Marius & Fanny - Trottein/Grinda - Avignon déc/janv 2009

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Marius & Fanny - Trottein/Grinda - Avignon déc/janv 2009

Message par Dapertutto » 30 déc. 2009, 21:40

Opéra en deux actes,
d’après les œuvres de Marcel Pagnol
Livret adapté par Michel Lenglines, Jean-Pierre Lang,
Michel Rivegauche, Antoine Chalamel, Michel Arbatz et Vladimir Cosma
Musique de Vladimir Cosma
(Editions musicales Larghetto Music)

Direction musicale : Dominique Trottein
Direction des chœurs : Aurore Marchand
Etudes musicales : Hélène Blanic

Mise en scène : Jean-Louis Grinda
Assistant : Jean-Phlippe Corre
Décors : Dominique Pichou
Costumes : Christian Gasc
Lumières : Roberto Venturi


Fanny : Karen Vourc’h
Honorine : Michèle Lagrange

Marius : Sébastien Guèze
César : Jean-Philippe Lafont
Panisse : Marc Barrard
Escartefigue : Eric Huchet
Monsieur Brun : Bruno Comparetti
Piquoiseau : Fernand Bernadi

Orchestre Lyrique de Région Avignon-Provence
Chœurs de l’Opéra-Théâtre d’Avignon et des Pays de Vaucluse

Production de l’Opéra de Marseille


De retour de la générale je me garderai bien de faire une critique des chanteurs et de la mise en scène, même si Karen Vourc'h et Sébastien Guèze sont apparus en grande forme. Aucun des chanteurs n'a marqué alors que la première était le lendemain (31/12): chapeau!

Cependant j'aimerais réagir à l'œuvre en elle même. C'est véritablement le jour et la nuit entre le premier et le deuxième acte. Le premier acte a un livret dont l'histoire est complètement décousue. De la partie de carte on se retrouve directement au départ de la Malaisie, sans compter les coupures de la scène de la ceinture et surtout de la scène de la jetée (la plus importante à mes yeux dans le texte de Pagnol car la plus dramatique). Bref le premier acte musicalement et vocalement assassin pour les deux rôles titres aurait mérité d'être divisé en deux actes avec moins de chœurs.

Ces chœurs sont en effet d'aucune utilité par rapport à l'histoire originale. Ils auraient pu avoir un rôle bien plus important et lourd: le poids de la rumeur et de l'honneur de la famille vis à vis du voisinage. Lors du Mariage de Fanny et Panisse les chœurs expriment leur joie de voir un mariage (youpi c'est la fête). Mais ce n'est pas cela Pagnol! Les chœurs auraient dû au contraire s'interroger sur la rapidité de l'organisation du mariage, l'absence de Marius etc... Au lieu de cela ces phrases du livret sur Marseille en fête donnent l'impression d'une opérette ou d'une comédie musicale quand il s'agit bel et bien d'un opéra.

Par contre le deuxième acte se développe bien mieux musicalement et théâtralement (paradoxal quand on sait que Marius était écrit pour le théâtre et Fanny pour le cinéma). L'intimité permet une plus grande cohésion musicale et sert bien mieux le poids et le drame de l'œuvre.

Musicalement je ne pense pas que cette œuvre rentrera dans le panthéon des grands classiques. Elle est bien trop difficile pour le soprano ou le ténor sans avoir pour autant de grandes envolées dramatiques. Cependant elle permet à tous les rôles de nous livrer de beaux moments d'émotions et de nous faire partager leurs tourments.

J'y retourne le 3 janvier.
"Dis papa! Tu peux mettre la poupée qui chante?"

paco
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Message par paco » 31 déc. 2009, 00:48

je n'ai vu cette oeuvre qu'à la télé (2 fois) et je rejoins ton avis. Inutilement difficile pour les rôles principaux, mettant en péril les voix par une tessiture constamment tendue, et construction très décousue.
Je trouve qu'on n'accroche vraiment que dans les trente dernières minutes, où l'écriture est plus concise, plus ramassée et commence à avoir un certain impact dramatique. La toute dernière scène est à cet égard assez réussie, on aimerait que le reste de l'oeuvre soit de la même intensité

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Message par JdeB » 31 déc. 2009, 10:25

paco a écrit :je n'ai vu cette oeuvre qu'à la télé (2 fois) et je rejoins ton avis. Inutilement difficile pour les rôles principaux, mettant en péril les voix par une tessiture constamment tendue, et construction très décousue.
Je trouve qu'on n'accroche vraiment que dans les trente dernières minutes, où l'écriture est plus concise, plus ramassée et commence à avoir un certain impact dramatique. La toute dernière scène est à cet égard assez réussie, on aimerait que le reste de l'oeuvre soit de la même intensité
oui le sommet de l'oeuvre se situe bien dans les 30 dernières minutes mais je n'ai pas trouvé le reste aussi ennuyeux que tu le dis.

Je rappelle le fil ODB sur la création mondiale à Marseille où j'avais exprimé mon avis sur les 2 distributions (p. 7) dont l'une était quasi similaire à celle d'Avignon.

modules.php?name=Forums&file=viewtopic& ... e42170906e


voici le texte du compositeur tel que publié dans le programme d'Avignon:
L’alliance de l’intensité dramatique et de la légèreté


Ma première rencontre musicale avec l’oeuvre de Marcel Pagnol s’est faite grâce au cinéma à l’occasion du film de La Gloire de mon père d’Yves Robert. Elle s’est poursuivie avec Le Château de ma mère, toujours pour le cinéma, et ensuite La Femme du Boulanger et La Trilogie Marseillaise (Marius, Fanny, César) pour la télévision.
J’ai été immédiatement séduit par l’émotion et l’humanité qui émanent de cet univers ensoleillé où le drame et la comédie doivent coopérer, se rencontrer, s’enrichir l’un l’autre.
Les situations, les dialogues, le théâtre de Pagnol sont très musicaux, ses textes appellent la musique et le chant. D’où le désir de construire une oeuvre lyrique dans laquelle persisterait quelque chose de l’ancien opéra-comique, sans garder la tradition des dialogues parlés.
Dans Marius et Fanny, couple et sujet aussi universel que Roméo et Juliette ou Porgy and Bess, l’amour entre tous les personnages, quels que soient leurs travers, leur pudeur, fonde l’oeuvre, ainsi que le désir, l’appel de la mer, le rêve d’évasion… Dans la vie quotidienne du Vieux Port et du bistrot de César, passent tous les thèmes de l’amitié et de la passion contrariée, celui de l’homme écartelé entre l’attachement à ses racines et le désir d’aventures.
J’ai toujours eu envie de me plonger dans toutes les formes de musique, quoique les barrières entre les musiques dites “populaires” (musique de film, jazz, chanson) et la musique “sérieuse” soient jusque dans un passé proche inflexibles, imperméables.
C’est ainsi que, tout en composant La Boum, Rabbi Jacob, Le Grand Blond avec une chaussure noire, Le Dîner de cons ou encore L’Amour en héritage, je me suis permis d’écrire des oeuvres symphoniques ou de musique de chambre, et maintenant un opéra !
Je dois aussi avouer que j’ai composé un certain nombre d’“airs” pour Marius et Fanny, ce qui est quasiment impardonnable pour une certaine élite de la “pensée conceptuelle contemporaine”.
Sachez que je ne ressens aucune honte de l’avoir fait, dans la mesure où ces “airs” servent l’histoire, les interprètes et touchent le public.
Monteverdi, réformateur, créateur de l’opéra moderne, et fondateur du premier théâtre public, invoquait la vox populi, en disant “le public a raison : s’il contredit l’élite, c’est à l’élite de se taire”.
J’ai conçu ces airs comme une sorte d’émanation de la situation qui la précède, faisant partie intégrante de l’action et de la facture musicale.
Située à Marseille, l’action autorisait un coloris “provençal”, un dépaysement pittoresque dont il ne fallait pas, à mon sens, abuser.
Concernant la construction du livret, tout en éliminant les intrigues secondaires pour la concentration et la clarté de l’action, j’ai résisté avec acharnement à la tentation d’adapter ou de versifier les dialogues de Pagnol, qui sont restés le plus près possible de l’original.
Michel Lengliney a été le collaborateur indispensable de la première heure, ainsi que le regretté Michel Rivegauche.
Jean-Pierre Lang, principal auteur des lyrics, a réussi à s’intégrer avec talent et modestie dans l’univers de Pagnol.
Sur le plan musical, il ne s’agit pas d’une reconstitution à l’identique ou d’une parodie de style musical des années 30, mais d’une paraphrase spirituelle en partant parfois de formes ou rythmes de l’époque (valses, ragtimes, tarentelles brisées, etc…). Je pourrais appeler ma démarche stylistique : à la recherche d’un temps musical perdu, où la “modernité” naît de la difficile quête d’un ton clair et aisé, ainsi que d’une alliance de l’intensité dramatique et de la légèreté.

Vladimir Cosma
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
Odb-opéra

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Message par Dapertutto » 03 janv. 2010, 21:00

Beau triomphe aujourd'hui malgré le faible taux de remplissage du théâtre. Coté célébrité, Roselyne Bachelot a fait le déplacement jusqu'en Avignon pour réentendre l'oeuvre.
"Dis papa! Tu peux mettre la poupée qui chante?"

Villagna

Message par Villagna » 04 janv. 2010, 14:05

Et la foule en délire scandait son nom :
Marc Barrard ! Marc Barrard ! Marc Barrard !
Il a tout ! La voix, le style, la présence. Un très grand baryton, je ne dis pas le plus grand baryton français parce que je ne les connais pas tous... mais quel artiste ! Je l'ai vu plusieurs fois sur les scènes méridionales et toujours ce fut un émerveillement devant tant de talent.

Respect aussi à Jean-Philippe Lafont.

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Message par JdeB » 04 janv. 2010, 15:05

Villagna a écrit :Et la foule en délire scandait son nom :
Marc Barrard ! Marc Barrard ! Marc Barrard !
Il a tout ! La voix, le style, la présence. Un très grand baryton, je ne dis pas le plus grand baryton français parce que je ne les connais pas tous... mais quel artiste ! Je l'ai vu plusieurs fois sur les scènes méridionales et toujours ce fut un émerveillement devant tant de talent.

Respect aussi à Jean-Philippe Lafont.
Je rappelle notre dossier (actualisé comme presque tous) sur ce grand baryton vraiment trop peu médiatisé:

modules.php?name=Content&pa=showpage&pid=178
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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MARIUS ET FANNY AVIGNON

Message par corinne » 06 janv. 2010, 11:02

Un grand bonheur de retrouver ce spectacle créé à Marseille en Septembre 2007. Le triomphateur du dimanche 3 janvier a été Marc Barrard et ce n'est que justice. Il serait temps de s'apercevoir enfin du talent de ce chanteur et de lui donner un peu plus de rôles sur nos scènes françaises. A ses côtés Jean-Philippe Lafont est toujours un magnifique interprète avec une présence scénique incontestable. Belles prestations de Sébastien Guèze et Karen Vour'ch en revanche énorme déception concernant la direction d'orchestre : trop bruyant, nombreux décalages avec le choeur et les solistes... A OUBLIER !

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Message par Josquin » 06 janv. 2010, 16:02

Marius et Fanny

Opéra en deux actes d’après les œuvres de Marcel Pagnol
Livret adapté par Michel Lenglines, Jean-Pierre Lang, Michel Rivegauche, Antoine Chalamel, Michel Arbatz et Vladimir Cosma
Musique de Vladimir Cosma
Editions musicales Larghetto Music


Direction musicale : Dominique Trottein
Mise en scène : Jean-Louis Grinda
Décors : Dominique Pichou
Costumes : Christian Gasc
Lumières : Roberto Venturi


Fanny : Karen Vourc’h
Honorine : Michèle Lagrange

Marius : Sébastien Guèze
César : Jean-Philippe Lafont
Panisse : Marc Barrard
Escartefigue : Eric Huchet
Monsieur Brun : Bruno Comparetti
Piquoiseau : Fernand Bernadi

Orchestre Lyrique de Région Avignon-Provence
Chœurs de l’Opéra-Théâtre d’Avignon et des Pays de Vaucluse

Production de l’Opéra de Marseille


Avignon, dimanche 3 janvier

Il n’aura fallu attendre que deux ans et demi avant que l’œuvre créée à Marseille en septembre 2007 ne soit reprise sur la scène avignonnaise. Et une nouvelles fois, elle a été bien acceuillie par le public.
La partition observe quelques longueurs et ne réserve guère de surprises. Le leitmotiv de « l’appel du large » revient un peu trop souvent et de manière prévisible. De plus, la partition ne sert pas toujours le texte (à l’image de la partie de carte qui perd de sa grandeur). Bref, l’œuvre n’est pas mémorable. Mais Vladimir Cosma nous rappelle que c’est un excellent mélodiste et surtout un très grand orchestrateur. Si la référence à Puccini est indiscutable tout au long de l’œuvre - le « Marius, Marius » final n’est pas sans évoquer le « Mimi, Mimi ! » de la Bohème ou encore le « Butterfly, Butterfly ! » dudit opéra - la musique n’en reste pas moins proche de la musique de film. Evitant le pittoresque et le kitch, le deuxième acte, beaucoup plus lyrique offre de très beaux passages et de belles envolées lyriques. La dernière scène est même assez poignante.

Dans la fosse, Dominique Trottein, très concentré, s’efforce de faire vivre cette sublime orchestration tout en palliant à d’importants problèmes de justesse et quelques décalages avec le plateau.

Nous ne reviendrons pas dans les détails sur la mise en scène déjà décrite par Jérôme Pesqué lors de la création à Marseille, très cinématographique et qui résout élégamment les contraintes imposées par le déroulement de l’action.

Le tout est servi par une belle distribution d’une incroyable crédibilité.

A commencer par les seconds rôles. Eric Huchet, Bruno Comparetti et Fernand Bernadi offrent de belles compositions dans leurs rôles respectifs d’Escartefigue, Monsieur Brun et Piquoiseau. L’Honorine de Michèle Lagrange au style pas toujours raffiné trouve cependant sa place et de manière convaincante.

Karen Vourc’h incarne une Fanny très sensible au chant très juste et touchant. L’interprétation scénique comme vocale, est fine et délicate.
De même, Sébastien Guèze est un Marius très engagé possédant l’âge du rôle, un jeu sincère, le tout rendant son personnage très crédible. Il se sort des difficultés de la partition sans pour autant masquer une voix hétérogène (les graves ne sonnent absolument pas et la voix est, par moment, forcée). Il devra également faire attention à l’avenir à la justesse et à l’intonation.

Jean-Philippe Lafont, en grande forme par rapport à ses dernières prestations, incarne un magnifique César comme on l’imagine. Excellent acteur, il joue les Raimu sans jamais forcer son jeu pour autant.

Enfin, c’est bien le Panisse bouleversant d’humanité de Marc Barrard, à la musicalité et l’expressivité sidérante, qui triomphe ce dimanche en Avignon. Tout simplement formidable.

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