Téâtre du Châtelet
Mardi 27 et Vendredi 30 juin à 20h
C W Gluck : extraits d'Orphée et Eurydice
Berlioz : Les Nuits d'été
Henry Purcell (1659 - 1695) : Dido and Aeneas
Opéra en un prologue et trois actes
Livret de Nahum Tate
Créé en 1689 à la Boarding School for Young Ladies and Gentlewomen of Josias Priest à Chelsea, Londres
Didon, reine de Carthage - Jessye Norman
Belinda, dame d'honneur - Erin Wall
Deuxième Dame - Gillian Webster
La Magicienne - Felicity Palmer
Première Sorcière - salomé Haller
Deuxième sorcière - Emmanuelle Goizé
Un esprit - Philippe Jarroussky
Enée, prince troyen - Russell Braun
Un marin - Barry Banks
Les Musiciens du Louvre - Grenoble
Choeur des Musiciens du Louvre - Grenoble
Direction Marc Minkowski
Reçu par erreur en proposition de news :
faro a écrit :Gluck, Berlioz et Purcell
Ce soir, mardi 27 juin, je ne me sentais plus de joie, enthousiaste que j´étais de voir l´éblouissante Jessye Norman (*1950) affronter Les Nuits d´été de Berlioz puis Didon et Enée de Purcell.
Afin de créer un climat "adéquat", cette programmation fut introduite par l´Air des Furies de Gluck (Don Juan ou le festin de Pierre) repris dans son Orphée un an plus tard, puis par d´autres extraits de ce même opéra.
j´ai beaucoup aimé cette "mise en place de décors", appréciant tout particulièrement cet Air des furies. Toutefois, s´il m´était permis d´émettre une critique - fort retenue - je me dois ici d´avouer ne pas avoir autant vibré que je l´eus souhaité, ayant un peu baigné dans l´interprétation à mon sens superlative que Hartmut Haenchen a livrée de cet air (Capriccio): car ce qui faisait peut-être défaut ce soir étaient ces cordes si lisses, alors que j´avoue succomber à leurs accents lorsqu´elles vibrent, rugueuses, sous des archets qui ploient véritablement: il ne semble pas que ce soit ni la même technique ni les mêmes instruments, mais je ne dispose pas immédiatement de l´enregistrement pour m´en assurer.
Avec les Nuits d´été de Berlioz (sur des poèmes de Théophile Gautier), est arrivée avec sa voix de brise du soir Jessye Norman: l´émotion était réelle, c´était ma première fois...
...une des dernières grandes diva arrive, port fier, hiératique, avec ce soupçon de reccueillement que laisse transparaître cet exceptionnel visage.
Pourtant, je n´ai pas vibré au début... j´avoue même m´être senti étonamment peu concerné par ces poèmes: outre une diction qui tout de même n´était pas extraordinaire, je l´ai sentie finalement assez distante, tant dans le dernier couplet du "spectre de la Rose": "Car sur ton sein j´ai mon tombeau..." que dans cet point culminant que pourrait constituer "au cimetière. En outre, ce n´était pas toujours très juste; même si je rougis d´asséner semblable critique à une artiste que j´admire.
Du coup, une très légère appréhension me gagna: qu´exprimerait "Didon"?
Après un court entracte sur la terrasse du théâtre, de retour à nos places, nous constatons que des accessoirs ont été mis en place: ce sera à n´en pas douter une version de concert "à l´italienne": et force est de constater qu´il n´en faut pas plus: un splendide sofa á la Louis quelquechose (que les antiquaire qui liront ceci n´en prennent pas ombrage!), sur une scène érigée à l´arrière de l´orchestre, lui même encadré de part et d´autre par le choeur.
L´opéra commence, mon coeur s´arrête: la formule est kitsch, mais bon. Elle arrive: et je pense que même nue, elle aurait tout d´une reine, d´une impératrice, tant sa prestance sans équivalent émeut: robe d´aristocrate de la plus haute lignée, rouge et ornée de broderies dorées: seule fausse note, un arrière plan vert amande qui a malgré tout heurté mon goût: je le trouvais inadéquat.
Chut: ca commence: je ne connaissais pas Erin Wall, mais ai apprécié sa Bélinda, très investie dans son rôle de Dame d´honneur. Elle exhorte sa Reine à ne pas se laisser aller au chagrin. La reine lui répond, mais avec des écarts que l´on ose à peine percevoir, tant on est touché par ce rôle qu´elle a fait sien, par cette voix qui n´est peut-être plus aussi chaude, par ce timbre qui s´est un peu durci...
Mais la distribution frappait par sa qualité d´ensemble: on avait engagé de grands artistes, et non pas des faire-valoirs: et c´est aussi avec une réelle émotion que j´ai vu la Magicienne de Félicity Palmer: dans son incarnation vile à souhait, cette artiste à l´âge presque improbable sur une scène se démenait avec toute cette science du théâtre et du chant qui la caractérisent: comment ne pas succomber à ses charmes?!
L´opéra se termine presque sur cet air exceptionnel du "lamento de Didon": "Thy hand, Belinda": et alors, ce fut un moment très particulier: l´orchestre, d´une lisibilité exceptionnelle soutenait une plainte d´une émotion rare: souffle maîtrisé, moire du timbre: nous étions saisis... quelques pas d´elle accentuaient encore ses accents de détresse et de renoncement: sa dernière posture me glaçait.
Mais a quoi pouvait bien penser Enée en envisageant de quitter semblable femme!??