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par VivaLaMamma » 12 nov. 2019, 11:24
Je reviens un peu tard sur cet Ernani.
La découverte de ce prodigieux baryton était une magnifique surprise. Il est exceptionnel ! Le timbre sombre, coloré, l'extension aigüe, les nuances, la sensibilité... C'est vraiment du chant verdien de la plus belle eau et il m'a rappelé, plus que Bruson que je trouve plus clair, des voix noires telles que celle de Bastianini ou de l'excellent Sereni. Son magnifique air du 3e acte valait à lui seul le déplacement. J'ai cependant trouvé dommage que Rustioni coupe court à l'ovation qui suivait, en reprenant la musique.
Les autres chanteurs pâtissent quelque peu de ce voisinage...
Roberto Tagliavini, vu plusieurs fois à l'OnP (Contes, Carmen, Bohème...) et que j'ai toujours trouvé bien chantant mais ennuyeux était très en forme et plus impliqué qu'à l'accoutumée, avec des éclats convaincants au dernier acte. On peut cependant regretter un grave un rien léger.
Francesco Meli dispose d'une puissance appréciable mais je trouve le timbre assez ingrat (alors que je le trouvais super en Don Ottavio ou dans Rossini il y une dizaine d'années) et son large vibrato est parfois gênant. Même s'il ne s'économise pas, on sent que le rôle est trop large pour lui et il a de plus du mal à camper un personnage crédible, étant très emprunté et peu charismatique.
La pauvre Carmen Giannattasio hurle à qui mieux mieux et ne dispose ni de l'extension requise (graves inexistants, médium peu audible, seul l'aigu surnage mais fait mal aux oreilles) ni de la virtuosité (vocalises allègrement savonnées dans son air d'entrée). Etrange qu'une chanteuse qui balançait contres-ré et mi bémol il y a quelques années dans Maria Stuarda (face à A. Kurzak) soit aujourd'hui en difficulté dès le si.
Huées inutiles et blessantes aux saluts, l'accueil froid du public (surtout après le triomphe de Amartuvshin Enkhbat) suffisait parfaitement à lui faire comprendre qu'elle s'était fourvoyée.
Seconds rôles ok et chœurs excellents.
Daniele Rustioni insuffle une énergie contagieuse mais se laisse parfois aller à une puissance excessive et des effets pompiers, n'arrivant pas à retrouver le fragile équilibre d'un Muti qui reste pour moi au sommet pour ces ouvrages de jeunesse verdienne.
Car cet opéra, malgré quelques passages prosaïques, regorge de merveilleux moments musicaux annonciateurs des grands chefs d'œuvre de la maturité.