Tragédie Florentine/Pagliacci - Monte Carlo - 02/2015
Posté : 24 févr. 2015, 14:26
Une tragédie florentine (Eine florentinische Tragödie)
Opéra en 1 acte
Musique d’Alexander von Zemlinsky (1871 - 1942)
Livret d’après la pièce d’Oscar Wilde A Florentine Tragedy traduite par Max Meyerfeld
Création : Stuttgart, Hoftheater, 30 janvier 1917
Nouvelle production
Direction musicale Pinchas Steinberg
Mise en scène et lumières Daniel Benoin
Décors Rudy Sabounghi
Costumes Nathalie Bérard-Benoin
Guido Bardi, prince de Florence Zoran Todorovich
Simone, un négociant Carsten Wittmoser
Bianca, sa femme Barbara Haveman
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo
En première partie de ce programme, l'Opéra de Monte Carlo a choisi de monter, non pas Cavalleria rusticana comme c'est très souvent le cas en même temps que Pagliacci, mais Une Tragédie Florentine de Zemlinsky.
Je n'avais jamais entendu parler de cet opéra en un acte, je suppose donc qu'il est assez rarement monté.
Ce qui marque dès les premières mesures, c'est la partition, et les couleurs saisissantes qui sortent de la fosse.
On pense à Richard Strauss, et la part belle est donnée à l'orchestre plus qu'aux trois chanteurs, qui n'ont pas d'airs fortement marqués.
Pour autant, on ne s'ennuie pas et la partition offre de grands contrastes, un superbe lyrisme et un grand sens théâtral. On pourrait juste regretter une légère baisse de régime vers les deux tiers de l'oeuvre avant le final captivant.
C'est donc l'Orchestre Philharmonique de Monte Carlo qui est la grande star de cette première partie, ainsi que le chef Pinchas Steinberg. Les sonorités sont superbes, et la tension musicale est sans faille.
Sur scène, le ténor Zoran Todorovich campe un Guido Bardi impeccable face à une Barbara Haveman irréprochable en Bianca. Nous avions déjà pu l'applaudir à Nice pour La Voix Humaine et Simon Boccanegra.
Seul le Simone de Carsten Wittmoser déçoit parfois. Certes le timbre est beau, l'interpretation habitée tant musicalement que scéniquement, mais il semble parfois avoir un peu de mal à passer la fosse, certes assez fournie.
La mise en scène de Daniel Benoin est efficace, même si le choix de transposer l'action dans italie pré-Mussolinienne rend le duel à l'épée quelque peu désuet.
A noter les superbes lumières, tout en ombres et lumières filantes. Quelques effets de mise en scène un peu trop voyants cependant : on pense en particuliers aux drapés qui tombent des étagères de la boutique à chaque coup d'épée ou de poignard porté. C'est beau, dynamique et spectaculaire, mais peut-être un peu too much. Ou alors c'est une question de goûts.
Il semble que le public monégasque n'a pourtant pas trop apprécié cet oeuvre. A l'entracte, bon nombre regretter que "ils auraient pu nous mettre Cavalleria rusticana au lieu de la tragédie-machin Florentine !"
Comme toujours, le public Azuréen n'aime pas qu'on change ses habitudes !
Photos ©Alain Hanel sur la page Facebook de l'Opéra de Monte Carlo
https://www.facebook.com/media/set/?set ... 227&type=3
Pagliacci
Drame en 2 actes
Musique de Ruggero Leoncavallo (1858 - 1919)
Livret du compositeur
Création : Milan, Teatro Dal Verme, 21 mai 1892
Nouvelle production
Direction musicale Pinchas Steinberg
Mise en scène Allex Aguilera
Décors Rudy Sabounghi
Costumes Jorge Jara
Lumières Laurent Castaingt
Chef de chœur Stefano Visconti
Canio (Paillasse dans la pièce) Marcelo Álvarez
Nedda (Colombine dans la pièce) María José Siri
Tonio (Taddeo dans la pièce) Leo Nucci
Beppe (Arlequin dans la pièce) Enrico Casari
Silvio ZhengZhong Zhou
Chœur de l'Opéra de Monte-Carlo
Maîtrise de l’Académie de Musique Rainier III
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo
Les habitudes du public Azuréen n'auront pas été mises à mal avec cette production de Pagliacci.
Pas de transposition incongrue, pas de libertés prises avec le livret. Tout est respecté dans cette luxueuse production.
Luxueuse en tous points ! Le décor de Rudy Sabounghi est superbe, baigné dans des lumières magnifiques de Laurent Castaingt. Les costumes de Jorge Jara sont eux aussi très beaux, même si j'ai personnellement moins aimé le premier costume de clown porté par Canio/Pagliaccio.
Dès la fin du premier air "Si puo ! Si puo !" par Tonio, juste après l'ouverture, c'est une ovation sous les cris que reçoit un Leo Nucci dans une forme étonnante du haut de ses 72 ans. Moi qui pensait que sa présence serait plus proche de l’hommage ou du clin d’œil, c'est un chanteur au souffle étonnant et au timbre impeccable qui s'est produit devant nous. Sans compter une présence scénique indéniable.
Le reste de la distribution n'est pas en reste, avec une superbe prise de rôle du ténor argentin Marcelo Álvarez en Canio/Pagliaccio, rôle qu'il va interpréter le mois prochain au Met.
Son air "Ridi, Pagliaccio" a fait naître quelques larmes dans le public... Sa voix profonde avec de très beaux graves et son interprétation poignante lui a permis de récolter lui aussi une ovation à la fin de cet air.
Maria Jose Siri campe une Nedda très séduisante et assurée. La voix est superbe, son chant plein de passion, et son engagement scénique, en particulier lors de la représentation de la pièce finale, étonnant. Face à elle, le baryton chinois ZhengZhong Zhou était peut-être moins démonstratif scéniquement dans le rôle de Silvio, mais sa voix riche fait vite oublier cette relative discrétion.
Enrico Casari dans le rôle moins exposé de Beppe ne démérite pas non plus.
Quand aux chœurs, ils s'affranchissent des difficultés de la partition avec une joie communicative et une énergie qui faisait plaisir à voir.
Là encore, la direction de Pinchas Steinberg était superbe, réussissant à faire s’enchaîner ces deux œuvres très différentes au niveau du style et des couleurs sans que l'une ne pâtissent de l'opposition stylistique de l'autre.
La mise en scène est donc comme déjà dit très fidèle au livret.
Les éléments de décors se mettent en place au fur et à mesure pour former la scène du théatre ambulant, en miroir de la salle Garnier, mettant bien en exergue la relation réalité/fiction et la mise en abîme au cœur du drame.
La direction d'acteur est à souligner, le basculement entre le jeu de la pièce à la réalité de la jalousie étant parfaitement rendue, tout en subtilité.
Ce Pagliacci restera pour moi un grand souvenir. Je peine à lui trouver des défauts. Sans aucuns doute la plus belle soirée de la saison jusqu'à maintenant à Monte Carlo, et l'une des plus belle de la Côte d'Azur cette saison avec le mémorable Peter Grimes à Nice le mois dernier.
Photos ©Alain Hanel sur la page Facebook de l'Opéra de Monte Carlo:
https://www.facebook.com/media/set/?set ... 227&type=3
Opéra en 1 acte
Musique d’Alexander von Zemlinsky (1871 - 1942)
Livret d’après la pièce d’Oscar Wilde A Florentine Tragedy traduite par Max Meyerfeld
Création : Stuttgart, Hoftheater, 30 janvier 1917
Nouvelle production
Direction musicale Pinchas Steinberg
Mise en scène et lumières Daniel Benoin
Décors Rudy Sabounghi
Costumes Nathalie Bérard-Benoin
Guido Bardi, prince de Florence Zoran Todorovich
Simone, un négociant Carsten Wittmoser
Bianca, sa femme Barbara Haveman
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo
En première partie de ce programme, l'Opéra de Monte Carlo a choisi de monter, non pas Cavalleria rusticana comme c'est très souvent le cas en même temps que Pagliacci, mais Une Tragédie Florentine de Zemlinsky.
Je n'avais jamais entendu parler de cet opéra en un acte, je suppose donc qu'il est assez rarement monté.
Ce qui marque dès les premières mesures, c'est la partition, et les couleurs saisissantes qui sortent de la fosse.
On pense à Richard Strauss, et la part belle est donnée à l'orchestre plus qu'aux trois chanteurs, qui n'ont pas d'airs fortement marqués.
Pour autant, on ne s'ennuie pas et la partition offre de grands contrastes, un superbe lyrisme et un grand sens théâtral. On pourrait juste regretter une légère baisse de régime vers les deux tiers de l'oeuvre avant le final captivant.
C'est donc l'Orchestre Philharmonique de Monte Carlo qui est la grande star de cette première partie, ainsi que le chef Pinchas Steinberg. Les sonorités sont superbes, et la tension musicale est sans faille.
Sur scène, le ténor Zoran Todorovich campe un Guido Bardi impeccable face à une Barbara Haveman irréprochable en Bianca. Nous avions déjà pu l'applaudir à Nice pour La Voix Humaine et Simon Boccanegra.
Seul le Simone de Carsten Wittmoser déçoit parfois. Certes le timbre est beau, l'interpretation habitée tant musicalement que scéniquement, mais il semble parfois avoir un peu de mal à passer la fosse, certes assez fournie.
La mise en scène de Daniel Benoin est efficace, même si le choix de transposer l'action dans italie pré-Mussolinienne rend le duel à l'épée quelque peu désuet.
A noter les superbes lumières, tout en ombres et lumières filantes. Quelques effets de mise en scène un peu trop voyants cependant : on pense en particuliers aux drapés qui tombent des étagères de la boutique à chaque coup d'épée ou de poignard porté. C'est beau, dynamique et spectaculaire, mais peut-être un peu too much. Ou alors c'est une question de goûts.
Il semble que le public monégasque n'a pourtant pas trop apprécié cet oeuvre. A l'entracte, bon nombre regretter que "ils auraient pu nous mettre Cavalleria rusticana au lieu de la tragédie-machin Florentine !"
Comme toujours, le public Azuréen n'aime pas qu'on change ses habitudes !
Photos ©Alain Hanel sur la page Facebook de l'Opéra de Monte Carlo
https://www.facebook.com/media/set/?set ... 227&type=3
Pagliacci
Drame en 2 actes
Musique de Ruggero Leoncavallo (1858 - 1919)
Livret du compositeur
Création : Milan, Teatro Dal Verme, 21 mai 1892
Nouvelle production
Direction musicale Pinchas Steinberg
Mise en scène Allex Aguilera
Décors Rudy Sabounghi
Costumes Jorge Jara
Lumières Laurent Castaingt
Chef de chœur Stefano Visconti
Canio (Paillasse dans la pièce) Marcelo Álvarez
Nedda (Colombine dans la pièce) María José Siri
Tonio (Taddeo dans la pièce) Leo Nucci
Beppe (Arlequin dans la pièce) Enrico Casari
Silvio ZhengZhong Zhou
Chœur de l'Opéra de Monte-Carlo
Maîtrise de l’Académie de Musique Rainier III
Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo
Les habitudes du public Azuréen n'auront pas été mises à mal avec cette production de Pagliacci.
Pas de transposition incongrue, pas de libertés prises avec le livret. Tout est respecté dans cette luxueuse production.
Luxueuse en tous points ! Le décor de Rudy Sabounghi est superbe, baigné dans des lumières magnifiques de Laurent Castaingt. Les costumes de Jorge Jara sont eux aussi très beaux, même si j'ai personnellement moins aimé le premier costume de clown porté par Canio/Pagliaccio.
Dès la fin du premier air "Si puo ! Si puo !" par Tonio, juste après l'ouverture, c'est une ovation sous les cris que reçoit un Leo Nucci dans une forme étonnante du haut de ses 72 ans. Moi qui pensait que sa présence serait plus proche de l’hommage ou du clin d’œil, c'est un chanteur au souffle étonnant et au timbre impeccable qui s'est produit devant nous. Sans compter une présence scénique indéniable.
Le reste de la distribution n'est pas en reste, avec une superbe prise de rôle du ténor argentin Marcelo Álvarez en Canio/Pagliaccio, rôle qu'il va interpréter le mois prochain au Met.
Son air "Ridi, Pagliaccio" a fait naître quelques larmes dans le public... Sa voix profonde avec de très beaux graves et son interprétation poignante lui a permis de récolter lui aussi une ovation à la fin de cet air.
Maria Jose Siri campe une Nedda très séduisante et assurée. La voix est superbe, son chant plein de passion, et son engagement scénique, en particulier lors de la représentation de la pièce finale, étonnant. Face à elle, le baryton chinois ZhengZhong Zhou était peut-être moins démonstratif scéniquement dans le rôle de Silvio, mais sa voix riche fait vite oublier cette relative discrétion.
Enrico Casari dans le rôle moins exposé de Beppe ne démérite pas non plus.
Quand aux chœurs, ils s'affranchissent des difficultés de la partition avec une joie communicative et une énergie qui faisait plaisir à voir.
Là encore, la direction de Pinchas Steinberg était superbe, réussissant à faire s’enchaîner ces deux œuvres très différentes au niveau du style et des couleurs sans que l'une ne pâtissent de l'opposition stylistique de l'autre.
La mise en scène est donc comme déjà dit très fidèle au livret.
Les éléments de décors se mettent en place au fur et à mesure pour former la scène du théatre ambulant, en miroir de la salle Garnier, mettant bien en exergue la relation réalité/fiction et la mise en abîme au cœur du drame.
La direction d'acteur est à souligner, le basculement entre le jeu de la pièce à la réalité de la jalousie étant parfaitement rendue, tout en subtilité.
Ce Pagliacci restera pour moi un grand souvenir. Je peine à lui trouver des défauts. Sans aucuns doute la plus belle soirée de la saison jusqu'à maintenant à Monte Carlo, et l'une des plus belle de la Côte d'Azur cette saison avec le mémorable Peter Grimes à Nice le mois dernier.
Photos ©Alain Hanel sur la page Facebook de l'Opéra de Monte Carlo:
https://www.facebook.com/media/set/?set ... 227&type=3