Massenet - Werther - Leroy-Calatayud/Loy - TCE - 03-04/2025

Représentations
Répondre
Avatar du membre
JdeB
Rédacteur en chef
Messages : 27810
Enregistré le : 02 mars 2003, 00:00
Contact :

Massenet - Werther - Leroy-Calatayud/Loy - TCE - 03-04/2025

Message par JdeB » 20 mars 2025, 09:29

Marc Leroy-Calatayud | direction
Christof Loy | mise en scène
Silvia Aurea De Stefano I reprise de la mise en scène
Johannes Leiacker | scénographie
Robby Duiveman | costumes
Roland Edrich | lumières

Benjamin Bernheim | Werther
Marina Viotti | Charlotte
Jean-Sébastien Bou | Albert
Sandra Hamaoui | Sophie
Marc Scoffoni | Le bailli
Yuri Kissin | Johann
Rodolphe Briand | Schmidt

Agnès Aubé, Jean-Pierre Cormarie, Roland
David, Martine Demaret, Rita Falcone,
Danièle Gouhier-Rezzi, Laurent Letellier, Odile
Morhain, Catherine Pepinster | comédiens

Les Siècles
Solistes enfants et Chœur d’enfants de la Maîtrise des Hauts-de-Seine

Coproduction Théâtre des Champs-Elysées | Teatro alla Scala

TCE, le 31 mars 2025

Image

Ouvert sept mois après le décès de Massenet, et voué d’emblée aux avant-gardes de l’époque, le Théâtre des Champs-Élysées a attendu 75 ans pour accueillir un opéra de ce compositeur. C’était une production de Werther signée Pierre Constant, venue de Nantes, dans le cadre d’un éphémère festival des régions, idée reprise bien plus tard par le Châtelet, avec le couple Neil Rosenheim et Martha Senn.
Depuis lors Werther y a connu deux versions de concert, celle du 4 février 1993 réunissant Laurence Dale et Béatrice Uria-Monzon sous la baguette de Jean-Claude Casadesus puis celle du 9 avril 2016 avec Juan-Diego Florez et Joyce DiDonato sous la houlette de Jacques Lacombe.

Image

Sept ans après son Alcina venue de Zurich presque jour pour jour, voici un autre spectacle de Christof Loy monté ici, importé cette fois de la Scala. On sait, depuis son Guercoeur à l’Opéra du Rhin au printemps dernier, que ce metteur en scène cultive désormais une épure qui fuit tout effet spectaculaire et dont l’ascétisme s’accorde ici au monde protestant du livret dérivé de Goethe. Après une première partie conventionnelle mais riche de détails savoureux et avec un zeste de burlesque, comme le calme avant la tempête, un saut qualitatif se produit avec le retour de Werther, vêtu en smoking comme pour se rendre à une fête en larmes. Là, déployant une violence quasi chéraldienne, Charlotte s’adonne à une vengeance un rien sadique contre son époux choisi par sa mère mourante en l’éclaboussant des lettres intimes que Werther lui écrivait dans son exil.

Image

On pourrait presque parler d’optique sartrienne, époque Huis clos, où l’accent est mis sur le jeu des regards croisés inévitables ce qui est fort pertinent tant le champ lexical de la vision innerve tout le livret, ce regard du groupe auquel on n’échappe presque jamais, où tout le temps quelqu’un jette un œil sur ce qu’il n’aurait pas dû apercevoir. Albert donnant le ton au début de l'opéra en affirmant qu’il voulait revenir sans prévenir pour "surprendre" la famille du Bailli. Il y a aussi le moment où Sophie et Charlotte cachent les yeux de leurs cadets tandis que les amants fanatiques du « divin Klopstock » se couvrent de baisers.
Mais, trop souvent, on sent Loy attaché à surligner son propos avec la robe rouge passion de Charlotte, la fourrure de cette dernière récupérée par sa sœur Sophie, qui s’y love en position fœtale, comme pour redire encore et encore ce qui apparaît ici d’emblée à savoir qu’elle aurait aimé permuter cet amour pour Werther qui l’a séduite au premier abord, tout en libérant à son tour sa coiffure, comme venait de le faire son ainée (être en cheveu à l’époque pour une femme décente équivalait à un petit scandale), comme pour se défaire d’un carcan plus systémique, celui de la bonne bourgeoisie certes, on l’avait bien compris, mais n’est pas Chabrol qui veut…
Je crois qu’il est assez clair que Loy n’aime ni le roman de Goethe ni le personnage de Werther dans cet opéra (qui selon lui devrait s’intituler Charlotte), à cause de son égoïsme et de son immaturité, qu’il ne croit pas vraiment à l’amour de Charlotte pour le jeune poète diplomate mais qu’il a voulu que sa prémonition s’accomplisse puisqu’il avait offert à Benjamin Bernheim dès 2013 un disque d’extraits de cet opéra par Georges Thill…

Depuis sa prise de rôle à Bordeaux dont j’avais rendu compte ici ce dernier n’a guère approfondi le personnage qu’il n’a finalement que peu chanté dans l’intervalle. Si on admire sans réserve la pureté de son style, sa science suprême de coloriste conférant à chaque affect sa traduction en inflexions infiniment variées comme calquées sur sa respiration propre, la fermeté irradiante de ses aigus dardés, sa diction éblouissante, sa morbidesse de vieil or emmiellé, ses limites en tant qu’acteur et son manque de charisme brident l’émotion que l’on ressent devenant son Werther où les incarnations bouleversantes de Kraus, Kaufmann et de Pati lui font d’autant plus d’ombre.
Pour sa prise de rôle en Charlotte, dont elle ne possède peut-être pas l’exacte vocalité, Marina Viotti évite, avec sa classe coutumière et sa musicalité superlative, le double écueil du grossissement artificiel de la voix et des intentions ainsi que tout histrionisme malgré la violence dont elle fait montre in fine et sait toucher au cœur par éclairs grâce à une ductilité de la ligne que lui permet sa technique belcantiste et à un engagement sans faille.
Sans parvenir à ces cimes, Jean-Sébastien Bou dessine un Albert solide et bien chantant, mélancolique, grisonnant et écorché vif, tandis que la Sophie de Sandra Hamaoui ne manque ni de fraicheur, ni de présence ni de féminité et brille par sa plastique autant que par ses aigus cristallins très bien projetés mais sa diction paraît bien perfectible face aux modèles du genre qui l'entourent ici.

Image

Les seconds rôles sont parfaitement caractérisés et n’appellent que des éloges.

A la tête des Siècles ayant ostracisé son fondateur initialement prévu, Marc Leroy-Calatayud, sur lequel ce théâtre a su finement misé dès ses débuts avec L’élixir d’amour participatif privé de public lors du confinement mais qui revient à la fin de cette saison et Les Sept Péchés capitaux en janvier 2024, ne doit pas être jugé, vu son jeune âge, dans la même catégorie que les grands maîtres qui ont su imprimer durablement leur marque sur ce chef d’œuvre, Prêtre et Plasson en tête. Comme à Strasbourg il y a un mois et demi, il fait montre d’un souci fort louable de mise en valeur de l’intelligibilité du texte (qu’il connaît par cœur) et des contrastes d’atmosphères, d’une probité stylistique, d’une humilité et d’un enthousiasme communicatif rares. Mais, notamment grâce aux instruments anciens, sa lecture sonne nettement moins lisse qu'en Alsace et gagne en aspérités prenantes et en incisives fulgurances.

Salle bondée, enthousiaste et très parisienne où l'on notait la présence de Robert Carsen, de Lea Desandre, d'Alexander Neef et des deux Alain, Lanceron et Perroux.

Jérôme Pesqué
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
Odb-opéra

houppelande
Baryton
Baryton
Messages : 1696
Enregistré le : 01 juil. 2011, 23:00

Re: Massenet- Werther- Leroy-Calatayud/Loy- TCE- 03-04/2025

Message par houppelande » 20 mars 2025, 10:54

Si vous pouvez, choisissez des sièges dans l'axe de la scène, car sinon toute la partie du décor située en arrière-plan ne vous sera pas visible à travers la grande porte centrale.
Image
Image
Image

Locorotondo
Messages : 32
Enregistré le : 03 oct. 2024, 21:55

Re: Massenet- Werther- Leroy-Calatayud/Loy- TCE- 03-04/2025

Message par Locorotondo » 20 mars 2025, 15:36

J espère que l action principale se passe dans l avant scène,si des actions et chants importants se passent dans la partie derrière cette porte centrale,cela veut dire,encore une fois ,que le metteur en scène privilégie sa vision au détriment de l impact sur le public" mal placé" donc,aux places les moins chères. Nous ne sommes pas au cinéma...

Avatar du membre
philopera
Baryton
Baryton
Messages : 1929
Enregistré le : 12 mars 2005, 00:00
Localisation : Paris
Contact :

Re: Massenet - Werther - Leroy-Calatayud/Loy - TCE - 03-04/2025

Message par philopera » 22 mars 2025, 22:45

Premières impressions
Bernheim formidable. On peut lui préférer Kaufmann ( mon cas) dans les productions pas trop anciennes mais vocalement son werther est le triomphateur de la soirée
Viotti met le paquet et ça marche car elle est très aimée ici. Mais la voix est trop légère et le timbre pas assez dramatique pour en faire une grande Charlotte
Orchestre et chef ont donné une belle lecture de l œuvre
Mise en scène consternante. Une version de concert aurait fait mieux et moins ridicule
"Gérard Mortier a raison d'offrir Elektra sans entracte"
( Eric Dahan Libération 25/06/2005)

Avatar du membre
Abaris2
Baryton
Baryton
Messages : 1155
Enregistré le : 10 janv. 2020, 14:44

Re: Massenet - Werther - Leroy-Calatayud/Loy - TCE - 03-04/2025

Message par Abaris2 » 22 mars 2025, 23:11

Une mise en scène consternante ? 8O
On n'a clairement pas vu le même spectacle ; c'est pour moi une production splendide, d'une grande intelligence.
Je suis ravi que cet immense metteur en scène soit enfin invité à Paris.

Bernheim donne une magnifique leçon de style français, de diction, d'intelligence musicale. Manquent quand même à ce Werther les fêlures du personnage, et aussi tout simplement l'émotion.

Ce n'est pas avec ce genre de prestations que la carrière internationale de Viotti va décoller. :twisted:
Quand on pense qu'elle est distribuée dans Fidès, quelle blague.

J'ai beaucoup aimé la direction de ce jeune chef, d'évidence très doué.

Une soirée passionnante par certains côtés, frustrante par d'autres.
"Pour qui ce chant funèbre et ce pâle flambeau ?"

Avatar du membre
Loïs
Basse
Basse
Messages : 7694
Enregistré le : 06 févr. 2013, 11:04
Localisation : sans opera fixe

Re: Massenet - Werther - Leroy-Calatayud/Loy - TCE - 03-04/2025

Message par Loïs » 22 mars 2025, 23:22

J’attendais cette soirée depuis un an , considérant que ce serait la soirée de la saison parisienne et je suis comblé : exceptionnel (même si Viotti doit dissimuler derrière un incroyable écran de fumée d’interprétation , de musicalité et d’intelligence ses limites) mais quel plateau , quel rôle titre , quel chef et quelle mise en scène avec un dernier acte qui vous marque pour longtemps.
Troupeau de jeunes descendant en hurlant les étages sur « quel truc de ouf », « jamais vu ça » , « faut que j’achète le DVD »

meteosat
Baryton
Baryton
Messages : 1054
Enregistré le : 09 mai 2005, 23:00

Re: Massenet - Werther - Leroy-Calatayud/Loy - TCE - 03-04/2025

Message par meteosat » 22 mars 2025, 23:32

Splendide représentation, Bernheim et Viotti merveilleux (quelles dictions).
J’ai adoré les instruments « d’époque » des Siècles.

muriel
Basse
Basse
Messages : 3267
Enregistré le : 17 nov. 2003, 00:00
Localisation : Arles

Re: Massenet - Werther - Leroy-Calatayud/Loy - TCE - 03-04/2025

Message par muriel » 22 mars 2025, 23:35

J'ai adoré le couple Bernheim Viotti qui s'équilibre à merveille , et la direction.
Mise en scène ennuyeuse et fainéante, c'est du Benoît Jacquot en moins beau.
Seul le moment où elle balance ses lettes à Albert qui les lit et relit fait preuve d'un début d'idée.
Et Sophie qui prend la place de Charlotte, c'est du lourd.
Photo. https://ibb.co/Q7VJ1gY2

Avatar du membre
philopera
Baryton
Baryton
Messages : 1929
Enregistré le : 12 mars 2005, 00:00
Localisation : Paris
Contact :

Re: Massenet - Werther - Leroy-Calatayud/Loy - TCE - 03-04/2025

Message par philopera » 22 mars 2025, 23:54

Mais tout est du grand n importe quoi...cette lecture du drame en faisant changer de rôle les personnages dans un décors unique vide ( pour ceux comme moi qui n étaient pas placé en face ) n a aucun intérêt . Au Iii Charlotte envoie paitre Werther puis 2 secondes plus tard son mari ....mais quelle rigolade ! Et faire mourir Werther devant Albert et Sophie m à coupe toute l émotion finale. Heureusement que je maitrise la fonction fermer les yeux et me transporter ailleurs. Non je maintiens que cette mise en scène est une daube
"Gérard Mortier a raison d'offrir Elektra sans entracte"
( Eric Dahan Libération 25/06/2005)

Avatar du membre
JdeB
Rédacteur en chef
Messages : 27810
Enregistré le : 02 mars 2003, 00:00
Contact :

Re: Massenet - Werther - Leroy-Calatayud/Loy - TCE - 03-04/2025

Message par JdeB » 23 mars 2025, 08:59

Abaris2 a écrit :
22 mars 2025, 23:11

J'ai beaucoup aimé la direction de ce jeune chef, d'évidence très doué.
J'ai été le premier à le médiatiser ! :D

joomfinal/index.php/les-dossiers/53-che ... -des-legos

Bernheim s'en est entiché.
Il dirige presque tous les concerts du ténor et bientôt son Roméo à Vienne
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
Odb-opéra

Répondre