Medea au Châtelet, juin/juillet 2005

Représentations
Avatar du membre
Xavier
Rainbow Maker
Messages : 1062
Enregistré le : 03 mars 2003, 00:00
Localisation : Somewhere over the rainbow
Contact :

Message par Xavier » 01 juil. 2005, 14:20

philou a écrit : Contrairement à toi, je ne pense pas qu'une voix baroque doive être, ou soit, une petite voix !
C'est une conception qui a longtemps prévalu au début de la révolution baroque, mais qui a maintenant pratiquement disparue. On peut chanter du Bach, du Rameau et du Monteverdi, avec une grande voix bien ample et avec du vibrato. C'est juste stylistiquement qu'il faut adapter la ligne vocale, et pas du tout dans la puissance à mon sens. D'ailleurs beaucoup de très grandes voix ont chanté ou chantent encore du baroque, de Jessye Normann en son temps, à Antonacci aujourd'hui, en passant par Groves, Lloyd....
Je suis d'accord avec toi : je ne pense pas non plus qu'une voix baroque doive être une petite voix. Oui, comme tu le dis, on peut chanter du Bach, du Rameau et du Monteverdi, avec une grande voix bien ample et avec du vibrato. J?aurais même tendance à dire que c?est mieux.

En revanche je ne crois pas du tout que le "baroque aux petites voix" soit une conception qui a maintenant pratiquement disparu. Tu cites Norman, certes, mais est-ce une voix d?aujourd?hui pour le baroque ? Groves et Antonacci je veux bien.

Mon expérience en matière d?opéra baroque est assez mince. J?ai dû voir (et parfois entendre) une petite dizaine de représentations de ce répertoire ces 7 dernières années, représentations que par ailleurs je n?ai pas particulièrement goûtées. Ceci expliquant sans doute cela, je n?y ai à peu près jamais entendu de chanteur qui avait les moyens d?assumer un répertoire plus tardif et un accompagnement plus consistant. Il y a eu ça et là quelques exceptions, dont Stefanie Blynthe, mais la tendance générale était celle-là.

Mais peut-être me trompé-je et mon impression est-elle très personnelle et totalement fausse.
philou a écrit : Je n'ai pas remarqué que Mingardo avait un défaut majeur de projection. De là où j'étais, à l'amphi, on l'entendait même très bien !
C'est étonnant que tu parles de l'aspect dramatique des récitatifs, et du fait qu'on l'entendait moins là-dedans. C'est peut-être aussi parce que ceux-ci sont de Franz Lachner, un admirateur de Wagner qui a plutôt trahi que respecté la musicalité cherubinienne selon moi, que Mingardo était noyée à ces moments précis !
Certes, Cherubini n'est pas un baroqueux. Mais il est avec Gluck l'héritier direct d'une tradition qui lui est très proche dans le temps (Rameau est mort en 1764) : sa musique est d'un clacissisme pur qui doit beaucoup au phrasé de ses prédecesseurs. L'articulation souple et allégée de Mingardo, que tu lui reproches, est pour moi au contraire le signe d'un respect de la partition. Si Gardiner avit été au pupitre, c'est toutes les les phrases d'orchestre qui aurait sonné comme cela. A la place, on a eu droit à une sorte de sous-Berlioz. Voilà aussi pourquoi Antonacci devait chanter si fort.....
Je suis d?accord au sujet du classicisme de Cherubini mais je crois justement que son apport dans cette oeuvre, et ce pourquoi elle est restée très en vogue toute la première moitié du XIXième siècle, est la puissance de la déclamation qu?elle exige par rapport à ses prédécesseurs tel que Gluck par exemple. Apport qui, selon moi, fait de lui un des précurseurs de Grand opéra.

Il n?y a pas à mon sens de règle générale qui veut que pour une oeuvre sur laquelle des questions stylistiques se posent, ces dernières doivent être résolues par des clefs du passé ou de l?avenir. Sans être un musicologue, j?ai tendance à penser, du haut de ma petite culture lyrique, que certains opéras, en avance sur leur temps, ont été précurseurs et gagnent à être exécutés avec des modes d?expression associés aux oeuvres postérieures. A l?inverse, d?autres oeuvres, tout aussi intéressantes nonobstant, s?inscrivent dans la continuité de ce qui les a précédé et ont du coup intérêt à être jouées dans le style de leurs devancières.

Je suis donc plutôt partisan d?une dix-neuvièmisation de Médée, de la même façon que je suis très favorable à une donizettisation des jeunes Verdi.

Pour en revenir à Mingardo et à sa noyade dans les récitatifs, je ne sais pas exactement si ces récitatifs de Lachner sont une création sui generis ou s?il ne s?est pas appuyé pour les composer sur une musique de mélodrame qui accompagnait les vers de la version originale. Si quelqu?un peut me renseigner, je l?en remercie.

Toujours est-il que l?esthétique de cette Médée, ou plus précisément de cette Medea, dix-neuvièmisé, qu?on le regrette ou non, dépasse à mon sens les moyens de Sara Mingardo. Ca va d?ailleurs bien au-delà du style, et nous rejoignons le propos initial. Si j?ai été effrayé du registre aigu d?Antonacci, loin de moi l?idée de lui trouver, comme à Mingardo, une voix "baroque." Tu remarqueras d?ailleurs qu?elle n?avait aucun problème avec les récitatifs, même wagnérisés...

X

Avatar du membre
Vincenzo
Soprano
Soprano
Messages : 98
Enregistré le : 02 mars 2003, 00:00
Localisation : Paris

Message par Vincenzo » 01 juil. 2005, 14:23

philou a écrit : D'ailleurs beaucoup de très grandes voix ont chanté ou chantent encore du baroque, de Jessye Normann en son temps, à Antonacci aujourd'hui, en passant par Groves
Groves, une très grande voix???? :shocking:

Avatar du membre
Xavier
Rainbow Maker
Messages : 1062
Enregistré le : 03 mars 2003, 00:00
Localisation : Somewhere over the rainbow
Contact :

Message par Xavier » 01 juil. 2005, 14:27

Vincenzo a écrit :
philou a écrit : D'ailleurs beaucoup de très grandes voix ont chanté ou chantent encore du baroque, de Jessye Normann en son temps, à Antonacci aujourd'hui, en passant par Groves
Groves, une très grande voix???? :shocking:
Va écouter Mingardo !

Au royaume, etc.

X

PS : Je viens de réaliser, j'avais lu Graves au lieu de Groves :oops: :oops: :oops:
Je me disais aussi : "Que vient-elle faire là ? Elle a chanté du baroque la belle Denyce ?" Je croyais que ça m'avait échappé...

tuano
Basse
Basse
Messages : 9270
Enregistré le : 30 mars 2003, 23:00
Localisation : France
Contact :

Message par tuano » 01 juil. 2005, 14:35

Denyce Graves a gravé un très bel air d'Amadigi di Gaula (Haendel) dans l'un de ses récitals CD.

Hier soir, c'est la première fois que je trouvais que Sara Mingardo n'avait pas une voix trop petite. D'habitude, on lui confie des premiers rôles au Théâtre des Champs-Élysées dans des oeuvres baroques pour lesquelles sa voix est trop petite.

bajazet
Basse
Basse
Messages : 2413
Enregistré le : 12 juin 2004, 23:00
Contact :

Message par bajazet » 01 juil. 2005, 16:38

tuano a écrit :Contrairement à toi qui l'a découverte récemment, je pense être conscient de quoi Anna Caterina Antonacci est capable : sa Rodelinda et son Agrippina en faisaient la plus grande chanteuse-actrice du monde.
Il vaut mieux lire ça que d'être myope.

Avatar du membre
Elvino
Mezzo Soprano
Mezzo Soprano
Messages : 151
Enregistré le : 08 mai 2004, 23:00
Localisation : Toulouse
Contact :

Message par Elvino » 01 juil. 2005, 17:02

RuggeroRaimondi a écrit :
abaris a écrit : Le même qui qualifait Polaski de nouvelle Varnay voit en Antonacci une nouvelle Callas (ben tiens...).
c'est d'une stupidité à toute épreuve! des noms! qui c'est?

Non seulement il est agaçant de comparer toutes les sopranos qui chantent les mêmes rôles qu'elle à Callas, mais dans le cas précis de la Medea d'Anna Caterina Antonacci, le parallèle me semble bien artificiel. l'italienne propose une Medea très différente de celle que nous connaissons, au moins au disque pour les moins chanceux et le plus nombreux. au Châtelet, nous n'entendons pas ces coups de glotte, ces notes engorgées qui existent chez Callas et que Gencer pousse à l'extrême. Antonacci choisit (mais je vais réécouter le CD de Callas) une esthétique assez opposée, à mon sens, plus délicate, travaillant plus dans la mesure, mais je parle de mémoire et sans être très sûr de ce que je dis. Sauf du fait que c'es très différent de Callas.
certess cher ami, mais cependant dis moi qui lui a succédé dans ce rôle, pour moi personne, c la seule voix que j'avais en tête pour ce rôle et ce de 53 à 61 compris donc tu imagine que pour moi medea c callas et qd j'ai vu antonacci, dans ce role, obligatoirement, je compare par rapport a ce que je connais, c'est a dire callas, ce n'est pas parce que c'est la divine que l'on n'a pas le droit de comparer une interprétation avec la sienne. moi j'ai trouvée l'approche d'antonnacci super et je ss désolé de le dire, mais j'avoue qu'elle soutient la comparaison avec callas, pas de 53 car la on avait une sorcière, mais de 58 ou de 61. la femme a moitié folle a été super bien rendue sous deux aspects différents car les deux femmes restent différentes et surtout d'une autre période.
moi je n'hésite pas a comparer a callas et ce n'est pas pour dire ah encore une nulle qui ne lui arrive pas a la cheville!!!
pour medea je pense qu'antonacci est la digne héritière de callas dans ce rôle et pour moi c le plus grd compliment que je peux faire!!
bref antonacci que j'ai découverte dans ce rôle m'a convaincu a 100% et j'en suis enchanté car autant dire qu'avant la re^résentation j'avais peur d'etre très décu!!!!et ben non, j'ai été enchanté et ravi (même avec callas en tete)!!!!!!!
"il dolce sono..."

Avatar du membre
Ruggero
Basse
Basse
Messages : 4620
Enregistré le : 02 sept. 2004, 23:00
Contact :

Message par Ruggero » 01 juil. 2005, 17:07

Elvino a écrit : bref antonacci que j'ai découverte dans ce rôle m'a convaincu a 100% et j'en suis enchanté car autant dire qu'avant la re^résentation j'avais peur d'etre très décu!!!!et ben non, j'ai été enchanté et ravi (même avec callas en tete)!!!!!!!
eh bien tu m'en vois ravi!!! :D
L'opéra semble voué à être le dernier refuge du besoin de la beauté artistique en toc.
(Bernard Shaw, 1898)

bajazet
Basse
Basse
Messages : 2413
Enregistré le : 12 juin 2004, 23:00
Contact :

Message par bajazet » 01 juil. 2005, 17:13

violetta a écrit :la mise en scène classique, épurée, mais forte néanmoins; Rien de révolutionnaire mais on peut se concentrer sur le drame et la musique, et il y a une très belle évolution esthétique du premier au dernier acte.
Merci ! Impossible de nier quelques passages à vide (IIIe acte surtout) mais pour le reste j'apprécie la discrétion et l'élégance du travail de Kokkos, qui ne fait jamais écran à la tragédie. Je me permets de remarquer que le traitement scénique du personnage de Glauce est excellent.

Je dois aussi avouer que Mingardo, entendue aussi à Toulouse, disparaissait dans les ensembles. Mais pour avoir essuyé sa doublure opulente et brouillonne, je préfère mille fois cette classe musicale à une voix sonore mais à la tenue problématique. Je sais bien sûr que ce n'est pas ce que désire Xavier. :rain:

Concernant l'esthétique de cet opéra, c'est de façon assez évidente le chaînon manquant entre Gluck et Beethoven. À présent, la continuité par rapport à l'opéra baroque est très problématique, selon moi. Déjà, je ne suis pas d'accord quand j'entends annexer Gluck (celui d'Alceste et d'Iphigénie en Tauride) à l'univers baroque : il y a bel et bien un geste de rupture esthétique avec le baroque (Alceste est spectaculaire de ce point de vue). Donc, tout à fait d'accord pour un orchestre mieux articulé, mais pas pour réinscrire à toute force cet opéra dans une tradition dont il s'émancipe avec éclat.


P.S. à Xavier. Je comprends très bien qu'on soit frustré du manque d'ampleur ou de substance de tel ou tel chanteur : Mingardo ici, Von Otter là, Delunsch ailleurs. Je crois aussi qu'il convient de faire la part des choses : ce sont toutes 3 de très grandes artistes, même si elles ne chantent pas nécessairement ce qui leur convient le mieux. Je suis gêné de voir l'évaluation de leur prestation à peu près bornée à la question du volume sonore.

Avatar du membre
Xavier
Rainbow Maker
Messages : 1062
Enregistré le : 03 mars 2003, 00:00
Localisation : Somewhere over the rainbow
Contact :

Message par Xavier » 01 juil. 2005, 18:20

bajazet a écrit :Je dois aussi avouer que Mingardo, entendue aussi à Toulouse, disparaissait dans les ensembles. Mais pour avoir essuyé sa doublure opulente et brouillonne, je préfère mille fois cette classe musicale à une voix sonore mais à la tenue problématique. Je sais bien sûr que ce n'est pas ce que désire Xavier. :rain:
Bien sûr que non, je désire (mmm, quel joli mot :D ) de vraies voix qui chantent bien. Evidemment !
bajazet a écrit :P.S. à Xavier. Je comprends très bien qu'on soit frustré du manque d'ampleur ou de substance de tel ou tel chanteur : Mingardo ici, Von Otter là, Delunsch ailleurs. Je crois aussi qu'il convient de faire la part des choses : ce sont toutes 3 de très grandes artistes, même si elles ne chantent pas nécessairement ce qui leur convient le mieux. Je suis gêné de voir l'évaluation de leur prestation à peu près bornée à la question du volume sonore.
Pour répondre de façon générale : c'est beaucoup moins de volume dont il est question que de projection, de ce ue j'appelle souvent l'impact vocal. Ainsi, j'apprécie énormément des gens comme Sabbatini ou Van Dam qui ont un volume limité mais une voix bien placée et bien projetée.

Pour en revenir aux exemples que tu cites :

Mingardo, je ne l'avais jamais entendue avant hier soir, mon appréciation est donc éminemment parcellaire et je confesse volontiers qu'elle est sans doute de peu de valeur.

Delunsch, je suis désolé de le dire, mais ce n'est pas du tout son volume, très correct au demeurant, qui me gène chez elle. Quelles que soient les qualités d'incarnation que beaucoup de gens lui trouve et auxquelles je suis pour l'instant resté insensible, je trouve qu'elle chante mal, c'est aussi bête que ça. Dans chaque lyricomane il y a un Werther qui sommeille (pas le vrai, le "notre") :?

Von otter, c'est une autre affaire. Ce qui me gêne chez elle est moins son impact relatif que de traitement de la voix, si vous me passez cette expression peu orthodoxe. On touche au vif du sujet. Je déplore en effet chez elle ce que j'ai appelé le "truc" des chanteurs baroque, c'est-à-dire de délaver la voix et partant la projection pour donner cet espèce de chant que je trouve terne au possible. Pour employer une image qui pourra peut-être mieux me faire comprendre, j'ai l'impression qu'on chante sur la pointe des pieds !

J'espère que ce n'est pas ça le vrai style "baroque" car sinon je ne suis pas faché avec ses défenseurs actuels, je le suis avec le style lui-même :evil:

Soit dit en passant, au sujet du style de Médée, je suis ravi de lire sous les doigts d'un connaisseur comme toi des propos similaires, mais mieux formulés et plus fondés, que ceux que je tenais plus haut.

X

PS : j'oubliais, comme j'y ai vaguement fait allusion dans mon premier message, j'ai moi aussi trouvé réussi le soin apporté au traitement de Glauce et l'idée de son voile au premier acte.

bajazet
Basse
Basse
Messages : 2413
Enregistré le : 12 juin 2004, 23:00
Contact :

Message par bajazet » 01 juil. 2005, 18:46

Xavier a écrit :J'espère que ce n'est pas ça le vrai style "baroque" car sinon je ne suis pas faché avec ses défenseurs actuels, je le suis avec le style lui-même :evil:
Merci de ces précisions, cher Xavier. Quant au "vrai style baroque", qui peut dire ce que c'est ? Araba Fenice ? Je ne crois pas à une orthodoxie stylistique intangible qui engloberait tout le répertoire de Monteverdi à Mozart. Il me semble même, par exemple, que Rameau ne se chante pas exactement comme Lully. Mais je ne suis guère "connaisseur" comme tu m'en flattes, amateur ça oui !

Cette question du style baroque est décidément très compliquée. Je laisse de côté le fait même de savoir s'il existe une catégorie "baroque" homogène (je ne le crois pas, mais c'est une étiquette commode, et qui fait vendre). Je prends juste un exemple : la reprise ornée de la première partie des airs da capo. Tel vous dira que c'est le lieu de la démonstration de la virtuosité du chanteur et de la réinvention ostentatoire de la partie A, tel autre que l'ornementation doit cependant se faire avec discernement et ne pas trop altérer la physionomie mélodique initiale, modifiée mais impérativement reconnaissable. Sur ce point, les pratiques, chez les chefs ou chanteurs dits spécialisés, sont pour le moins diverses !

Une chose est sûre : le critère de "l'authenticité" est une foutaise. D'ailleurs des gens comme Jacobs ou Harnoncourt en récusent le bien fondé et même la signification, pour revendiquer une part irréductible de subjectivité. Malheureusement, leurs maisons de disques continuent de l'afficher comme appât commercial ?

Répondre