Mise en scène et scénographie : Stephan Grögler
Bijoux et images : Jennifer Crupi
Lumières : Pierre Daubigny
Vidéo : Louison Costes
Conseiller musicologique : Riadh Mtirawi
Octave, le Magnifique : Xavier Flabat
Clémentine : Jeanne Zaepffel
Alix : Gaëlle Mechaly
Aldobrandin : Thomas Morris
Fabio : Pierre-Michel Dudan
Laurence : Benjamin Athanase
Horace : Christophe Souron
Compagnie Les Monts du Reuil en résidence
Reims, le 26 novembre 2022
Très peu d'Opéras dans le monde ont aussi bien servi la cause de Grétry (1741-1813) que Reims qui a mis à l'affiche, depuis 2010, pas moins de cinq de ses opéras : La Fausse Magie (2010), Raoul Barbe-Bleue (2016), Richard Cœur de lion (2018), qui n'est pas la production vue à Versailles, Guillaume Tell (2020) et, ce soir, pour une date unique, Le Magnifique.
Créé deux ans après Zémire et Azor, la même année que Céphale et Procris et que l'Exultate Jubilate de Mozart, Le Magnifique a vu le jour à la Comédie-Italienne le 4 mars 1773 avant d'être donné à Versailles le 26 mars de la même année.
C'est la célèbre Madame d'Epinay, l'amie intime de Rousseau (alors que Grétry a dû son ascension à Voltaire), qui éveilla l’intérêt du librettiste Sedaine (1719-1797) pour cette intrigue déjà traitée par Houdard de la Motte pour La Comédie française 42 ans auparavant et dérivant de l’École des Femmes via un conte licencieux de Jean de La Fontaine.
Ce livret présente deux topiques de la littérature de l'époque, la barbon voulant épouser sa pupille, orpheline dotée d'un bel héritage, et la scène de retrouvailles entre parents s'étant perdus de vue depuis fort longtemps.
Ici, c'est la jeune Clémentine, vivant sous la férule de son tuteur Aldobrandin (illustre famille ayant donné un pape à l’Église en la personne de Clément VIII) , qui va retrouver in extremis son père enfin libéré du joug des barbaresque grâce à la générosité du Magnifique, Octave, un patricien florentin richissime, propriétaire d'un cheval superbe qu'il est disposé à céder au tuteur au prix d'un entretien de 15 minutes avec la belle.
Madame Laruette, la créatrice du rôle de Clémentine, a inspiré ce poème à Frémicourt, des vers publiés dans Le Mercure de France:
Que ton jeu toujours vrai sait rendre intéressant
Le moment où tes doigts laissent tomber la rose !
Oui, tu triomphes en cédant.
En vain sur ton silence un tuteur se repose:
Que Laruette parle, ou qu'elle ait la bouche close,
Le sentiment par elle est sûr d'être vainqueur;
Elle le peint d'après le cœur.
C'était l'épouse de Jean-Louis Laruette (1731-1792), également chanteur et surtout compositeur, auteur d'une Cendrillon que l'ensemble officiant ce soir, Les Monts du Reuil, avait exhumée il y a 17 ans...ODB s'en était fait l'écho.
Véritable rareté, le Magnifique a néanmoins fait l'objet d'un enregistrement publié il y a dix ans par Naxos avec Emiliano Gonzalez Toro dans le rôle-titre. Ce n'est pas un ouvrage aussi inspiré que ceux déjà montés ici et l'intrigue se traine un peu en longueur; on aurait d'ailleurs pu pratiquer quelques coupures pour densifier l'action.
La mise en scène de Stephan Grögler est axée sur une véritable direction d'acteur, hélas un peu théâtre de boulevard par moments. Surtout, elle refuse de prendre véritablement parti pour une approche déjantée qui aurait sans doute été capable de sauver le tout allégrement.
On est une nouvelle fois charmé par les vidéos de Louison Costes et on a beaucoup aimé le chapeau Gants de vaisselle & &éponges empilées arboré par la servante Alix au premier acte.
On est toujours heureux de retrouver Jeanne Zaepfel, merveilleuse de musicalité, de fraicheur et de prestance. Signalons que cette jeune thésarde, qui travaille sur Peter Brook à l'opéra, vient de sortir un disque fort réussi qui comporte de larges extraits du Magnifique, de l’Eclipse totale de Dalayrac (donnée ici l'an dernier) et quelques fables de La Fontaine mises en musique par Clérambault. C'est chez Aparté avec Les Monts du Reuil qu'on applaudit ce soir, à leur meilleur, se mêlant comme de coutume à faire le chœur et la figuration.
Xavier Flabat impression par sa haute taille et sa grande allure mais a peu à chanter, ce qui est étonnant pour un rôle-titre. Le tuteur de Thomas Morris fait irrésistiblement penser à Michel Sénéchal, le génie en moins. Pierre-Michel Dudan joue à la Jean-Claude Dreyfus et chante d'une voix légère, très claire.
Gaëlle Méchaly brule les planches et nous délivre quelques vocalises fluides et aisées couronnées d'aigus lumineux.
Au total, on passe une soirée de fort bon aloi au service d'une œuvre rare qu'il aurait fallu pouvoir relever de quelques épices théâtrales pour en saisir tout le sel.
Jérôme Pesqué
