Récital Michael Spyres/Roger Vignoles - ONR - 07/12/2019

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Récital Michael Spyres/Roger Vignoles - ONR - 07/12/2019

Message par Piero1809 » 07 déc. 2019, 09:18

Récital
Michael Spyres, ténor
Roger Vignoles, piano

Franz Schubert (1797-1828)
Adelaide, D. 95
Epistel "An Herrn Josef Spaun, Assessor in Linz", D 749

Gioacchino Rossini (1792-1868)
La Lontananza

Vincenzo Bellini (1801-1835)
Quando inciso su quel marmo

Camille Saint-Saëns (1835-1921)
Aimons-nous

Franz Liszt (1811-1886)
Im Rhein, im schoenen Strome

Hugo Wolf (1860-1903)
Ganymed

Claude Debussy (1862-1918)
Le balcon
Paysage sentimental

Richard Strauss (1865-1949)
Lieder opus 37. VI Hochzeit Lied
Der Krämerspiegel, opus 66 n° 10, Die Künstler
Der Krämerspiegel, opus 66 n°3, Es liebte einst ein Hase

Reynaldo Hahn (1874-1947)
Fêtes galantes
Les Fontaines

Arnold Schönberg (1874-1951)
Brettl Lieder, n° 4, Jedem des Seine
Brettl Lieder n° 6, Galathea

Richard Strauss
Cäcilie, opus 27, n° 2.


Strasbourg-Opéra (ONR), le samedi 7 décembre 2019


Un bouquet de mélodies romantiques

Ce titre résume parfaitement le programme de la soirée et Michael Spyres a choisi l'éclectisme en couvrant près d'un siècle de musique romantique et en alternant les styles. Si le Lied allemand était principalement à l'honneur, la mélodie française n'était pas négligée tandis que quelques incursions dans le répertoire italien apportaient une touche de bel canto. La diversité des styles et le caractère aléatoire apparent de l'ordre d'apparition des mélodies donnaient beaucoup de charme et de couleurs à ce bouquet. Autre caractéristique et non des moindres de ce récital, le choix pour chaque compositeur de mélodies peu connues.

Composée en 1814, Adelaïde D 95 est une œuvre de transition. Un an auparavant, Franz Schubert écrivait encore des scènes dramatiques sur des textes italiens de Metastase mais Adelaïde, œuvre très concise, est un vrai Lied allemand. Le Lied est écrit pour baryton et Michael Spyres se montre tout à son aise dans le registre grave de sa tessiture. L'épître, An Herrn Josef Spaun, Assessor in Linz, est un texte étonnant où le poète Mattaüs von Collin fait étalage d'une verve assez corrosive. Sur ce texte, Schubert a écrit en 1822 une petite scène dramatique, D 749, dans un style d'opéra seria tout à fait surprenant à l'époque de la 8ème symphonie en si mineur, de la fantaisie Der Wanderer ou surtout du Lied halluciné Der Zwerg D 771 sur un poème du même poète.

La Lontananza de Goacchino Rossini (1857) est une œuvre tardive du compositeur. Ce dernier avait depuis près de trente ans cessé d'écrire pour l'opéra. La langue harmonique du natif de Pesaro a beaucoup évolué entre temps comme le montrent les étonnants chromatismes de la partie de piano. La partie vocale privilégie le registre aigu de la tessiture du chanteur que ce dernier utilise avec aisance, légèreté et une intonation exceptionnelle.
Après Rossini, l'agréable scène dramatique de Vincenzo Bellini, Quando inciso sul quel marmo, évoque les derniers soubresauts de l'opéra seria. Cette musique sollicitait le registre grave de la tessiture du chanteur, registre dans lequel Michael Spyres a la capacité de donner une grande puissance sonore et expressive.

Le contraste est total entre ce qui précède et Im Rhein, im schönen Strome de Franz Liszt (1856) sur un poème de Heintich Heine, une admirable mélodie d'une densité et une intensité à couper le souffle. Pas de fioritures dans cette œuvre qui va droit au coeur et dans laquelle Michael Spyres projette des aigus tantôt rayonnants, tantôt d'une délicatesse absolue tandis que Roger Vignoles faisait chanter son piano avec sensibilité.

Quand paraissait en 1892 la mélodie, Aimons-nous, de Camille Saint-Saëns sur un poème de Théodore de Banville, les œuvres les plus célèbres du compositeur avaient déjà été publiées. Dans cette mélodie très concise, écrite dans la tonalité sereine de ré bémol majeur, les plus belles qualités du compositeur sont mises à jour, romantisme maitrisé, perfection de l'écriture musicale, discrétion des sentiments et même une touche impressionniste. La partie de piano, en accords très simples se complexifie progressivement au gré des strophes et devient très nourrie dans la dernière variation, magistralement mise en valeur par Roger Brignoles. Dans cette œuvre rare, Michael Spyres fait valoir sa belle diction et de beaux aigus.

La première partie du concert s'achevait avec Ganymed de Hugo Wolf (1889) sur un poème de Goethe qui inspira aussi et de quelle manière Franz Schubert. Hugo Wolf a trouvé aussi des accents indicibles pour traduire en musique le texte extatique du poète. Les aigus sont une fois de plus sollicités en douceur mais dans la dernière strophe Michael Spyres donne un bel échantillon d'aigus attaqués en voix de poitrine avec une puissance impressionnante. La partie de piano le plus souvent dans l'extrême aigu participe sous les doigts agiles de Roger Vignoles à cette montée vers les hauteurs les plus éthérées.

Avec Le Balcon de Claude Debussy (1887-1889) sur un poème de Charles Baudelaire, Michael Spyres frappait fort après l'entracte. Cette mélodie très développée doit figurer parmi les chefs-d'oeuvre d'un jeune compositeur attelé à l'écriture de sa cantate La Damoiselle élue. L'écriture, très chromatiques est puissante et intense et la partie du piano offre une belle densité. L'ambitus couvert par la voix est considérable et l'artiste faisait briller ses graves sonores et de beau aigus d'abord suaves puis impressionnants de puissance, le tout avec une intonation parfaite et une diction exceptionnelle. Très différente, la mélodie Paysage sentimental sur un texte oxymorique de Paul Bourget (...le profond sentiment qui nous rendait heureux mélancoliquement...) était centrée sur la beauté mélodique avec un caractère nettement pastoral. Ici c'est le legato et la ligne de chant du ténor américain qui triomphaient. La partie de piano dans l'extrême aigu de Roger Vignoles contribuait avec grâce à la magie sonore.

Place à Richard Strauss maintenant avec d'abord trois textes au caractère plus ou moins humoristique, discret dans Hochzeitlich Lied (1898) mais bien appuyé, presque grinçant dans Die Künstler et dans Es liebte einst ein Hase (tous deux composés en 1918). Dans le premier le compositeur aborde le poème, La Nuit de Noces, avec gravité et compose une musique d'une audace harmonique étonnante qui semble appartenir à une date bien postérieure à celle de sa composition (1898). Dans les deux Lieder suivants qui appartiennent au très rare cycle Der Krämerspiegel (1), le compositeur règle ses comptes avec les éditeurs de musique en se citant lui-même, évoquant Une Vie de Héros et Le Chevalier à la Rose. Les envolées lyriques grandiloquentes du dernier Lied sont amusantes et Michael Spyres et Roger Brignoles leur rendent justice avec humour. Le quatrième Lied Cäcilie (1894), très différent des trois précédents, est une effusion lyrique passionnée, donnant l'occasion au ténor américain de montrer la qualité et la puissance de ses suraigus.

Dans le première mélodie de Reynaldo Hahn, Fêtes galantes, sur un poème de Paul Verlaine, le musicien qu'on attendait dans sa veine néoclassique, adopte ici un ton nettement parodique. Au piano opérant dans son registre suraigu, le chanteur répond dans son medium de façon maniérée (nuance inscrite sur la partition) et agrémente les phrases monotones de surprenantes roulades exécutées avec la plus grande précision et beaucoup d'humour. La seconde mélodie, Les Fontaines, est plus grave et plus dense.

Les deux Lieder d'Arnold Schönberg appartiennent à la période romantique du compositeur, déjà riche en chefs-d'oeuvres comme Die Verklärte Nacht, les Gurre-Lieder, première mouture, en attendant Erwartung. Dans Jedem des Seine, n° 4 des Brettl-Lieder, on est très loin des tourments psychologiques qui agitent les personnages des œuvres citées ci-dessus, mais on se rapproche de certains Lieder militaires de Gustav Malher. Les Brettl-Lieder sont qualifiés par Schönberg de musique de cabaret et les uniformes militaires étincelants de Gaspard n'impressionnent que son amoureuse. Michael Spyres aborde ce Lied avec vaillance à la Heldentenor qu'il est indubitablement. Galathea, n° 7 du cycle est très différent, chaque strophe débute par une admirable phrase lyrique ascendante que le ténor soutient avec un souffle inépuisable. La fin au piano est très poétique

A l'issue du concert, les artistes donnèrent deux bis, un duo humoristique franco-anglais et surtout une mélodie de Liszt, Enfant si j'étais roi, de caractère héroïque où Michael Spyres put libérer sa puissance vocale dans d'admirables aigus et des basses sonores. La conclusion triple pianissimo du chanteur et du pianiste était pleine d'intériorité et de mystère.

Tout au long du récital, Roger Brignoles soutenait le chanteur avec son jeu d'une intelligence rare, notamment dans les Fêtes galantes et dans Aimons-nous où le piano pouvait faire entendre une voix indépendante tout en complétant admirablement celle du chanteur.

Quelque soit la beauté des enregistrements, écouter Michael Spyres en live est une expérience unique qu'ont vécue les auditeurs de la Damnation de Faust et de Fervaal. Lors du présent récital, la splendeur d'un timbre unique, du phrasé, du legato, la richesse des couleurs permettaient au ténor américain de vibrer au diapason des effusions romantiques des textes. On sentait qu'il pouvait tout faire avec sa voix, exprimer tous les sentiments, expérimenter les situations les plus extrêmes avec ses graves profonds, ses aigus éclatants. Un récital inoubliable!

(1) Roger Vignoles a cité le cycle Der Krämerspiegel dans son livre consacré aux Lieder de Richard Strauss (Hyperion).

Pierre Benveniste

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Re: Récital Michael Spyres/Roger Vignoles - ONR - 07/12/2019

Message par Piero1809 » 10 déc. 2019, 07:35

Mon compte rendu vient d'être ajouté au programme.

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Re: Récital Michael Spyres/Roger Vignoles - ONR - 07/12/2019

Message par HELENE ADAM » 12 déc. 2019, 12:18

Oui merci beaucoup, j'ai failli le louper ! Décidément Spyres ne recule devant aucune audace et son programme sort de l'ordinaire, comme lui-même d'ailleurs. J'ai prévu d'aller le voir à l'Eléphant Paname le 9 juin. Le programme n'est pas encore connu et le pianiste (Mathieu Pordoy) n'est pas le même....
Par contre entre des rôles divers et variés (dont Canio...) il re-donne le même genre de récital à la Monnaie de Bruxelles fin avril.
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

Mon blog :
https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr

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Re: Récital Michael Spyres/Roger Vignoles - ONR - 07/12/2019

Message par JdeB » 12 déc. 2019, 12:23

A l'Elephant, ce sera peut-être le même programme qu'à bordeaux (le tout premier récital de sa carrière) ?
https://odb-opera.com/viewtopic.php?f=6 ... lit=Pordoy
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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Re: Récital Michael Spyres/Roger Vignoles - ONR - 07/12/2019

Message par jeantoulouse » 14 déc. 2019, 18:33

C'est en effet le même programme ( dans l'ordre Haydn, Beethoven, Schubert, Berlioz, Bellini, Rossini, Liszt, Verdi) qui est annoncé pour son récital du Capitole de Toulouse le samedi 13 juin 2020, avec au piano Mathieu Pordoy.

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Re: Récital Michael Spyres/Roger Vignoles - ONR - 07/12/2019

Message par Piero1809 » 15 déc. 2019, 08:23

JdeB a écrit :
12 déc. 2019, 12:23
A l'Elephant, ce sera peut-être le même programme qu'à bordeaux (le tout premier récital de sa carrière) ?
https://odb-opera.com/viewtopic.php?f=6 ... lit=Pordoy
Ce programme est très différent de celui donné à Strasbourg. Merci de le rappeler car j'aurais du le citer mais il m'avait échappé (Ah! Ce bouton Recherche qu'on clique trop rarement).

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