Tilmann Unger Siegfried
Paul McNamara Mime
Simon Bailey Der Wanderer
Werner van Michelen Alberich
Hiroshi Matsui Fafner
Melissa Zgouridi Erda
Aile Asszonyi Brünnhilde
Bettina Maria Bauer Stimme des Waldvogels
Orchestre du Théâtre National de la Sarre
Sébastien Rouland Direction
Versailles continue donc, à raison d’un volet par an, son Ring en version de concert. Hier, c’était au tour de Siegfried. Les quelque 80 musiciens de l’orchestre du Théâtre National de la Sarre sont sur scène et c’est déjà assez impressionnant, même s'il n'y a que deux harpes au lieu des six prévues par Herr Wagner !
Devant eux un espace libre laisse la place aux chanteurs qui tous, sauf Mime, chantent sans pupitre et en offrant une certaine mise en espace.
Une telle disposition, que n’aurait pas forcément approuvée Wagner mais qui aurait, dit-on, été le rêve de Louis II de Bavière, permet une sonorité incroyable, où toute la salle est envahie par la musique, à un point que je préfère même l’expérience sonore wagnérienne ici à la sonorité de Bayreuth. Il y a en effet, dans la structure et les parements tout en bois de l’Opéra royal, une caisse de résonance idéale qui non seulement s’adapte très bien aux sons maigrelets des orchestres baroques habituels, mais qui convient finalement parfaitement, et contre toute attente, à un orchestre symphonique. De manière très frappante, dès le début de l’œuvre, les roulements de timbale résonnent tout autour de nous et nous enveloppent.
Au demeurant, l’orchestre symphonique conduit ici par son chef habituel, le Français Sébastien Rouland, ne sonne pas toujours à pleins décibels, mais au contraire, bien plus souvent, dans un volume délicat, où parfois même un seul instrument se fait entendre.
L’attention du chef aux chanteurs est grande, bien qu’ils soient derrière son dos. Malgré l’immense phalange qu’ils ont derrière eux, sans l’atténuation d’une fosse bayreuthienne, les chanteurs arrivent parfaitement à se faire entendre, sauf à de très rares exceptions. C’est que tous sont habitués au chant wagnérien et ils ont une projection qu’on aimerait rencontrer plus souvent sur les scènes parisiennes.
Tilmann Unger, Siegfried, est un excellent heldentenor, très lyrique. Il est presque toujours sur scène et le rôle doit être épuisant. Toujours juste et sonore, on sentait néanmoins une petite fatigue vers la fin, notamment quand il était en duo avec la tonitruante Brünnhilde de Aile Asseonyi, dont la belle voix pouvait couvrir l’orchestre déchaîné ! C’était déjà la Walkyrie de l’an dernier. Le Wanderer de Simon Bailey était merveilleux et bien joué. Très bons Mime et Alberich de Paul McNamara et Werner van Mechelen (non parent avec Reinoud van Mechelen), qui étaient déjà là il y a deux ans pour l’Or du Rhin. Fafner était, encore cette année, incarné par Hiroshi Matsui à la grosse voix de basse, qui avait joué Hunding l’année dernière et Fafner il y a deux ans. La mezzo Melissa Zgouridi, également présente dans l’Or du Rhin d’il y a deux ans, faisait la plus belle des voix d’Erda. Bref, une distribution de rêve pour cette mâtinée Versaillaise wagnérienne.
La version de concert avec légère mise en espace est vraiment pour moi la meilleure façon d’apprécier complètement l’œuvre, surtout si l’on ne parle pas l’allemand ou ne comprend pas nécessairement l’allemand chanté, en particulier la prose un peu surannée des textes wagnériens. En effet, on suit très bien le surtitrage sans la distraction d’une mise en scène qui veut ajouter plein de choses à un texte qui se suffit déjà à lui-même. Sans les vains ornements de décors abjects, sans les mouvements histrionesques, sans les films glauques et les lavabos, sans la psychologie à deux balles et les leçons d’histoire moderne revisitée, on jouit totalement du théâtre wagnérien, c’est-à-dire de cette merveilleuse association du texte et de la musique. C’est une expérience idéale et je ne comprends pas que le public parisien ne se précipite pas plus nombreux à chacune de ces représentions du Ring. Certes, le relatif inconfort de certains sièges se fait sentir au bout des cinq heures que dure l’expérience, mais le jeu en vaut bien la chandelle.
