Poulenc – Dialogue des Carmélites – Verdier/Py – Capitole Toulouse – 11/19

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jeantoulouse
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Poulenc – Dialogue des Carmélites – Verdier/Py – Capitole Toulouse – 11/19

Message par jeantoulouse » 20 nov. 2019, 15:35

 PoulencDialogue des Carmélites – Verdier/Py – Capitole Toulouse – 11/19

Jean-François Verdier Direction musicale
Olivier Py Mise en scène
Pierre-André Weitz Décors et costumes
Bertrand Killy Lumières

Anaïs Constans
Blanche de la Force
Anaïk Morel  Mère Marie de l'Incarnation
Janina Baechle Madame de Croissy, première Prieure
Catherine Hunold Madame Lidoine, nouvelle Prieure
Jodie Devos Constance de Saint-Denis
Jean-François Lapointe Le Marquis de la Force
Thomas Bettinger Le Chevalier de la Force
Vincent Ordonneau L'Aumônier
Jérôme Boutillier Le Geôlier / Thierry / Monsieur Javelinot (Le Médecin)
 
Orchestre national du Capitole
Chœur du Capitole
 
COPRODUCTION THÉÂTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES / LA MONNAIE
 
Voici enfin au Capitole la production bien connue (TCE / La Monnaie) signée Olivier Py et qui avait obtenu le Grands Prix Musique du Syndicat de la Critique 2013/2014. Les lecteurs auront grand plaisir à reparcourir les fils qu'ODB a longuement nourris , et singulièrement ceux de 2013 lors de la création du spectacle, puis pour sa reprise en 2018 :
http://www.odb-opera.com/viewtopic.php? ... PY#p341145
viewtopic.php?f=6&t=13376

Ils y retrouveront l'écho des enthousiasmes ("mise en scène sublime" pour les uns) et les réserves que les partis pris de Py avait suscités, concernant notamment la représentation désormais célèbre de la mort christique de la Première Prieure, le traitement du vote des deux jeunes carmélites (Blanche et Constance), et plus accessoirement les inscriptions à la craie sur les murs .
Quand ODB a voulu fêter ses 15 ans d'existence en proposant à ses lecteurs de dresser la liste des meilleurs spectacles vus , nombre de participants ont cité Dialogue des Carmélites dans cette mise en scène  : je renvoie chacun au moteur de recherche du forum (taper Dialogue Carmélites Py) pour rappeler ces choix.

Le Capitole a réuni de grands chanteurs à l'expérience et à la force dramatique incontestées - Catherine Hunold, grande Ariane (à Naxos) la saison dernière, Janina Baechle qui a été ici même la fiévreuse nourrice de l'Ariane et Barbe Bleue dans la toute récente mise en scène de Poda, Jean-François Lapointe, Marquis de la Force au Met en mai 2019 et prochain directeur général et artistique de l’Opéra de Québec - , et la jeune garde déjà très vaillante du chant français : Anaïs Constans, Anaïk Morel, Jodie Devos, Thomas Bettinger. Cette distribution promet des moments intenses, placée sous la direction de Jean-François Verdier dont chacun avait loué le sens des nuances et la direction subtile dans le Werther qui clôturait la saison dernière.

L'opéra de Bernanos est bien connu des toulousains qui ont pu l'entendre à de nombreuses reprises :
- en version concert à Toulouse : en 2001, Michel Plasson y dirigeait Anne-Sophie Schmidt, Felicity Palmer, Françoise Pollet, Nadine Denize, Jean-Philippe Courtis, Marc Barrard ;
- en version scénique, en novembre 1995 à la Halle aux Grains sous la baguette de Michel. Plasson dans une réalisation signée Nicolas Joël avec Nadine Denize, Françoise Pollet, Martine Dupuy ( source http://www.odb-opera.com/viewtopic.php) et Alain Vernhes.
Reprise de cette même production fin 2009 avec Sophie Marin-Degor , Sylvie Brunet, Isabelle Kabatu, Anne – Catherine Gillet, Nicolas Cavallier et Gilles Ragon (dir. Patrick Davin).

Critique à paraitre lundi 25/11.

jeantoulouse
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Re: Poulenc – Dialogue des Carmélites – Verdier/Py – Capitole Toulouse – 11/19

Message par jeantoulouse » 25 nov. 2019, 20:23

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Crédit Patrice Nin

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Re: Poulenc – Dialogue des Carmélites – Verdier/Py – Capitole Toulouse – 11/19

Message par jeantoulouse » 25 nov. 2019, 20:31

Comment rendre compte d'un spectacle d'une telle force ? Les habitués du forum ont déjà beaucoup écrit sur cette production. Ma critique commencera donc d'abord par un montage de citations de leurs contributions passées. Je remercie ceux auxquels j'emprunte (en les citant) l'essentiel de ce que j'ai éprouvé lors de cette splendide représentation dominicale au Capitole. Je ne saurai mieux dire qu'eux.

« Il est toujours enthousiasmant de découvrir une production dont on a beaucoup parlé, d'aborder un inconnu connu en quelque sorte. Je ne reviendrais pas en détail sur la production de Py. Quelques impressions néanmoins. Indéniablement le spectacle est splendide visuellement, certains tableaux à l'architecture lumineuse complexe sont même franchement sublimes (et les références picturales nombreuses). Superbe travail donc de Pierre-André Weitz et Bertrand Killy ». srourours
« L’approche d’Olivier Py est d’une grande finesse, dense, riche. D’apparence littérale et traditionnelle, en réalité elle regorge d’idées intéressantes, depuis les interludes orchestraux illustrés par un parallèle entre le chemin intérieur de Blanche et divers épisodes du Nouveau Testament (de l’Annonciation à la Cène) jusqu’à ce magnifique final, où les coups de guillotine sont représentés par chaque religieuse partant vers un ciel étoilé, dans un élan vaporeux comme des anges ». Paco
« La mise en scène franche, concentrée et sans fioriture d’Olivier Py.
Très efficace et fluide avec les décors mobiles et fonctionnels.
Aucune vision provocatrice sur le mystère, la fragilité humaine, la laïcité, etc.
Il laisse parler la musique et le texte.
Particulièrement saisissantes sont la scène de l’agonie de Madame de Croissy vue en plongée, celle des nonnes en costume civil représentée comme Cène ( Acte3 scène1 ), et la dernière scène qui ne montre pas de guillotine ». Verdiprati
« Très belle production de Py (...), fine et fluide, spectaculaire à certains moments mais sans aller contre la musique. Après, on peut chipoter sur des détails, mais j'ai trouvé ça de très haut niveau » PlacidoCarrerotti

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Crédit Patrice Nin

L'autre intérêt de cette reprise réside évidemment dans la distribution entièrement renouvelée, impeccable, avec de multiples prises de rôles. En premier lieu, la Blanche d'Anaïs Constans émeut, trouble et séduit de bout en bout. La voix chaude, pleine, saine, solide pourrait ne pas traduire la fragilité de l'héroïne. Mais la chanteuse sait la parer d'une forme de hardiesse bravache, de colère parfois, de dureté même qui disent son désarroi profond. Jodie Devos, source d'eau limpide, incarne une Sœur Constance comme on en rêve tous, fraîche, spontanée, lumineuse, irradiant la bonté et la foi, spontanée, rieuse, vivante, avec un timbre de miel. Anaïk Morel est une sœur Marie droite et nette, sanglée dans son attitude et son habit, mais dotée dans le discours d'une compassion vraie. Les deux Prieures sont magnifiques, l'une d'intensité, l'autre de droiture sereine. La mort de Madame de Croissy incarnée par Janina Baechle foudroie par son réalisme : quelle intensité dans cette interprétation non seulement vocale, mais charnelle, comme si la souffrance et l'angoisse envahissaient la scène.

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Crédit Patrice Nin

L'entrée de Madame Lidoine que chante Catherine Hunold est un modèle de simplicité et de force tranquille, mais dont la voix puissante se fait élan de foi, douceur de charité, lueur d'espérance. Jean-François Lapointe impose son autorité désabusée mais aristocratique en Marquis de la Force. Chevalier de la Force , Thomas Bettinger confirme toutes les promesses que l'on place en ce jeune ténor valeureux et touchant, au chant élégant. Bel aumônier sensible de Vincent Ordonneau. Tous les comprimari sont efficaces et les Chœurs comme toujours, impressionnants de cohérence et d'engagement. L'Orchestre national du Capitole joue dans sa langue musicale française. Poulenc est dans ses gènes surtout quand sa musique est impulsée par Jean-François Verdier qui lui confère toute sa tension dramatique et son énergie, sa dynamique. La mort des Carmélites, outre la mise en scène déchirante dans sa simplicité même, est jouée avec un sens du tragique et du sublime qui force le respect et bouleverse.

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Crédit Patrice Nin

Pour ceux qui douteraient encore de la difficulté pour les chanteuses lyriques à rendre intelligible le texte chanté dans les notes les plus aiguës, la mésaventure technique qui s'est produite au Capitole dimanche après midi servirait de preuve. En cours de première partie, le surtitrage a commencé à accuser des ratés, puis a dû s'interrompre. Les explications (panne informatique de logiciel et du service de secours) et les excuses de Christophe Ghristi en début de seconde partie ont calmé les critiques (bien peu charitables) et ont permis aux actes II et III un bon déroulement, nonobstant l'absence des surtitres. Souvent le spectateur, même bien informé, avait du mal à saisir la totalité du texte. Mais la qualité de la mise en scène, l'engagement de chacune, l'intensité de leur jeu ont pu se déployer avec plus de force devant un public moins prisonnier du sens, plus concentré et dès lors plus habité par la musique et le chant. Le triomphe qui a accueilli la représentation procédait aussi de cette nouvelle expérience, un peu frustrante pour certains, profondément authentique pour beaucoup. Merci à tous.

Jean Jordy

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