Un Conte d'Hiver-Dreisig/Louveau/Maréchaux-Ruiz-Rouen-06/12/2019

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pingpangpong
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Un Conte d'Hiver-Dreisig/Louveau/Maréchaux-Ruiz-Rouen-06/12/2019

Message par pingpangpong » 07 déc. 2019, 10:43

Un Conte d’hiver, spectacle lyrique d'Antoine Cuenca Ruiz pour une soprano et deux instrumentistes

Carl Nielsen Ariels Sang
Eric Wolfgang Korngold Desdemona’s song ; « Come away, death »
Joseph Haydn « She Never Told her love » ; « Ae Fond Kiss »
John Cage Ophelia, extraits
Johannes Brahms « Wie erkenn’ ich dein Treublieb? »
Richard Strauss « Wie erkenn’ ich mein Treulieb? »
Ernest Chausson Chanson d‘Ophélie
Eric Wolfgang Korngold « Dies eine kann mein Sehnen nimmer fassen » ; « Mond, so gehst du wieder auf »
Christian Jost Hamlet Echoes
Igor Stravinsky Elegie, pour alto solo
John Cage The Wonderful Widow of Eighteen Springs
Johannes Brahms Sommerabend
Eric Wolfgang Korngold « Sterbelied »
Richard Strauss « Morgen »


Soprano Elsa Dreisig
Piano Romain Louveau
Alto Hélène Maréchaux
Voix Hélène Delavault
Mise en scène Antonio Cuenca Ruiz
Direction musicale Romain Louveau
Scénographie et costumes Bastien Poncelet
Lumières Philippe Gladieux et Nolwenn Delcamp-Risses
Sonorisation Baptiste Chouquet
Production Miroirs Étendus
Coproduction Fondation Royaumont.
Soutiens: Opéra de Rouen Normandie, Théâtre impérial de Compiègne, La Brèche Festival / Aix-les-Bains, Fondation Royaumont


Placé sous le signe de Shakespeare, Un Conte d'hiver est un spectacle qui a pour ambition de bouleverser le rituel du récital en lui donnant une tonalité dramatique complémentaire de celle contenue dans les textes chantés, textes qui, extraits de leurs contextes, permettent de raconter une histoire originale.
Styles et époques de composition sont diversifiés dans le choix des mélodies, du post-romantisme de Korngold au refus de tout pathos de Cage ou Jost, du classicisme de Haydn au romantisme brahmsien. L'unité n'est pas non plus à chercher du côté de l'ordonnancement des pièces qui se présentent en ordre dispersé, mais bien plutôt évidemment à travers l'auteur des textes, le grand Will lui-même dont l'œuvre a si abondamment inspiré les compositeurs depuis 1616, année de sa disparition. La figure d'Ophélie constitue également le fil rouge de ce spectacle mis en scène et scénographié comme un opéra.

Visant à élargir le public d'opéra par des moyens simplifiés et modernes, et dirigée par Fiona Monbet et Romain Louveau, la compagnie Miroirs étendus, grâce au compositeur Othman Louati, retravaille les partitions pour les alléger et rendre les représentations aisées quelque soit la taille et la machinerie du théâtre les accueillant. C'était le cas de la Damnation de Faust présentée la saison dernière ( https://www.odb-opera.com/viewtopic.php ... en#p357262 ).
Point de retouches aux compositions du programme de ce soir, mais l'intervention d'une récitante, Hélène Delavault en voix off enregistrée, qui sera présente aux saluts, et de l'altiste Hélène Maréchaux qui, tel un fantôme, vient s'imiscer dans le travail d'un couple dont on ignore s'ils en forment un à la ville, lui pianiste, prénommé Romain, elle Elsa cantatrice, en train d'enregistrer un disque. Les mélodies interprétées mettent alors à jour des connexions entre fiction et réalité, présent et passé, vécu et fantasmé, mémoire et sentiments.
Les textes collent, avec souvent beaucoup d'à-propos, à la logique de cette histoire à trois où l'on découvre peu à peu que la mezzo éprouve de tendres sentiments pour le pianiste qui ne se remet pas du suicide de son ex-amante, altiste de profession.

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Sortis du contexte théâtral pour lequel ils ont été écrits, les textes des lettres échangées entre les protagonistes se révèlent par exemple porteurs de sens dans un contexte qui est pourtant tout autre. Musicalement, les interruptions des voix off, celle du technicien en régie, celle d'Hélène l'altiste, bien dosées, les silences, les différentes langues même, passent très bien, créant une fluidité entre les mélodies, chose qu'un récital traditionnel n'offre jamais, le passage d'un lied à l'autre requérant de chacun un changement d'état pas toujours évident. Elsa Dreisig nous a d'ailleurs confié la difficulté à passer d'une langue à l'autre, ce qui rend sa performance d'autant plus remarquable, sa présence constante en étant une autre.
Nuancé, charnel, son chant séduit par la luminosité du timbre, sa projection et sa diction idéales, à quoi s'ajoute un investissement scénique qui fait finalement de ce spectacle un opéra de chambre plutôt qu'un récital. La complicité avec ses partenaires est patente, Romain Louveau, au touché délicat et stylé, ayant également à jouer la comédie, ce qui n'a rien d'évident quand il s'agit ensuite de retourner de la manière la plus naturelle au piano ou de se servir de celui-ci comme d'un instrument à percussion pour le célèbre “Wonderful widow of eighteen spring“ de John Cage, dont le texte est basé sur le Finnegans Wake de James Joyce.
Hélène Maréchaux spectre moderne en imperméable transparent, tire de son alto de belles sonorités charnue venant s'interposer dans le duo formé par la mezzo et le pianiste. Le trio ainsi constitué, après l'incompréhension et le confort chamboulé, accède finalement à la complétude et à l'apaisement.

Ce spectacle est appelé à tourner, le 12/12 à Compiègne, Lille et Bruxelles en 2021.

Eric Gibert
Enfin elle avait fini ; nous poussâmes un gros soupir d'applaudissements !
Jules Renard

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