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par Verdiprati » 19 mai 2015, 01:31
Au niveau musical, c'était une grande soirée.
L'écriture ainsi que la dramaturgie musicale de Chausson est vraiment unique.
Ce n'est pas le poème symphonique avec les voix dans le sens où ce n'est pas l'orchestre, mais la voix qui constitue le point de départ de cette écriture.
La ligne vocale sobre fonctionne comme axe autours duquel se cristallisent les gestes et tissue orchestraux complexes et splendides qui n'avancent pas l'action mais articulent le temps pas à pas.
Sa musique reste toujours transparente, rectiligne, rationnelle malgré le chromatisme, jamais lourde ou pléthore en dépit des cuivres largement exploités, elle se refuse toute immédiateté mélodique, sonore, dramatique.
Chausson écrit ses notes presque comme si c'était un acte éthique plus qu'esthétique. N'empêche que c'est une musique toujours captivante à sa façon au niveau sensoriel et dramaturgique.
Pour moi il n'y a aucun tunnel dans cette musique, avec les moments forts comme le duo Lancelot / Genièvre au second acte ou la scène finale de Genièvre.
La scène de Merlin n'est pas le moment le plus réussi, mais peut-être celui avec l'effet plus immédiat.
C'est une musique anti-wagnérienne qui assume éminemment le wagnérisme.
Pour moi aucun doute ; c'est un chef-d'oeuvre original.
Les trois chanteurs protagonistes au sommet.
Koch est aussi émouvante dans ce rôle de femme adultère castratrice que dans celui de femme adultère tourmentée et affectueuse qu'est Charlotte.
Sa santé vocale impressionnante.
Quant à Hampson, sa prestation comme chanteur de Lieder de Mahler d'il y a 4 ans à Pleyel m'avait laissé soupçonner son déclin vocal, il n'en est rien ! La voix large et royale avec l'intensité psychologique remarquable.
L'héroïsme, la subtilité et la belle diction d'Alagna.
La direction grandiose, bien construite et raffinée de Jordan, artisan principal de cette réussite.
Pour la MES, désacrariser le mythe pour souligner l'échec des idéaux et le repli sur soi d'Arthus, ce n'est ni injuste ni foncièrement en contradiction avec l'esprit de l'oeuvre, bien que ce soit une démarche habituelle et banale du Regietheater allemand.
Hélas sa réalisation est totalement plate et dénuée d'inspiration concernant transposition, dispositifs scéniques et conceptuels, direction d'acteurs, costumes...
Son King Arthur de Purcell au Châtelet en 95, d'ailleurs très bien accueilli par le public et la presse, avait déjà le côté bien prosaïque à la bande dessinée, mais il ne manquait pas de poésie et d'imagination. 20 ans après une chute vertigineuse.