hansen en Celia qui parvient par la fraîcher de son timbre, la délicate musicalité de sa voix à nous séduire. Brillant numéro d'actrice, très belles vocalises, nettes et pourvue d'une belle technique. Assurément la plus mozartienne avec...

la très belle Kristine Jepson en Cecilio. Mais pourquoi avoir choisi un mezzo-soprano? Plus soprano que mezzo au début d'une partition pleine de pièges techniques qui ne pardonne pas, elle abordera le 2è acte sur un ton plus mezzo pour finir avec son Pupille Amate sur un registre si grave et à la fois si confidentiel qu'il laissera de marbre.

Néanmoins, une très grande musicienne qui a parfaitement compris le sens mozartien.

L.

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Re: A Amsterdam, un Lucio Silla à la sauce roumaine

Message par tuano » 13 déc. 2004, 16:10

Johannes Chum a-t-il chanté son air au début du second acte ? Plus généralement, sais-tu quels sont les airs qui ont été coupés ?

Je trouve ça drôle que tu t'étonnes du choix d'un mezzo pour Cecilio car je n'ai jamais entendu parler d'un Cecilio soprano depuis Julia Varady. Un castrat (soprano) a créé le rôle.
lachlan a écrit : Les gags me paraissent totalement déplacé sur cette musique grâcieuse, sur les arias si belles de Mozart. Il y a plus de poésie et de raisons de s'émouvoir que de se bidonner sur le génie d'un musicien au talent si précose. Mozart n'avait que 16 ans quand il a composer cette oeuvre.
On pourrait aussi renverser l'argument et dire qu'à 16 ans, Mozart était davantage un plaisantin qu'un poète de l'amour.
De toute façon, Mozart a eu une jeunesse et une précocité hors du commun.
lachlan a écrit : La direction d'acteurs à difficile à convaincre, surtout de la part de Lucio Silla et les mimiques de Celia (Henriette Bonde-Hansen) sont davantage empruntées aux Blondchen et autre Despina qu'à ce que je pouvais me figurer dans le seria. Ou l'art de mélanger les genres?
Le seria se doit de contraster les scènes. Celia est effectivement un personnage léger qui ne participe jamais au drame et qui voit la vie du bon côté.

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Message par lachlan » 13 déc. 2004, 16:17

Oui mais c'ets précisément Varady que j'avais en tête et puis Kiri dont je possède un récital où elle chante Cecilio.

Celia est le personnage qui m'a le plus marqué par le contre-sens de sa présence effectivement. c 'est la 1ere fois que je vois cet opéra en vrai, je ne m'étais pas figuré à quel point cette oeuvre était complexe. Je ne peux pas te renseigner sur les eventuelles coupures. Je possède 2 versions mais j'avoue ne pas avoir chercher à me remémorer leur contenu respectifs. Un peu à court de temps sans doute...

Je percevais cet opéra dans la droite ligne de l'autre séria qui lui ressemble à bien des égards: La Clémence de Titus.

De toute façon je ne vois pas ce qui a de drôle dans le livret que Mozart ait tenu à mettre en musique. Il devait au contraire $eêtre plus attentif encore à la rigueur de son écriture qui avait tant séduit par sa magie musicale les milanais je suppose.

Il n'y a que les tout grands génies CONSCIENT de leur maturité qui peuvent se permettre des jeux de mots et des situations plus cocasses comme le fera par ailleurs le même Mozart dans ses opéras-bouffes.

L.

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Message par tuano » 13 déc. 2004, 16:26

Je pense que Mozart ne pouvait être que conscient de son génie à 16 ans. Il n'en était pas à son premier opéra. Il avait déjà composé Apollon et Hyacinthe, Bastien et Bastienne, la Finta Semplice, Il Sogno di Scipione, Mitridate, Ascagnio in Alba...

Je pense comme toi qu'on ne peut pas appliquer le même traitement d'humour britannique aux operas serias de Haendel et à ceux de Mozart. Je pense qu'il s'agit davantage du contexte et des livrets que du compositeur lui-même.
La production de Brigitte Fassbaender était par moment humoristique. Lucio Cinna tentait régulièrement d'assassiner Lucio Silla mais il échouait, car il tombait de la fenêtre ou autre. Lors du choeur final, les choristes déposaient chacun à leur tour des armes, Silla et le public découvrant alors que tout le monde complotaient derrière le dos du dictateur.

La clémence de Titus est à mon avis plus drôle (et moins tragique) que Lucio Silla. Le premier acte est plein de quiproquos, le summum étant atteint lorsqu'on annonce à Vitellia que Titus l'a choisie comme épouse alors qu'elle vient d'envoyer Sextus en mission.

La version dirigée par Leoppold Hager est complète.

Tu dois au moins te rappeler si Aufidio a eu droit à son air au début du second acte, non ?

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Message par lachlan » 13 déc. 2004, 16:39

Oui, et c'est là que j'ai déconnecté. Avec presque 3 heures de musiques et malgré les innombrables pauses entre les scène, on ne sait plus couper grand chose je suppose?

Il faut que Olaf confirme. Je n'avais pas réécouter cet opéra depuis des mois.

L.

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Message par tuano » 13 déc. 2004, 16:48

Tu as déconnecté vite, alors !
Sur quoi te fondes-tu pour critiquer la performance de Johannes Chum s'il n'avait aucun morceau à chanter ?

La version Hager dure plus de 3h30. Il n'y a pas de pause mais pas d'applaudissements non plus et c'est dirigé un petit peu lentement.

C'est dommage que la distribution ait été aussi insatisfaisante. J'avais vu cette oeuvre par une troupe de jeunes chanteurs inconnus et ils avaient tous été très bien.

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Message par EdeB » 13 déc. 2004, 17:22

tuano a écrit :
La clémence de Titus est à mon avis plus drôle (et moins tragique) que Lucio Silla. Le premier acte est plein de quiproquos, le summum étant atteint lorsqu'on annonce à Vitellia que Titus l'a choisie comme épouse alors qu'elle vient d'envoyer Sextus en mission.

AalllllllllllllllllllllllllllllllLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLLl? armi ! (cri de guerre huron)
Je ferai une intervention plus constructive plus tard. Pas le temps aujourd?hui.

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Message par olaf » 13 déc. 2004, 17:53

Ce Lucio Silla est une production du duo Jossi Wieler&Sergio Morabito, réputé pour Ariane à Naxos déjantée à Salzbourg en 2001. Les costumes sont d'Anna Viebrock qui collabore souvent avec Marthaler. Donc, nous sommes en présrence de l'équation Marthaler+Viebrock=Wieler+Morabito+Viebrock.

L'esthétique de ces metteurs en scène est assez proche. Comme l'écrit Lachlan, l'action se passe dans un pays totalitaire d'Europe centrale. Les salles sont vides en écho au toc de ce régime, les costumes sont laids et les comportements misérables. Les seuls éléments de décors sont d'imposantes machines de projections cinématographiques. Tout se voit, tout s'écoute dans ce palais démeusuré..... Lucio est un poltron réduit à ses instincts primaires : baiser, boire, fumer sont ses seules activités. Ivre, il se fait tancer par un Aufidio sadique comme jamais. Bien sur les réactions d'un tel personnage sont imprévisibles, d'où l'issue heureuse... Mais le peuple ne semble pas dupé par le retournement du tyran, les acclamations sont minimes... Le livret de Lucio Silla est tout de même indigent (qui peut croire à cette stupide fin).

Heureusement, il y a la musique. Dans la fosse Adam Fischer dirige le Nederlands Kamerorkest. SA direction est très tendance, Fischer a digéré la révolution baroque et ses acquis. Les tempis sont rapides, les contrastes violents, c'est rapide et sec. On serre les fesses, on rentre le ventre, et en avant... Sous sa conduite, l'orchestre se surpasse, les cors sont vaillants, les hautbois magiques et les cordes tendues. La seule question : est ce que l'on peut faire cela avec un orchestre "moderne" ? Pour moi la réponse est affirmative.

La distribution est très très inégale. Le plateau est dominé par le Cecilio de Kristine Jepson. La mezzo américaine donne une véritable leçon de chant, le timbre, les phrasés et la performance scénique font merveille. Il en va de même de Henriette Bonde-Hansen en Celia, le timbre de cette chanteuse est magnifique. Jeffrey Françis est honorable en Lucio Silla. L'Américaine Cyndia Sieden, formidable d'engagement scénique, se ridiculise avec ses misérables vocalises dont parle Lachlan. Les deux points noirs de la distribution sont la Giunia de Mary Dunleavy. Le timbre est dur, cette jeune femme ne semble rien entendre à la magie de Mozart. Ses airs du second acte sont très douloureux, son frigide engament scénique est à la limite du décent. Désastre absolu : le ténor autrichien Johannes Chum. Si il passe bien le premier acte, il explose dans le second. Rien de va, tout déraille...La technique, le timbre, le style.....
Au final, un spectacle inégal, mais dont je garde les aspects positifs. Monter un opéra seria est très difficile. Lucio Silla avec ce livret ridicule et sa longueur est une gageure. Les metteurs en scène essaient d'apporter une vision originale qui se sert du livret pour proposer une fin crédible. J'ai adhéré à cette vision. Les comiques de situation, qui ne font que renforcer le ridicule du régime me plaisent.

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Message par olaf » 13 déc. 2004, 19:06

Cette oeuvre a été marquée par les productions légendaires de Ponelle/Harnoncourt (Zurich-1980) et Chéreau/Cambreling (Bruxelles-Nanterre-Milan-1984). Est que des Odébiens et Odébiennes ont assisté à des représentations ? Dans l'affirmative peuvent-elles (ou ils) donner leurs avis ?
D'avance merci
O.

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Message par EdeB » 14 déc. 2004, 12:30

olaf a écrit :Cette oeuvre a été marquée par les productions légendaires de Ponelle/Harnoncourt (Zurich-1980) et Chéreau/Cambreling (Bruxelles-Nanterre-Milan-1984). Est que des Odébiens et Odébiennes ont assisté à des représentations ? Dans l'affirmative peuvent-elles (ou ils) donner leurs avis ?
D'avance merci
O.
J?ai eu effectivement la chance de voir plusieurs représentations du désormais mythique Lucio Silla "de" Chéreau aux Amandiers, dans la "seconde" distribution*. Je n?ai vu la distribution alternative que dans la captation TV de la Monnaie.
Ne connaissant l??uvre que par le disque avant cette production (immonde Hager, qui a eu le seul mérite d?enregistrer une intégrale intégrali-ssime, mais totalement étouffe-chrétienne et sans aucun ornement ? les da capo sont repris intégralement sans variations !! ayant jeté ce disque depuis belle lurette, je ne puis en dire plus?) j?ai été scotchée par l?intensité des récitatifs, l?intelligence de la mise en scène et l?engagement des chanteurs. Il reste heureusement une trace sonore de ces représentations, récemment rééditée chez Brilliant Classic.
Il se trouve que j?admire Chéreau depuis des années, et que j?ai vu pratiquement toutes ses mises en scène depuis plus de 20 ans ; son approche de Mozart m?intéressait donc fort.
Le résultat est inouï. De la même force que sa récente mes de Phèdre ?je parle des représentations, la captation d?Arte étant passé totalement à côté.
On retrouve dans cette mise en scène les caractéristiques de l?art de Chéreau ; ancrage du texte dans l?espace et dans le corps des acteurs-chanteurs, violence exacerbée des rapports humains (auquel le livret extrêmement noir de Gamerra se prête tout à fait).
Le décor de Peduzzi, marbre romain sombre et mouvant (déplacement des murs durant le drame en espace qui se resserre ou s?aère un peu, jouant des ombres et des clairs obscurs) dans une géométrie que ne rompt aucun accessoire.
Les costumes sont noirs eux aussi, blocs qui se meuvent au grè des corps (merveilleux effets de la robe traine de Giunia, qui occupe tout l?espace le temps d?un air) soulignent ou occultent un mouvement, cassent ou arrètent un geste. Toute cette noirceur soulignait les visages et les mains, la torsion d?un geste, le penché d?une attitude. Cette mise en espace de la parole était aussi chute, main tendue, éclairage oblique sur un accessoire vestimentaire ?cravate en dentelle, uniforme- qui en disait autant sur la psychologie du personnage que tout les discours.
Cette mise en scène est l?une des plus grandes expériences de théâtre lyrique que j?ai vécues. Inoubliable. Difficile de faire partager cette expérience, à qui ne l?a pas vécue. La bande vidéo rend très imparfaitement cette merveille d?autant plus que la Monnaie semble plus à l?étroit que les Amandiers et que la captation manque de plans larges sur le décor, dont la masse écrasait cette humanité qui se débat.

Foncez sur la bande son, tout au moins. Cambreling est génial et ses chanteurs sont d?une intensité qu?on rencontre peu (hélas) dans ce répertoire. (Je pèse mes mots, moi qui supporte peu Mozart hors instruments anciens)

On a parlé d?un enregistrement /réalisation scénique ? de l??uvre avec Natalie Dessay, dirigée par C Rousset il y a quelques années. Malheureusement le projet a capoté, et j?en ai été vraiment déçue car C. Rousset est l?un des rares à avoir compris réellement ce qu?est le seria mozartien (avec Gardiner, et par moments, Harnoncourt) Pour N. Dessay, j?avoue n?avoir aucun regret après avoir entendu son calamiteux enregistrement des airs de Giunia, disque qui est relégué au fond de ma discothèque (cale une étagère) et qui a failli terminer sa vie reconverti en frisbee. Elle a les moyens mais elle transforme ces héroïnes mozartiennes en mégères hystériques.
Mon rêve de Giunia ? Sandrine Piau, bien sûr. Ecoutez ses deux airs (Parto, m?affreto et Ah se il crudel periglio) chez Naïve. Tout le personnage y est, mélange d?angoisse, de dignité farouche et de tenue. Du très très grand art.

Une autre production de Lucio Silla, donnée à Lausanne (?), puis à Caen, m?a laissé un souvenir moins marquant en mars 2001.
Mise en scène : Jean-Marc Bory
Lucio Silla : Patrick Rastery
Giunia : Melanie Walz
Cecilio : Kristina Hammarström
Lucio Cinna : Sinead Mulhern
Celia : Sophie Marin-Degor
Aufifio : Simon Edwards
Orchestre de Caen
Ch?ur de l'Opéra de Lausanne
Nicolas Chalvin, dir
Marie Cécile Bertheau, chef de chant et continuo

Mise en scène actualis-ante, un peu plombée par des chanteurs pas franchement à la hauteur. Cette partition est redoutable?

N. B. : Le Lucio Silla d?Amsterdam passe à la radio ?accessible sur internet : http://www.omroep.nl/nps/klassiek/?prog ... ml~content le 18 décembre.

Photographies de cette production : http://www.dno.nl/index.php?m=performan ... &c=picture


*Lucio Silla
S. Cambreling / P. Chéreau/ R. Peduzzi

Scala, 5-14 juin 1984
A. Rolfe-johnson / E di Cesare, L. Cuberli / E. Mills, A. Murray / R. Pierotti, BM Aruhn/ M. Nicolesco, C. Barbaux / P. Pace

Nanterre, 30 octobre-18 novembre 1984
J. Stewart / E; di Cesare, L. Cuberli / E. Mills, M. Dupuy / R. Pierotti, BM Aruhn, C. Barbaux / E. Godlewska

Bruxelles, 22 janvier-1 février 1985
A. Rolfe-johnson, L. Cuberli, A. Murray / R. Pierotti, BM Aruhn, C. Barbaux.

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