angelica/pagliacci à l'ORW

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lyricomaniaque
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angelica/pagliacci à l'ORW

Message par lyricomaniaque » 25 avr. 2005, 18:13

De retour de l'ORW...

J'ai assisté à la représentation du dimanche 24 avril de cet ensemble Puccini/Leoncavallo.

J'ai passé un après-midi vraiment magnifique, et j'aimerais que la capitale française m'offre des spectacles aussi enthousiasmants (après le "Moïse et Pharaon" cela fait au moins deux bons points pour l'ORW !), avec les frissons, l'émotion, le choc et le plaisir.

Dans Angelica, il faut saluer d'abord l'excellent travail de Carella à la baguette, avec une lecture intense et d'un style très sûr. Papian débute assez mal (la voix a totalement perdu ses graves et la prestation est routinière, générique). Puis, elle s'anime dans le duo, s'engage dans l'air (avec un diminuendo stupéfiant sur le dernier "amor", tout en grimpant à des grilles), et se surpasse dans tout le finale chanté avec l'intensité de timbre et d'émission d'une Marton, et une vraie présence scénique. Elle emporte tout les suffrages avec ce savant crescendo.
Les soeurs sont dans l'ensemble très satisfaisantes - scéniquement et vocalement - même si elles manquent de cohésion.

Reste LA COSSOTTO : impériale, d'une présence et d'un timbre inaltérés ! Certes, le vibrato est là, qui signe les ... 50 ANS DE CARRIÈRE, et les ...70 PRINTEMPS !!! Mais le grave est fabuleux, l'émission est restée aussi glorieuse, voire ravageuse, et l'émission, une fois le trac initial passé, réserve encore des moments magiques. Un vrai bonheur, après le souvenir exltant d'Azucenas passées...et une leçon pour toutes les voix actuelles, pardon les non-voix actuelles.

La production se laisse regarder.

Dans I Pagliacci, la production se montre davantage - mais à partir du "Recitar", c'est fort bien conduit !

Je n'hésite pas à écrire que Galouzine a été FABULEUX ! Maître absolu de cette tessiture et de son instrument, il m'a scotché par son jeu scénique, remarquable et bouleversant. Il fait venir les larmes aux yeux ! Et la voix est d'une ampleur et d'un éclat hors normes. Un triomphe mérité, et qui l'est encore plus face à la modestie de l'artiste, qui s'efface trop vite devant les hourras du public. Un moment vraiment exceptionnel.

Exceptionnelle aussi la voix de Seng-Hyoun KO, baryton qui est une force de la nature, avec un timbre alla Bastianini-Warren , des nuances, un aigu illimité et une ampleur qui fait tonner le pafond de la salle (des la aigus dans le prologue carrément électrisants !).

George Petan est plus mesuré, mais il compose un excellent Silvio, style, timbre, nuances, projection. Florian Laconi est un Beppe très satisfaisant.

Seule Alketa Cela déçoit terriblement. Après sa belle Valentine des Huguenots, elle m'a semblée éteinte, physiquement neutre, vocalement platissime, sans aucun grave, avec un medium crispé et des aigus criés. Eh bèh... Il faut dire que les écarts de justesse meyerbeeriens ne laissaient rien présager de bon...
Carella semble plus superficiel dans le Leoncavallo, et se contente d'une mise en place pas toujours réussie (argh ! les cuivres !!).

En tout cas, le diptyque est une franche réussite : quel bonheur d'entendre ces oeuvres qu'il est de bon ton de trouver désuètes, voire vulgaires ! Une leçon pour tous les pédants parisiens ! Vive la province, vive l'étranger !! Et ce n'est certes pas la prochaine saison parisienne avec ses distributions de non-voix (à quelques exceptions près) qui va me faire changer d'avis !! À Liège au moins, on y entend Cossotto, Galouzine et Ko ! Des VOIX d'opéra ! Youpi !

:lol:

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Re: angelica/pagliacci à l'ORW

Message par tuano » 25 avr. 2005, 19:05

Merci pour ce compte-rendu. Je ne suis pas sûr que nos chanteurs actuels n'aient que des non voix mais j'étais curieux de voir ce que donnerait Cossotto.
lyricomaniaque a écrit :
Reste LA COSSOTTO : impériale, d'une présence et d'un timbre inaltérés ! Certes, le vibrato est là, qui signe les ... 50 ANS DE CARRIÈRE, et les ...70 PRINTEMPS !!! Mais le grave est fabuleux, l'émission est restée aussi glorieuse, voire ravageuse, et l'émission, une fois le trac initial passé, réserve encore des moments magiques.
Tu es sûr que la Cossotto peut encore avoir le trac ?
Ce n'est pas juste le petit temps qu'il faut pour se chauffer la voix ?

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Message par PlacidoCarrerotti » 25 avr. 2005, 22:11

J'ai vu la première et je suis à peu près d'accord avec ce compte-rendu.

J'avais un peu peur pour Cossotto (et c'est vrai que ça bouge un peu dans le haut, c'est-à-dire quand elle ne poitrine pas, c'est-à-dire rarement !) et je dois dire que j'ai retrouvé l'immense artiste que j'avais appréciée dans les années 80 (avant z'étais trop pitit).
C'est bien simple : ses premières phrases m'ont littéralement glacé (j'en ai ressenti un frisson tout le long de l'échine) : en quelques mots le personnage était campé, un personnage mauvais mais aussi d'une grande souffrance (cette soufrance qui l'empêche de pardonner).
Bref : admirable.
Papian n'est pas Scotto (ni même Soviero) mais réussit à être émouvante en prenant pas mal de risques avec des aigus piani pas piqués des vers.

Seul immense bémol, la mise en scène qui est une véritable trahison du livret et de l'esprit de l'ouvrage.
A la fin du duo entre Angelica et sa tante, on voit l'enfant prétendument mort se jeter dans les bras de Cossotto : le fils d'Angelica n'aurait donc pas succombé à sa maladie et la Princesse ne raconte l'histoire du décès à la nonne que pour la faire chier.

Premier contre-sens : dans le livret, la Princesse vient voir Angelica pour lui faire signer une renonciation à héritage; l'enfant est mort depuis deux ans mais sa tante ne considère même pas suffisament la pauvre Angelica pour le lui avoir annoncé au moment où c'est arrivé ; c'est dire qu'Angelica se voit nier son statut même d'être humain et de mère : une attitude bien plus abominable de la part de la Princesse qu'une tentative de cruauté mentale ; faire croire à Angelica que son fils est mort alors qu'il ne l'est pas, pour la faire souffrir, c'est toujours la considérer comme un être humain au moins digne du mal qu'on lui fait : en croyant rendre plus mauvaise la Princesse, la metteur en scène (Claire Servais) loupe complètement la cible.

Ce contre-sens en induit un second : puisque l'enfant n'est pas mort, il ne peut y avoir de miracle (le suicide de la soeur, son repentir devant son pêché mortel, le pardon divin signifié par la vision de la Vierge lui rendant son fils) : Angelica se suicide donc bêtement d'un coup de couteau et ne reverra ni Vierge ni fils (quant aux sous-titres des anges décrivant le miracle, ils sont également omis).
Il s'agit donc d'un véritable détournement de l'oeuvre, le metteur en scène refusant à l'ouvrage sa dimension mystico-sacro-spirituelle pour le ramener une dimension matérialiste, quitte à affadir totalement l'émotion finale.

Quelques huées sont venues saluer la coupable : une goutte d'eau au regard de ce qu'une telle manipulation mériterait.


Le Paillasse de Grinda était autrement mieux foutu : lui aussi transpose, mais intelligemment, en transformant le monde réel en un spectacle (tous les villageois sont plus ou moins en clowns ainsi que les Paillasse en civil) et le spectacle est donné avec des acteurs en costumes de ville, vous voyez l'esprit (j'admets que ce n'est pas nécessairement très original mais ça se tient).
Pour une fois Gazoline était en forme.
Alketa Cela avait du mal dans les aigus, mais arrivait à les sortir (le bas medium est totalement détimbré). Je l'imagine bien totalement épuisée pour la représentation suivante !
Remarquable Tonio du coréen Ko Seng-Hyoun : graves de baryton basse et aigus généreux.
Bons complément de Petean (Silvio) et de Laconi (Beppe).
Choeurs pas nécessairement en rythme.

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Message par tuano » 26 avr. 2005, 09:47

http://oe1.orf.at/programm/20050426150600.html

Hommage à Cossotto (et à Lipp) à écouter sur le web à partir de 15h06 aujourd'hui.

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Message par lyricomaniaque » 26 avr. 2005, 16:19

Ravi de constater que d'autres Cossottiens ont fait le voyage...et ont succombé à ce bronze phénoménal ! Merci P...i !

J'ai volontairement fait court sur la mise en scène... Mais je souscris aux propos de P...i . Cela dit, quand les voix sont là, et que le contre-sens ne trouble pas la perception que j'ai des chanteurs, je relègue cela au dernier plan. Vivent les voix ! et les artistes !

Gazoline, on peut le dire, avait fait le plein de super ( :roll: )... Quel grand bonhomme, quand même !

Pour répondre à Tuano, je dirai que je maintiens mon hypothèse (au-delà de l'évident besoin de chanteur de "chauffer" devant le public) : Corelli, par exemple, n'a jamais pu se défaire de son trac. Et de là où j'étais, j'ai pu percevoir sur le visage de la Dame, dans les premiers instants, la peur. Il faut la comprendre : se présenter à cet âge-là, avec les moyens dont elle dispose à présent (que je souhaite néanmoins à d'autres "débutantes" d'aujourd'hui qui n'ont pas 1/14e de sa voix...) , face au public a de quoi nouer le ventre, non ?

En tout cas, l'affrontement avec Angelica restera gravé dans ma mémoire : quelle bombe vocale ! quel abattage !! quel effet hypnotique sur le public ! Evviva Fiorenza ! :lol:

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