Britten – Peter Grimes – Marshall/Loy – Lyon - 05/2025

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Britten – Peter Grimes – Marshall/Loy – Lyon - 05/2025

Message par petitchoeur » 06 mai 2025, 18:16

Benjamin Britten (1913-1976):
Peter Grimes

Opéra en 3 actes et un prologue. Livret de Montagu Slater d'après le poème de George Crabbe: The Burrough (Le Bourg, 1783). Créé à Londres au théâtre Sadler's Wells le 7 juin 1945.

Direction musicale : Wayne Marshall
Mise en scène : Christof Loy
Scénographie : Johannes Leiacker
Costumes : Judith Weihrauch
Lumières : Bernd Purkrabek
Chorégraphie : Thomas Wilhelm
Collaborateur artistique : Georg Zlabinger
Chef des Chœurs : Benedict Kearns

Peter Grimes : Sean Panikkar
Ellen Orford : Sinéad Campbell-Wallace
Capitaine Balstrode : Andrew Foster Williams
Auntie : Carol Garcia
Mrs Sedley : Katarina Dalayman
Swallow : Thomas Faulkner
Ned Keene : Alexander de Jong *
Bob Boles : Filipp Varik *
1re nièce : Eva Langeland Gjerde *
2e nièce : Giulia Scopelliti **
Hobson : Lukas Jakobski
John : Yannick Bosc
Le Révérend Adams : Erik Årman

Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Lyon
** Solistes du Lyon Opéra Studio, promotion 2024-2026
* Lyon Opéra Studio, promotion 2022-2024


A l'Opéra de Lyon le 9 mai 2025 (prochaines représentations les 11, 13, 15, 17, 19 et 21 mai 2025).

Peter Grimes est présenté dans une mise en scène minimaliste de Christof Loy qui adopte l'idée que Grimes est rejeté par les pêcheurs de son village du fait de son homosexualité. C'est une production d'une grande efficacité dramatique et d'une très impressionnante qualité musicale.
« Il a fallu attendre la mort du compositeur (1976) pour que l'on ose attirer l'attention du public sur certaines évidences. Jusque là on parlait de tension entre originalité individuelle et société normative [...]Un tabou fut brisé quand le musicologue Philip Brett (1937-2002), dans son essai Britten et Grimes(1977), exposa sa thèse, désormais classique, et argumentée d'exemples musicaux à l'appui, de l'exclusion de Grimes comme figure de l'homosexualité» (Jérôme Fronty in Peter Grimes, l'invaincu prémonitoire, 2014, cité dans le programme de salle).
Piotr Kaminski conteste formellement cette vision de Peter Grimes dans son ouvrage Mille et un opéras (Fayard, 2003)

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Copyright Agathe Poupeney/Opéra de Lyon

« Le réalisme à l'opéra mène rapidement à quelque chose de « gentil » ou de « joli » qui ne représente pas avec justesse les relations entre les personnages. J'ai toujours été partisan d'une esthétique minimaliste, tout particulièrement dans ce cas, parce que notre approche doit être plus universelle » (Christof Loy , metteur en scène, d'après une interview réalisée par Karine Bohnert en 2021 lors de sa production à Vienne et reprise à Lyon. Citée dans le programme de salle).
La scénographie de Johannes Leiacker  est fort dépouillée : ni mer, ni bateau, ni plage, ni cabanes de pêcheurs... Un simple plan incliné depuis le fond de scène jusqu'à la la fosse d'orchestre et un lit, plusieurs fois occupé, défait et refait en équilibre précaire au-dessus de la fosse. S'y ajoutent des chaises et un canapé. La direction d'acteurs de Christof Loy et les lumières de Bernd Purkrabek jouent le rôle essentiel dans la compréhension de l'évolution dramatique de l'action.

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Copyright Agathe Poupeney/Opéra de Lyon

Le ténor américain, d'origine sri-lankaise, Sean Panikkar, domine la distribution. Une voix puissante, capable d'exprimer tous les sentiments complexes et les attitudes ambiguës de son personnage: rancoeur et haine pour les habitants du village, violence contre tous et même sur Ellen, désespoir, obsession de gagner de l'argent grâce à sa pêche, moments de rêverie et même… de douceur. C'est un formidable chanteur-acteur. Sinéad Campbell-Wallace est Ellen Orford, institutrice imprégnée d'empathie chrétienne pour Grimes qui ne lui rend pas. Soprano à la voix chaude, ses aigus sont puissants et sa longueur de souffle parfaitement maîtrisée. Le rôle du Capitaine Balstrode  est tenu par le baryton Andrew Foster Williams. Il soutient de Grimes de son timbre convaincant et sait rendre sa voix très inquiète pour le sort de son ami. Dans un des interludes musicaux, il est en scène avec John car, lui aussi pour Christof Loy, il est fortement attiré sexuellement par l'apprenti. Mrs Sedley, Katarina Dalayman, mezzo-soprano, chante son rôle en parfaite malade psychologique réclamant son laudanum. Sa curiosité est malsaine et sa langue de vipère. Auntie/Tatie, Carol Garcia, a vraiment l'allure et la voix pleine de l'aplomb d'une tenancière de bar doublée d'une mère maquerelle qui n'a pas froid aux yeux. Elle est la seule en robe d'un rouge éclatant entourée de ses deux « nièces » en tenues roses virevoltantes (Eva Langeland Gjerde et Giulia Scopelliti excellentes chanteuses et comédiennes) au milieu d'une communauté au triste conformisme vestimentaire! Filip Varik en Bob Boles est un ténor à la voix puissante et incisive. Il sait être « monstrueux », Bible menaçante, en éructant des condamnations à l'enfer pour Grimes. Parfait hypocrite, il se saoule et tente de soulever l'une des nièces de Tatie. De sa très jolie voix fine et claire, Erik Årman en Révérend Horace Adams, est bien incapable de calmer ses paroissiens face au fanatique Bob Boles. L'homme de loi Swallow, Thomas Faulkner, de sa voix de bronze à la splendide projection, fait de l'interrogatoire de Grimes dans le prologue, un moment dramatique. Le charretier Hobson, Lukas Jakobski, basse profonde, tient son rôle avec talent.

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Copyright Agathe Poupeney/Opéra de Lyon

Le Choeur de l'Opéra de Lyon est remarquable tout au long de l'ouvrage. Il bénéficie d'une direction d'acteurs de Christof Loy d'une lisibilité et d'une efficacité redoutable face à Grimes et à Ellen. Il occupe la scène pendant une bonne partie de l'ouvrage magistralement, chantant tout en se déplaçant continuellement (sauf dans la scène de l'église) et, en l'absence de décor, rend « visible » le drame dont il est un acteur essentiel. On ne peut qu'admirer la qualité de sa préparation par son chef Benedict Kearns.

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Copyright Agathe Poupeney/Opéra de Lyon

Splendide modernité de la musique de Britten. On entend la mer, le vent et la tempête, On perçoit l'ambiguïté du personnage de Grimes, on participe à sa violence. On est partie prenante de la haine des villageois et de l'amour d'Ellen pour Grimes. Grâce à une orchestration dans laquelle les vents, les bois et les percussions sont très présents . Dans laquelle se côtoient le folklore anglais, des emprunts au baroque de Purcell , des chorals et des pages symphoniques en interludes à la belle ampleur et pleines d'émotions . Une musique qui fait vivre le drame. On comprend que cette partition, ce spectacle, malgré son modernisme, ait connu un immense succès à la création en 1945 avec Peter Pears dans le rôle-titre. Wayne Marshall obtient de l'Orchestre de l'Opéra de Lyon, dans cette partition à la rythmique et à l'harmonie savantes toute la finesse, la fantaisie, la violence qui éclairent, qui illuminent et qui rendent évident le livret en l'absence d'une scénographie réaliste et figurative.

Pierre Tricou.

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Re: Britten – Peter Grimes – Marshall/Loy – Lyon - 05/2025

Message par PH » 07 mai 2025, 23:58

D’habitude je m’impose un droit de réserve mais là, j’outrepasse et je conseille vivement à ceux qui peuvent avoir l’occasion de venir de le faire.

Piem67
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Re: Britten – Peter Grimes – Marshall/Loy – Lyon - 05/2025

Message par Piem67 » 08 mai 2025, 10:28

J'y serai le 19 pour ma part, et je me réjouis de voir cette prod. d'un de mes opéras préférés !

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Re: Britten – Peter Grimes – Marshall/Loy – Lyon - 05/2025

Message par petitchoeur » 11 mai 2025, 14:22

je viens de mettre mon CR en tête de fil
Pierre Tricou

Père Wieck
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Re: Britten – Peter Grimes – Marshall/Loy – Lyon - 05/2025

Message par Père Wieck » 14 mai 2025, 00:00

Bonsoir à toutes et tous,
Je sors du Peter Grimes à Lyon - avec ma nièce à la fac dans la cité des Gaules, à qui je rends visite. Je suis comme Pierre enthousiasmé par la réalisation musicale, chanteurs et direction de Wayne Marshall, que les Lyonnais avaient eu en fosse dans Candide.
Le spectacle est dépouillé, il marche bien, mais on peut discuter le glissement de l'accent sur l'homosexualité comme cause de mise à l'écart, ce qui atténue l'éventualité du crime pédophile (le livret est très ambigu, on parle de Grimes qui a utilisé déjà deux apprentis, qui sont à l'époque du capitalisme naissant des pré-ados au mieux, à une époque où le travail des enfants n'est pas encore réglementé en Angleterre, ni ailleurs en Europe). Mais la mise en espace du poids de la société est très efficace.
Par curiosité j'ai jeté un oeil sur d'autres CR. Olyrix voit dans la mise en scène une transposition dans le monde de l'entreprise - on sent le tropisme manager commercial du fondateur du site que certains dans le milieu de la presse musicale surnomment Gaudissart. Quant à Classykéo, l'autre pendant d'Olyrix, c'est sujet verbe et parfois complément, en surtout ne dépassant pas 10 mots par phrase. J'ai d'ailleurs croisé ce soir une ancienne collègue, qui se pique parfois de critique, et m'a raconté que, depuis qu'il s'est brouillé avec Guy Cherqui, le fondateur du site du Wanderer, David Verdier (certains disaient de lui qu'il était le plus grand critique musical français) n'aurait désormais plus de média où écrire. Un peu narquoise, elle m'a dit que lui qui se piquait de ne voir que du grand répertoire wagnérien, allemand, intellectuellement exigeant comme les Soldaten de Zimmermann (dont il serait le spécialiste en France) en serait réduit à aller voir des opérettes...

Ramana
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Re: Britten – Peter Grimes – Marshall/Loy – Lyon - 05/2025

Message par Ramana » 15 mai 2025, 09:32

petitchoeur a écrit :
11 mai 2025, 14:22
je viens de mettre mon CR en tête de fil
Pierre Tricou
Merci pour ce compte rendu, votre restitution ainsi que celle de Mme Hélène Adam, m’a convaincu d’y aller et si les trains sont à l’heure j’y serais ce soir, il restait encore quelques bonnes places. Je ne suis pas à priori convaincue par l’approche sexuelle qui paraît avoir été retenue pour cette production, j’en suis restée à l’inoubliable interprétation de Vickers au ROH en juillet 74 ou 75, mais remplacer l’apprenti par un homme jeune est un choix possible mais à voir sur scène donc.
et je sens malgré moi mon cœur qui bat...qui bat... je ne sais pas pourquoi...

DelBosco
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Re: Britten – Peter Grimes – Marshall/Loy – Lyon - 05/2025

Message par DelBosco » 17 mai 2025, 22:54

En quelques mots ... déception pour moi avant-hier soir, à la hauteur de l'attente suscitée par les nombreux commentaires laudatifs lus, ici et ailleurs.
Pour le spectateur que je suis, ce Peter Grimes souffre du souvenir du spectacle si fort et poétique de Deborah Warner à Garnier il y a deux ans ...
La mise en scène de Loy m'a semblé à la fois sans génie et assez prétentieuse, le dépouillement total du plateau est une facilité bien plus qu'une idée, et l'absence de caractérisation de tous les lieux (le port, le bar, l'église, la cabane de Grimes) qui étaient si bien évoqués chez Warner, sans débauche de décor cependant, ôtent toute référence et toutes les ambiances si nécessaires, en lien avec la musique. La direction d'acteurs est certes très travaillée, mais c'est la vision d'ensemble qui souffre d'une certaine violence, d'un manque de finesse et surtout d'émotion, un comble pour un œuvre aussi forte.
Musicalement, l'approche est également assez "frontale" et violente, bien peu de nuances et surtout une perte des plans sonores si travaillés par Britten, notamment dans les scènes de la tempête ou lors de l'échange entre Ellen et l'apprenti qui se déroule en même temps que l'office en arrière-plan. Sans doute en raison du dépouillement du plateau, l'oreille ne parvient pas plus que l'oeil à discerner les différents plans et ces scènes souffrent d'une grande confusion.
Plateau pas totalement convaincant non plus, Sean Panikkar chante constamment en force, une performance certes mais le personnage est uniformément brutal et n'émeut pas. L'Ellen de Sinead Campbell a une voix sans doute trop corsée et le chant manque cruellement de douceur. Andrew Foster-Williams est un Balstrode bien chantant, et l'acteur est très investi malgré le rôle ambigu que lui confie la mise en scène.
Rien à redire des autres rôles qui tous ont leur importance et sont bien distribués : Dalayman touchante en Mrs Sedley, bonnes Auntie et nièces (le quatuor féminin est un moment musicalement très réussi), très bons Bob Boles, Révérend, Swallow et Hobson, Ned Keene un peu plus en retrait.
Choeur magnifique, de très belles voix, l'orchestre m'a moins convaincu.

En résumé, pas d'émotion en ce qui me concerne alors que j'étais ressorti bouleversé du spectacle proposé à Paris.
Dommage pour les spectateurs qui découvraient l'oeuvre ce soir ...

srourours
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Re: Britten – Peter Grimes – Marshall/Loy – Lyon - 05/2025

Message par srourours » 17 mai 2025, 23:36

Pas d'accord avec l'avis de DelBosco. La mise en scène se tient (les tableaux sont très choregraphiés et la scène pentue restitue en permanence cette crainte d'être submergé), même si le parti pris peut diviser. Pour ma part elle ne me fait pas oublier l'éblouissement de 2014 ici même à Lyon dans la formidable production de Oida (quel dommage de ne pas l'avoir reprise).
Chœur formidable, rôle titre incroyable (il passe du cri en feulement avec une gamme de nuances assez incroyable) qui ce soir ne chantait pas tout en force. On a quand même l'impression qu'il se ballade vocalement dans le rôle. Plus mitigée sur Ellen dont la voix sonne un peu "vieille". Balsrode passe partout.
Direction musicale très souple, très axée sur la rythmique et qui manque ici et là de véritable lyrisme.

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Re: Britten – Peter Grimes – Marshall/Loy – Lyon - 05/2025

Message par Asvo » 18 mai 2025, 07:19

Quel dommage cette mise en scène... Christoph Loy est doué, son décor est efficace, certaines scènes sont superbes et sa gestion des choeurs, notamment, est très bien pensée. Mais ce parti pris ne fonctionne absolument pas ! Peut-être que Peter Grimes parle en sous texte d'homosexualité (pas convaincu), mais pour moi, le fait que l'apprenti soit un enfant est quand même fondamental : fondamental pour son rapport avec la communauté, avec Ellen (ici, lorsqu'elle s'adresse à l'enfant, lorsque la musique, les paroles, cherchent un rapport maternel, ça fait très bizarre de la voir parler avec un trentenaire, homosexuel à moustache caricatural), et évidemment avec Peter Grimes. Ce choix de Loy de mettre l'homosexualité au coeur de l'oeuvre l'aseptise en un certain sens : exit l'ambiguïté que l'on ressent sur Grimes, exit la dimension sociale de l'oeuvre. Les personnages aussi sont assez aseptisés, notamment Balstrode.
Et, quand bien même on voudrait défendre la thèse de l'homosexualité dans Peter Grimes, on peut la représenter de manière moins caricaturale (les jeunes apprentis qui apparaissent dans le premier interlude matin sont d'un cliché!)
Pour finir avec cette mise en scène, en ayant enchaîné Il Trittico et Peter Grimes, je pense que j'ai un vrai problème avec les lumières dans les mises en scène de Loy, toujours ternes et uniformes.

Musicalement, on est aux antipodes, avec en premier lieu un chœur et un orchestre d'une qualité superlative, avec une magnifique direction de Wayne Marshall.
Les seconds rôles sont, à mon sens, tous excellents (notamment Lukas Jakobski, dont l'impressionnante stature renforce le côté terrifiant de la communauté déchaînée), Ellen admirable, Balstrode très solide.

Et Sean Panikkar , remarquable, montre un Peter Grimes très ambigu, alternant entre un chant sans fard, presque fruste, et des passages d'une très grande nuance. Ce qu'on n'a pas eu dans la mise en scène, on l'a eu dans le chant.

Piem67
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Re: Britten – Peter Grimes – Marshall/Loy – Lyon - 05/2025

Message par Piem67 » 20 mai 2025, 08:55

Vu hier lundi, j'ai mis du temps à me remettre de ce spectacle...

Scéniquement, je suis d'accord avec les arguments pointés par les précédents contributeurs. La mise en scène de Loy séduit par son dénuement compensé par une excellente direction d'acteurs permettant de ne pas s'ennuyer une seconde (de toute façon, l'œuvre étant tellement géniale au départ...) et offrant des moments d'une rare intensité (le moment où Grimes amène le cadavre de son apprenti qui "ressuscite", les 2 personnages se lançant dans une chorégraphie bouleversante ; la porte qui s'ouvre au fond, avec un rai de lumière, m'a considérablement saisi...). Le parti-pris montre cependant quelques limites par moments (notamment le manque de différenciation des lieux comme déjà dit plus haut).

Mais c'est surtout l'angle d'attaque qui me dérange. Faire sans détour de Grimes un homosexuel enlève au personnage toute son ambiguïté et son mystère. Je suis d'accord avec Kaminsky pour ne pas être aussi franc sur Grimes qui explique, dans la scène finale, l'aspect accidentel de la morts de ses 2 apprentis. Le choix, par ailleurs, de faire camper l'apprenti par un jeune adulte m'a beaucoup dérangé pour les raisons évoquées plus haut. Tout ça fait des images trash mais ça réduit considérablement le propos. Je partage l'avis d'Asvo sur les lumières assez basiques... La scène finale se déroule ainsi en plein jour ce qui m'a beaucoup dérangé.

Musicalement, c'est la fête et quasi parfait.
En tête, le Grimes de Sean Panikkar est admirable en tous points, l'un des plus parfaits que j'ai entendu sur scène. Il n'est pas du tout univoque comme tu le laisses à penser DelBosco, bien au contraire, il est capable de passer de l'éclat à la douceur et la demi-teinte (qu'il maîtrise superbement) en une seconde. un très très très grand Grimes. Sinéad Campbell-Wallace est peut-être effectivement un peu trop mûre pour le rôle, mais alors quelle voix et quelle chanteuse ! Le Balstrode d'Andrew Foster Williams m'a moins marqué. Excellentissimes seconds rôles, je retiens pour ma part le Bob Doles parfait de Filipp Varik !

Le chœur est admirable, c'est impressionnant, sans aucun doute l'un des plus beaux des opéras français, chapeau bas. Excellent orchestre également et direction de Wayne Marshall excellente également même si, parfois, j'aurais aimé un peu plus de douceur... J'ai en souvenir un Grimes fabuleux à l'Opéra du Rhin dans les années 1990/2000, dirigé admirablement par Jan Latham Koenig et dans une splendide mise en scène de Kirchner (sans doute le plus beau Grimes que j'ai vu) et sans parler de l'exceptionnel enregistrement de Haitink pour EMI.

L'intensité de la scène finale de Peter, grâce à Pannikar, le chœur (un peu trop proche de la scène cependant) et Marshall, était considérable et m'a cloué au fauteuil. Pour autant, je garde un souvenir inoubliable de cette scène dans la production de Dresen au Châtelet en 1995, la fosse d'orchestre était plongée dans le noir (puisque l'orchestre n'y joue pas à ce moment-là), des fumigènes rampants descendaient de la scène et allaient jusque sur la fosse, faisant totalement disparaître l'orchestre. Émergeait Jeffrey Tate au-dessus de ce flot... C'est sans doute une des images d'opéra qui m'a le plus marqué de ma vie de spectateur lyrique.

Vivement le Billy Budd de l'an prochain (avec un tel chœur, ce ne pourra qu'être superlatif à ce niveau !) et merci à l'Opéra de Lyon de si bien servir Britten, ce compositeur majeur du XXe !

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