quetzal a écrit :Bonsoir
De retour de ce fameux Crépuscule des Dieux .
1) La mort de Siegfried (c'est une très belle mort - Wehwalt ici l'a bien décrite ) avec sa Trauermusik au cours de laquelle l'âme de Siegfried monte majestueusement là-haut , au ciel , probablement au Walhalla (le "double astral"porte le casque à ailettes) m'a beaucoup irrité .
Qu'est ce que Siegfried ou son corps astral a affaire au Walhalla ?
ça m'a énervé , cette question très irritante qui semblait me faire croire que subitement Krämer nous entrainait vers une sorte de vision mystique a heureusement été réglée dans les derniers instants quand il fait flinguer ses héros . J'ai été réellement soulagé de cette conclusion , absolument nécessaire .
Je sais que ces coups de pistolet ont agacé plus d'un , ils sont indispensables à la cohérence et pour ma part ils ont permis une authentique abréaction qui m'a libéré de cette incohérence . Avait-il d'autre solution ? Oui celle de renoncer à nous montrer d'aussi belles images que cette ascension du fantôme de Siegfried sur ses marches de feu . Mais nous sommes au théâtre !! Donc au total bravo , même si le procédé est brutal ( je suis très minoritaire sur ce sujet , mais j'ai bien aimé ce truc complètement "Unheimilch").
2) La mort d'Alberich
c'est la seule chose que je ne pardonne pas à Krämer même s'il ne pouvait pas bien faire autrement prisonnier qu'il était du personnage de Hagen tel qu'il l'avait construit .
Qu'Alberich cherche à récupérer l'anneau par un "zurück vom Ring!" je ne pousse pas des cris d'orfraie "mon dieu on a transgressé l'écriture! " Non, par contre Alberich ne doit pas mourir ; chez Wagner ce sont les dieux qui meurent , pas la race des Niebelungen .
Hagen oui , mais Alberich s'il disparait ne meurt certainement pas en miroir avec la fin de Wotan .
Mais Krämer est coincé par le fait que Hagen est défini comme impuissant dans son siège de paralytique . Il lui est impossible de courir après l'anneau au milieu du fleuve . Dans la logique où Hagen fait tout au nom du père il est acceptable de faire faire les choses par Alberich dont il est l'ombre portée . Sauf qu'à la fin les filles , dans une très belle scène sauvage ( très juste , les filles du Rhin sont sauvages) s'acharnent à transpercer le corps de leur victime - (la fin des dieux comme une nouvelle barbarie ?) .
Et là , la mort d'Alberich , ça ne va pas du tout , car Krämer introduit une signification tout à fait majeure dans la structure du récit et qui pose problème(je ne vais pas développer ce soir)
Merci pour votre critique globalement positive, sinon enthousiaste: on se sent moins seul et moins benêt à ressentir à peu près la même chose.
Sur vos deux réserves que je ne conteste pas (je ne vais pas vous dire que vous avez tort de préférer les brunes aux blondes ou réciproquement):
1) Siegfried meurt , c'est incontestable, incontournable. Où va-t-on après la mort? vaste question....Krämer associe l'au delà et le Walhalla, c'est son droit et c'est cohérent, même si, nous avons déjà eu cette discussion, cela contrarie une vision plus intra-humaine des luttes décrites par le Ring.
Au demeurant, le rendu vraiment surréaliste de l'élévation de Siegfried, sa tenue de guerrier, peut aussi laisser entendre que le destin promis par Brunnhilde à son père, Siegmund, lors de la "Todesankundingung" s'accomplit. Il est dans l'ordre des choses que les guerriers valeureux soient destinés au Walhalla et Brunnhilde, après sa période de révolte, rentre dans le rang, se "rachète" en trahissant Siegfried. On retrouverait ainsi le côté cyclique de la "morale" krämerienne
Quant aux coups de pistolet, je n'ai pas contesté l'idée de cette représentation de jeu vidéo: j'y ai même vu la mort d'une société de loisirs faciles. Ce qui m'a en revanche gêné c'est le rendu que j'ai trouvé vraiment lourdingue et en fort décalage avec le caractère sublimissime de ce finale.
2) Alberich est sauvagement tué. Certes ce n'est pas dans le livret mais, comme vous le soulignez, c'est très cohérent avec le rôle que Krämer lui fait jouer. A partir du moment où le metteur en scène met fortement en lumière les Niebelungen père et fils, une fin "en queue de poisson" eût été peu compréhensible.
J'y ai retrouvé (je crois l'avoir exprimé) là encore la notion de cycle: tout est parti d'un vol d'Alberich aux filles du Rhin, vol assorti d'une malédiction à l'amour, c'est à dire à la vie. Cà se termine avec le châtiment par les mêmes filles du Rhin de ce double crime responsable de tant de drames.
La mort d'Alberich n'est nullement contradictoire avec celle des dieux: d'une certaine façon, l'humanité, victime bien malgré elle du conflit entre les deux "races", peut désormais envisager un avenir plus radieux sans ni dieux ni nains (diables ??). Qui sait de quoi aurait été capable un Alberich survivant? L'humanité a-t-elle besoin de modèles ou de contre-modèles??
Ceci étant, il est vrai que "théâtralement" la mort d'Alberich est beaucoup mieux traitée que celle des dieux par le massacre video et que, du coup, on ne retient qu'elle.
Bertrand