Verdi - Ernani - Rustioni / vc - Lyon/TCE/Vichy - 11/2019

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Verdi - Ernani - Rustioni / vc - Lyon/TCE/Vichy - 11/2019

Message par dge » 04 nov. 2019, 11:08

Giuseppe Verdi – Ernani
(version concert)

Opéra en quatre actes sur un livret de F.M.Piave d’après Victor Hugo
Crée le 9 mars 1844 à Venise, Teatro La Fenice.

Lyon – Auditorium Maurice Ravel- 6 novembre 2019


Direction musicale : Daniele Rustioni

Ernani : Francesco Meli
Don Carlo : Amartuvshin Enkhbat
Don Ruy Gomez de Silva : Roberto Tagliavini
Elvira : Carmen Giannattasio
Giovanna : Margot Genet
Don Riccardo : Kaëlig Boché
Jago : Matthew Buswell

Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Lyon
Chef de chœur : Johannes Knecht


Après Attila et Nabucco c’est Ernani qui est proposé cette année aux lyricomanes lyonnais et parisiens dans cette exploration en version de concert des opéras de jeunesse de Verdi.

Après les succès de Nabucco et des Lombardi alla prima crocciata, Verdi se voit offrir par Mocenigo, le directeur de La Fenice de Venise, la possibilité d’y créer un nouvel ouvrage lors de la saison de Carnaval-Carême de 1843-1844. Il faut trouver un librettiste, ce sera par défaut le jeune et peu expérimenté Francesco Maria Piave. Le Roi Lear , Cola di Rienzi, Cromwell sont quelques-uns des sujets évoqués mais non retenus. Finalement le choix se portera sur Hernani de Victor Hugo. Verdi va ainsi entamer avec Piave une collaboration de près de vingt ans qui verra la création commune de dix opéras.
C’est avec Ernani que Verdi commence à affirmer ses convictions dramaturgiques en intervenant plus intensément dans la genèse de ses œuvres. Il obtient que le rôle titre ne soit pas confié à une contralto, que l’œuvre ne s’achève pas par l’habituel rondo finale de la soprano et commence à « tyranniser » le pauvre Piave par des demandes nombreuses d’aménagements ou de modifications de son texte. Malgré des chanteurs défaillants et une partie des décors non livrés, l’accueil du public est très favorable sans être triomphal. « Si j’avais disposé de chanteurs qui sachent chanter, Ernani s’en serait aussi bien sorti que Nabucco ou I Lombardi à Milan » écrivait Verdi à une amie.
Très rapidement l’œuvre est représentée sur un grand nombre de scènes de par le monde. L’œuvre sera crée à Paris au Théätre des Italiens en 1846 sous le titre Il proscrito, Victor Hugo ayant interdit l’utilisation du titre. Malgré ses qualités, Ernani est peu représenté en France. Au cours des années récentes, Monte Carlo (avril 2014) Toulouse (mars 2017) et Marseille (juin 2018) ont redonné vie à ce bel opéra de jeunesse de Verdi.

Du fait d’une intrigue qui implique beaucoup d’actions et de mouvements scéniques, Ernani se prête finalement assez mal à une version de concert. On se consolera d’entendre une partition qui m’a semblé complète, avec toutes les reprises.

Francesco Meli est Ernani. On peut ne pas être séduit par un timbre qui manque de soleil, mais le style, le phrasé, le souci de nuancer et une grande probité musicale lui permettent une belle composition à laquelle il manque cependant une dose d’aura. On aimerait aussi une plus grande prise de risque dans les variations.
Carmen Giannattasio ne convainc pas tout à fait en Elvira. Le medium est de qualité et permet d’apprécier un joli timbre mais la voix manque de projection dans le grave. Le registre aigu n’est pas assez maîtrisé dans les passages belcantistes. Les suraigus, en particulier dans les sauts de registre, sont émis avec difficulté et les vocalises et ornementations manquent de précision et de souplesse. On devine que le théâtre lui manque et sans doute une version scénique lui permettrait de compenser en partie ce que sa voix ne peut plus donner.

On avait découvert ici-même il y a un an Amartuvshin Enkhbat remplaçant au pied levé Leo Nucci dans le rôle titre de Nabucco et l’attente était grande de l’entendre dans un rôle au profil dramaturgique différent. C’est une confirmation éclatante que le baryton mongol a apportée. On ne sait que louer le plus, la projection de la voix, le legato, la technique ( Vieni meco, sol di rose…chanté sur le souffle mezza voce) l’aigu insolent, la musicalité. Impressionnant !

On attend pour le rôle de Silva, personnage d’âge mur, une voix plus sombre que celle de Roberto Tagliavini. Mais la basse italienne livre une prestation aboutie. Le phrasé, la musicalité, la technique (ornements dans sa reprise de la cabalette de l’acte I) lui permettent de dessiner un personnage tout à fait crédible sans aucune faute de goût.

Margot Genet (Giovanna), Kaëlig Boché (Don Riccardo) et Matthew Buswell (Jago) tous trois membres du studio de l’Opéra de Lyon sont parfaits dans leurs courtes interventions.
Les Chœurs de l’Opéra de Lyon très bien préparés par Johannes Knecht sont une fois de plus remarquables de cohésion et de puissance.

Daniele Rustioni dirige avec son efficacité habituelle. A le voir diriger on s’aperçoit très vite que tout est sous contrôle. Son travail avec l’orchestre atteint une maturité et une complicité qui lui permettent d’obtenir ce qu’il attend et l’orchestre ne cesse de progresser sous son autorité. On lui reprochera cependant un déséquilibre entre les voix et l’orchestre perceptible dans les deux premiers actes où l’écriture orchestrale est parfois tonitruante. Dans cette grande salle de l’Auditorium bien peu favorable aux voix il aurait été sage de jouer un peu moins fort. Les deux actes suivants sont plus finement orchestrés et Daniele Rustioni nous propose un troisième acte exceptionnel où la couleur sombre de l’orchestration est superbement mise en valeur (magnifiques violoncelles). Le caractère intimiste du prélude est superbement rendu et le concertato qui conclut cet acte est d’une qualité, d’une intensité et d’une musicalité qui provoquent en nous une immense émotion. Le futur grand Verdi est déjà là.

Une grande partie du public d’un Auditorium archi-complet a dû découvrir cette œuvre qui n’avait pas été donnée à Lyon semble t-il depuis plus d’un siècle et demi. Au-delà des quelques réserves que l’on a pu faire, il n’a pas boudé son plaisir et a réservé aux artistes, musiciens et choristes une belle ovation.

Ce concert sera redonné au TCE le 8 novembre et à l’Opéra de Vichy le 10 novembre.


Gérard Ferrand

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Re: Verdi - Ernani (vc) - Rustioni - Lyon / TCE - 11/2019

Message par srourours » 04 nov. 2019, 13:15

Et Opéra de Vichy le 10 ;)

TheJayBee
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Re: Verdi - Ernani - Rustioni - vc - Lyon/TCE/Vichy - 11/2019

Message par TheJayBee » 06 nov. 2019, 23:25

Mme. Giannattasio et M. Meli trouvaient des choses assez hilarantes à se dire l'un et l'autre pendant une bonne partie du 3ème acte...

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Re: Verdi - Ernani - Rustioni - vc - Lyon/TCE/Vichy - 11/2019

Message par srourours » 06 nov. 2019, 23:44

On s'en moque un peu tant Amartuvshin Enkhbat nous a emmené loin sur les cimes du chant verdien...cantabile infini et morbidezza de la plus belle eau

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Re: Verdi - Ernani - Rustioni - vc - Lyon/TCE/Vichy - 11/2019

Message par TheJayBee » 06 nov. 2019, 23:50

srourours a écrit :
06 nov. 2019, 23:44
On s'en moque un peu tant Amartuvshin Enkhbat nous a emmené loin sur les cimes du chant verdien...cantabile infini et morbidezza de la plus belle eau
Ditto, il fut incroyable... :Jumpy:

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Re: Verdi - Ernani - Rustioni - vc - Lyon/TCE/Vichy - 11/2019

Message par dge » 06 nov. 2019, 23:51

TheJayBee a écrit :
06 nov. 2019, 23:25
Mme. Giannattasio et M. Meli trouvaient des choses assez hilarantes à se dire l'un et l'autre pendant une bonne partie du 3ème acte...
Ils n'ont pas arrêté d'échanger pendant tout le concert...
Ceci dit comme le dit srourous Enkhbat formidable. Très beau concert dans un Auditorium plein. Public enthousiaste.
CR à venir.

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Re: Verdi - Ernani - Rustioni - vc - Lyon/TCE/Vichy - 11/2019

Message par srourours » 06 nov. 2019, 23:57

(Bon je ne devrais pas intervenir parce que je parle de derrière)

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Re: Verdi - Ernani - Rustioni - vc - Lyon/TCE/Vichy - 11/2019

Message par perrine » 07 nov. 2019, 10:04

Grosse déception pour les 2 rôles principaux. Emballée par Tagliavini et Enkhbat
Le problème quand on trouve une solution, c\'est qu\'on perd une question.

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Re: Verdi - Ernani - Rustioni - vc - Lyon/TCE/Vichy - 11/2019

Message par Loïs » 07 nov. 2019, 11:08

Bon fallait pas s'attendre à un miracle après Marseille pour Meli

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Re: Verdi - Ernani - Rustioni - vc - Lyon/TCE/Vichy - 11/2019

Message par mariuszbartok » 07 nov. 2019, 11:27

J'y étais hier soir.

Meli pas mal. Je ne suis pas fan du timbre, un peu nasal, mais il fait bien le job, avec souplesse, longueur de souffle, aigus. Quelques variations discrètes dans la reprise de sa cabalette. C'est stylé. Il a pas mal toussé.

Prestation un peu gênante de Giannattasio: pas de graves, beaucoup de savonnages, aigus droit et toujours en force. Pour les vocalises, elle baisse le volume et le chant devient très confidentiel (j'étais au 4e rang d'orchestre, et la différence était flagrante entre les moments où elle balançait et les moment où elle trichait un peu). Niveau belcanto, on n'y est pas du tout donc. Je n'ai pas aimé sa prestation. Je me demande comment elle va pouvoir (bien) chanter Amalia en mars à Munich.
Par contre, mention spéciale pour ses lunettes à la Jean-Pierre Coffe, qui m'ont bien amusé.

En effet, les deux paraissaient très distants, blaguaient longuement entre eux pendant que les autres chantaient.

Enkhbat excellent. Longueur fabuleuse de la voix, du souffle, cantabile et legato admirables. Surtout: une grande puissance, par laquelle il surnage sans effort dans les ensembles. Tout ça respire le naturel et l'autorité. Le la bémol aigu à la fin de l'air du III fait bien plaisir.
Des barytons actuellement en activité, c'est le seul qui me rappelle à ce point les enregistrements des grands anciens, les MacNeil, Warren et compagnie...
Je ne sais pas quel Verdi ils donneront l'an prochain, mais j'espère qu'il sera dedans.

Je ne comprends pas vraiment l'engouement autour de Roberto Tagliavini, dont j'ai l'impression qu'il est encensé à peu près partout. Il a bien chanté, avec style. J'ai trouvé que c'est lui qui interprétait le mieux son personnage. Mais ce n'est pas une basse, quoi. La fin de son cantabile, au I, était assez embarrassante: les la bémols graves et le sol de la cadence sonnaient comme ceux d'un baryton qui essaient péniblement de descendre, très confidentiels et susurrés. Quand il chante à l'unisson avec Enkhbat dans le concertato, le baryton a plus d'autorité, de présence et de "profondeur" vocales que lui. J'ai trouvé sa prestation très probe, sauf qu'il lui manque une voix grave avec un timbre de basse quoi... Et du coup, tout m'a paru vraiment déséquilibré. Le trio final est le moment que j'ai le mieux aimé avec lui, mais les ré aigus ("è VAAAAAAAAAAno, o donna, il piangere è vano...") ne pétaient pas comme devraient péter ceux d'une vraie basse, du coup l'impact est bof bof.
Quelques minuscules variations dans la reprise de sa cabalette, c'est pas grand chose mais c'est si rare que j'ai apprécié.

Bonne direction de Rustioni. J'avoue que j'aime bien sa gestuelle passionnée à la Louis de Funès (ils doivent avoir à peu près la même taille en plus), sa façon de rugir bruyamment avant d'attaquer une cabalette martiale, de sauter et de faire des squats sur son podium... C'est too much, mais c'est drôle, et surtout ça ne se fait pas au détriment de la qualité de la direction, je trouve, attentive aux chanteurs. Et puis, la partition est donnée complète (avec la cabalette de Silva, et le final normal de la deuxième partie, ie sans l'air optionnel d'Ivanov): toutes les cabalettes sont reprises.

Belle prestation des chœurs aussi.

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