Isabelle Poulenard dans le baroque italien

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bajazet
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Isabelle Poulenard dans le baroque italien

Message par bajazet » 24 nov. 2004, 00:37

Ce soir avait lieu à Toulouse, à la Chapelle Ste-Anne, le concert d'ouverture de la saison de musique baroque (la première du genre à Toulouse, où le répertoire baroque n'a jamais connu les mêmes prospérités qu'à Bordeaux ou Montpellier, pour rester au Sud). Saison conçue par Jean-Marc Andrieu, flûtiste et directeur de l'Orchestre baroque de Montauban, désormais rebaptisé "Les Passions". On pourra entendre ainsi Pierre Hantaï dans un programme de concertos ("Bach et l'Italie") et des Motets et Leçons de ténèbres (ces dernières sublimes) de Jean Gilles, qui fut maître de chapelle à la cathédrale St-Etienne de Toulouse, et mourut en 1705.

On retrouvait ce soir Isabelle Poulenard, qui s'est illustrée il y a 20 ans dans le répertoire baroque avec Malgoire et Minkowski : la Folie dans la première Platée de Minko en 1988, c'était elle, comme elle chantait la Beauté dans son premier disque Haendel (Il Trionfo del Tempo). Sa carrière s'est développée depuis de façon plus discrète.

Le programme était consacré à des cantates italiennes d'Alessando Scarlatti, dont celle fameuse avec trompette solo (Serge Tizac, remarquable), "Sulle sponde del Tebro", souvent enregistrée (Stader, Donath, Blegen, etc.). Le concert commençait par une cantate inédite, "La Fenice", et s'achevait par "L'Arianna" (une merveille en raccourci : du départ de la Crète avec Thésée à l'apotéhose avec Bacchus). En conclusion, un air avec trompette solo, extrait de l'opéra Il Prigioniero fortunato ("Ondeggiando, agitato il pensiero"), dialogue virtuose entre la voix et l'instrument, assez conventionnel toutefois. Les cantates témoignent, elles, d'un raffinement et d'une invention musicale délectables. "La Fenice", de tonalité arcadienne, s'achève par un court récitatif onirique absolument saisissant, comme l'est celui qui à la fin de "L'Arianna", et après un air de fureur spectaculaire, évoque l'apaisement d'Ariane enlevée à la terre par Bacchus.

Isabelle Poulenard a conservé la fraîcheur vocale qui la caractérise, et plus encore une perfection d'intonation et une précision dans la vocalisation vraiment admirables. De même, son sens bien connu de la déclamation et de la rhétorique, capable d'animer constamment une musique parfois guettée par le péril du joli ou du fade. Autre trait caractéristique de cette interprète, l'usage progressif du vibrato sur les tenues (cf. le quatuor "Voglio tempo" dans l'enregistrement de l'oratorio de Haendel cité plus haut). Sans doute, le timbre manque de sensualité, de chair, et manifeste des tensions, cependant utilisées à des fins expressives. Plus que dans la virtuosité spectaculaire, c'est peut-être dans la manière de faire flotter la voix dans les passages méditatifs ou oniriques que l'art expressif d'Isabelle Poulenard s'impose avec le plus d'éclat. Bel accompagnement (2 violons, théorbe, violoncelle, clavecin et orgue positif).

Le programme sera redonné à Cahors le 16 janvier (Auditorium).

Ce pan de la production vocale de Scarlatti n'est pas le plus couru, et on aimerait évidemment y entendre Fink ou Bartoli. Signalons enfin que Poulenard avait enregistré naguère un disque de cantates de Barbara Strozzi et de Stradella (chez Adda), en particulier une "Arianna" de ce dernier, longue pièce vraiment sidérante par sa puissance expressive et ses bizarreries ? baroques.
"La patrie du cochon se trouve partout où il ya du gland."
Fénelon, Dialogues des Morts.

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