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Jenufa à Anvers

Posté : 07 nov. 2004, 21:39
par olaf
Janacek est à la fête en ce moment, Toulouse, Paris et Anvers.... L'opéra des Flandres remonte une Jenufa mise en scène par Robert Carsen. Le résultat artistique est stupéfiant même si les chanteurs montrent certaines limites. Il règne sur scène un tel engagement que les artistes se transcendent. Robert Carsen prend l'oeuvre de Janacek au pied de la lettre. L'action se déroule, vers 1930, dans un village (pas de cité HLM.........) particulièrement oppressant (les habitants sont transformés en voyeurs). Le décor se borne à une scène recouverte de terre et à des portes qui servent de limites à l'action. La direction d'acteur du Canadien est magistrale, certaines scènes sont porteuses d'une intense émotion : l'acte II dans la maison de Kostelnicka est fascinant de tension tout comme la fin de l'acte III où les chanteurs enlèvent les portes laissant ainsi seuls Jenufa et Laca. La distribution, d'un très bon niveau, est dominée par la Jenufa de d'Anja Kampe (magnifique timbre et engagement viscéral dans son rôle) et le Laca du toujours excellent Peter Straka. Klaus Florian Vogt en Steva n'a pas un très beau timbre et manque de puissance, mais il masque ses limites par un indéniable charisme. L'Anglaise, Josephine Barstow en Kostelnicka se taille un très grand succès. Le timbre n'est pas beau, mais sa prestation scénique est tout simplement phénoménale : la fin de l'acte II où Kostenicka est prise de troubles après la mort de l'enfant est d'une très grande tension. Bonne prestation des autres chanteurs. À la tête de l'orchestre et des choeurs de la maison, le jeune chef allemand Stefan Klingele dirige sec et tendu, mais il oublie les nuances et couvre trop souvent (Acte 1) les chanteurs. Sa direction transporte, tout de même, les instrumentistes qui offrent une prestation sans failles avec des cuivres particulièrement vaillants. En dépit de ses limites, ce spectacle est un très grand moment de musique.
Cette production sera à Gand du 20 au 30/11, si vous êtes à proximité ou de passage, ne ratez pas cette merveille.
Des infos et des photos sur www.vlaamseopera.be

Posté : 15 nov. 2004, 19:17
par lachlan
Oui c 'est une très belle production. Surtout la scène finale où la pluie se met à tomber sur cette terre aride et offre symboliquement l 'espoir d un renouveau.

L.

Posté : 15 nov. 2004, 19:41
par Kat
Oui, c'était effectivement une très belle production et j'étais très heureuse de pouvoir enfin écouter A. Kampe qui s'affirme de plus en plus comme une grande chanteuse et une actrice généralement convaincante. Elle était déjà une belle Sieglinde dans la Walkyrie à Washington. Quant à la prestation de Barstow, elle était tout simplement renversante ! Straka était aussi très bien.
J'ai aussi beaucoup apprécié la mise en scène, très dépouillée, mais très efficace avec un finale plein d'espoir malgré l'atrocité de toute cette histoire.
J'ignore si une représentation sera retransmise à la radio... On peut toujours rêver !
Kat.

Posté : 27 nov. 2004, 16:38
par richie3774
Jenufa Opéra de Gand, le 23/11/04

Jenufa : Anja Kampe
Kostelnicka : Joséphine Barstow
Laca : Peter Straka
Steva: Klaus Florian Vogt
L?aïeule: Diana Vivian
Starek: Russell Smythe
Jano: Petra Van Tendeloo
Karolka: Anne Cambier
Le bourgmestre: Piet Vansichen
La femme du bourgmestre : Mireille Capelle
Barena : Beatrijs Desmet
Une villageoise : Anja Wolbrink
La tante : Marie-Louise De Cort

Mise en scène : Robert Carsen
Décor et costumes : Patrick Kinmonth
Direction : Stefan Klingele


Pour célébrer dignement l?année Jancek, l?Opéra des Flandres a choisi de reprendre cette belle production de Jenufa, créée en 1999 et exportée en 2001 au Festival japonais Saito Kinen.

La distribution fait montre de beaucoup de qualités mais aussi de quelques faiblesses, faiblesses compensées chez chacun par une présence dramatique indéniable.
Au sommet, il y a une éblouissanteAnja Kampe dans le rôle-titre, timbre magnifique, aigus rayonnants, voix puissante, traversant sans peine l?orchestre. Elle se révèle également une excellente actrice, aussi convaincante en fraîche jeune fille amoureuse dans le I, qu?en mère attentionnée dans le II et qu?en future mariée désabusée dans le III.
La Kostelnika de Joséphine Barstow transcende les nombreuses réserves vocales qu?on peut lui faire (en résumé, à part un reste de substance dans le bas-médium, elle n?a plus de timbre, et elle crie plus qu?elle ne chante), par un investissement dramatique hors du commun. Encore discrète dans le I, elle éclate littéralement pendant sa discussion avec Steva et pendant la scène du meurtre, durant laquelle elle fait se dresser les cheveux sur la tête du public. La suite la montre totalement crédible en femme brisée par le meurtre qu?elle a commis, mais elle se redresse crânement pour s?accuser de l?infanticide après la découverte du corps de l?enfant. Elle ne manque décidément pas de grandeur, et l?expression « s?identifier totalement à un rôle » prend tout son sens face à la Kostelnicka de Joséphine Barstow.
Peter Straka chante du Janacek sur toutes les scènes d?Europe, et on sent bien que ce n?est pas la première fois qu?il aborde le rôle, car il rend particulièrement bien le caractère tourmenté et violemment amoureux de Laca. Psychologiquement, il réussit à faire évoluer avec beaucoup de justesse son personnage de l?amoureux transi, rustre et plutôt inquiétant jusqu?à devenir un époux fort qui inspire confiance. Vocalement, il met un bon acte à se chauffer, mais il ouvre son c?ur et trouve de magnifiques aigus dans le III.
Le Steva de Klaus Florian Vogt est plus problématique, le timbre manque d?éclat et de substance, et le style est débraillé, ce qui n?est finalement pas trop gênant puisqu?il est saoul dans le I. Dans le reste de l??uvre, sa performance vocale assez moyenne est rattrapée par une sincérité de chaque instant.
Les petits rôles sont dans l?ensemble très bien tenus, avec mention spéciale pour deux sopranos ,Anne Cambier et Petra Van Tendeloo, aux voix fraîches et séduisantes, avec en prime chez Cambier l?impression qu?elle parle parfaitement le tchèque, comme si c?était sa langue maternelle.

L?orchestre de l?Opéra flamand est en bonne forme, les cordes déploient des sonorités chaudes et sensuelles, bois vifs et précis, mais cuivres font parfois n?importe quoi. Soulignons le jeu magnifique du konzertmeister, très émouvant lors de ses passages solo.

Le jeune chef Stefan Klingele joue à fond la carte de la beauté sonore et de la rutilance orchestrale, ce qui ne serait pas un mauvais choix s?il ne couvrait pas trop souvent les chanteurs. Principale victime des décibels de l?orchestre, Joséphine Barstow qu?on verra plusieurs fois se démener à tenter de franchir la barrière de la fosse, sans qu?on entende strictement rien.
Le chef allemand adopte des tempi plutôt amples, ce qui a tendance à gommer légèrement le dramatisme de l??uvre, mais nous offre en contrepartie une scène finale d?un lyrisme exacerbé et profondément émouvant.

La mise en scène de Robert Carsen est à la fois intelligente et émouvante, exploitant au maximum le décor aride qui peut sembler rebutant au premier abord (quelques portes et panneaux sur un sol de terre battue). Ces éléments sont déplacés selon les actes afin de représenter des murs et des pièces, l?effet est particulièrement réussi et permet une grande liberté de déplacement aux différents protagonistes.
Cette mise en scène combine une direction d?acteurs très juste à des moments plastiquement très réussis, le moment le plus fort étant la pluie libératrice qui tombe au final sur Jenufa et Laca.
Un seul bémol, s?il y a bien un lit dans la chambre de Jenufa, pourquoi ne pas avoir meublé la pièce voisine d?au moins une table ? C?aurait été beaucoup plus logique.

En résumé, un magnifique spectacle, avec une distribution galvanisée par une mise en scène particulièrement remarquable d?intelligence et d?émotion.
Photos à voir sur le site du VLO: http://www.vlaamseopera.be/productionde ... ed&prd=343
Prochaine Jenufa : en février à l?Opéra de Wallonie

Richard

Posté : 27 nov. 2004, 16:44
par bajazet
Merci Richard. J'aime beaucoup Peter Straka. Il semble que les mises en scène que Carsen a livrées à l'Opéra des Flandres, ses Janacek et ses Puccini, comptent parmi ses réussites majeures.

Barstow, qui a la réputation d'être une bête de scène, avait publié chez Decca il y a 10 ou 15 ans un album qui groupait la scène finale de l'Affaire Makroupoulos et Médée de Cherubini. Je serais curieux de l'entendre.

Posté : 27 nov. 2004, 18:05
par richie3774
bajazet a écrit :Merci Richard. J'aime beaucoup Peter Straka. Il semble que les mises en scène que Carsen a livrées à l'Opéra des Flandres, ses Janacek et ses Puccini, comptent parmi ses réussites majeures.
C'était vraiment très loin de ses Rosenkavalier et Traviata qui ont été télévisés récemment, et beaucoup plus réussi.

Posté : 28 nov. 2004, 09:20
par lachlan
richie3774 a écrit :
bajazet a écrit :Merci Richard. J'aime beaucoup Peter Straka. Il semble que les mises en scène que Carsen a livrées à l'Opéra des Flandres, ses Janacek et ses Puccini, comptent parmi ses réussites majeures.
C'était vraiment très loin de ses Rosenkavalier et Traviata qui ont été télévisés récemment, et beaucoup plus réussi.
Cette production et surtout Katia Kabanova sont des chefs d oeuvre de mises en scene. Tosca fut egalement une reussite totale. Loin, bien loin de ses tentatives de relectures modernistes qui semble mieux reussir a d autres.

Je suis content que tu as su apprecier Anne Cambier qui se fait bien discrete ces dernieres annees...

L.

Posté : 29 nov. 2004, 14:37
par richie3774
lachlan a écrit : Je suis content que tu as su apprecier Anne Cambier qui se fait bien discrete ces dernieres annees...
L.
Elle fait plutôt du récital et du concert ces derniers temps, j'espère la réentendre sur scène très bientôt.

http://www.annecambier.be/default.htm