Je suis d'accord avec toi : je ne pense pas non plus qu'une voix baroque doive être une petite voix. Oui, comme tu le dis, on peut chanter du Bach, du Rameau et du Monteverdi, avec une grande voix bien ample et avec du vibrato. J?aurais même tendance à dire que c?est mieux.philou a écrit : Contrairement à toi, je ne pense pas qu'une voix baroque doive être, ou soit, une petite voix !
C'est une conception qui a longtemps prévalu au début de la révolution baroque, mais qui a maintenant pratiquement disparue. On peut chanter du Bach, du Rameau et du Monteverdi, avec une grande voix bien ample et avec du vibrato. C'est juste stylistiquement qu'il faut adapter la ligne vocale, et pas du tout dans la puissance à mon sens. D'ailleurs beaucoup de très grandes voix ont chanté ou chantent encore du baroque, de Jessye Normann en son temps, à Antonacci aujourd'hui, en passant par Groves, Lloyd....
En revanche je ne crois pas du tout que le "baroque aux petites voix" soit une conception qui a maintenant pratiquement disparu. Tu cites Norman, certes, mais est-ce une voix d?aujourd?hui pour le baroque ? Groves et Antonacci je veux bien.
Mon expérience en matière d?opéra baroque est assez mince. J?ai dû voir (et parfois entendre) une petite dizaine de représentations de ce répertoire ces 7 dernières années, représentations que par ailleurs je n?ai pas particulièrement goûtées. Ceci expliquant sans doute cela, je n?y ai à peu près jamais entendu de chanteur qui avait les moyens d?assumer un répertoire plus tardif et un accompagnement plus consistant. Il y a eu ça et là quelques exceptions, dont Stefanie Blynthe, mais la tendance générale était celle-là.
Mais peut-être me trompé-je et mon impression est-elle très personnelle et totalement fausse.
Je suis d?accord au sujet du classicisme de Cherubini mais je crois justement que son apport dans cette oeuvre, et ce pourquoi elle est restée très en vogue toute la première moitié du XIXième siècle, est la puissance de la déclamation qu?elle exige par rapport à ses prédécesseurs tel que Gluck par exemple. Apport qui, selon moi, fait de lui un des précurseurs de Grand opéra.philou a écrit : Je n'ai pas remarqué que Mingardo avait un défaut majeur de projection. De là où j'étais, à l'amphi, on l'entendait même très bien !
C'est étonnant que tu parles de l'aspect dramatique des récitatifs, et du fait qu'on l'entendait moins là-dedans. C'est peut-être aussi parce que ceux-ci sont de Franz Lachner, un admirateur de Wagner qui a plutôt trahi que respecté la musicalité cherubinienne selon moi, que Mingardo était noyée à ces moments précis !
Certes, Cherubini n'est pas un baroqueux. Mais il est avec Gluck l'héritier direct d'une tradition qui lui est très proche dans le temps (Rameau est mort en 1764) : sa musique est d'un clacissisme pur qui doit beaucoup au phrasé de ses prédecesseurs. L'articulation souple et allégée de Mingardo, que tu lui reproches, est pour moi au contraire le signe d'un respect de la partition. Si Gardiner avit été au pupitre, c'est toutes les les phrases d'orchestre qui aurait sonné comme cela. A la place, on a eu droit à une sorte de sous-Berlioz. Voilà aussi pourquoi Antonacci devait chanter si fort.....
Il n?y a pas à mon sens de règle générale qui veut que pour une oeuvre sur laquelle des questions stylistiques se posent, ces dernières doivent être résolues par des clefs du passé ou de l?avenir. Sans être un musicologue, j?ai tendance à penser, du haut de ma petite culture lyrique, que certains opéras, en avance sur leur temps, ont été précurseurs et gagnent à être exécutés avec des modes d?expression associés aux oeuvres postérieures. A l?inverse, d?autres oeuvres, tout aussi intéressantes nonobstant, s?inscrivent dans la continuité de ce qui les a précédé et ont du coup intérêt à être jouées dans le style de leurs devancières.
Je suis donc plutôt partisan d?une dix-neuvièmisation de Médée, de la même façon que je suis très favorable à une donizettisation des jeunes Verdi.
Pour en revenir à Mingardo et à sa noyade dans les récitatifs, je ne sais pas exactement si ces récitatifs de Lachner sont une création sui generis ou s?il ne s?est pas appuyé pour les composer sur une musique de mélodrame qui accompagnait les vers de la version originale. Si quelqu?un peut me renseigner, je l?en remercie.
Toujours est-il que l?esthétique de cette Médée, ou plus précisément de cette Medea, dix-neuvièmisé, qu?on le regrette ou non, dépasse à mon sens les moyens de Sara Mingardo. Ca va d?ailleurs bien au-delà du style, et nous rejoignons le propos initial. Si j?ai été effrayé du registre aigu d?Antonacci, loin de moi l?idée de lui trouver, comme à Mingardo, une voix "baroque." Tu remarqueras d?ailleurs qu?elle n?avait aucun problème avec les récitatifs, même wagnérisés...
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