Une grande soirée à Metz.
Comme promis à mes sympathiques voisins, voici mon compte-rendu en primeur de cette soirée du 12 au théâtre de Metz.
Désireux de découvrir enfin le grrrand opéra, genre délaissé, je me suis donc rendu samedi à Metz, long voyage, mais si c'était à refaire demain, je serais partant.
N'ayant jamais entendu ni Die Hugenotten, ni gli Ugonotti ni même les Décembristes, j'ai pu aborder cette oeuvre avec des oreilles neuves, mon seul à priori étant que ça serait long, et eput-être assommant.
Eh bien ce fut trop court, les 5 actes sont passés à toute vitesse, sans tunnels, sans ennui .
Scribe a fait un livret remarquable, plein de scènes puissament théâtrales, les personnages ont une vraie épaisseur psychologique, ils ont attachants et profondément humains. Et ce qui ne gâche rien, il a évité le manichéisme, la fin du III est très révélatrice, Huguenots et Catholiques se renvoient la balle comme des enfants pris en faute. Seul critique, il y a quand même un tout petit peu trop de serments grandiloquents.
La musique est d'une inventivité tout à fait exceptionnelle, l'orchestration est d'une subtilité rare, on a droit à des airs avec accompagnement de violon ou de clarinette seule, avec cors, harpes, trombones. les trompettes s'en donnent à coeur joie, un régal pour amateur d'orchestre.
La musique n'est pas celle d'un faiseur, mais d'un authentique génie, et je trouve criminel que cette oeuvre ne soit pas jouée plus souvent dans tous les théatres. Il est vrai que cet opéra est d'une difficulté extrème, pour les instrumentistes comme pour les chanteurs, mais il a tout pour redevenir une pièce du répertoire. Il suffit de le produire, si Metz et Liège le font, avec leurs petits moyens, Paris et Bruxelles
doivent le monter aussi, il n'y a vraiment aucune raison de ne pas le faire, à part le snobisme et le mépris des petits marquis.
La mise en scène et les décors
Laurence Dale a réussi à donner cohérence et unité à cette pièce, dont on sent qu'elle pourrait partir dans tous les sens sans une vision bien structurée de l'oeuvre.
beaucoup de belles images, le ruisseau de sang, les noces funèbres, la rencontre Valentine Marcel dans le III, le final du II,...
Quelques points négatifs
- au II, la pièce d'eau ressemble plus à un bassin d'orage qu'à un charmant ruisseau tourangeau
-au II encore quand Raoul arrive, un puissant phare éblouit les spectateurs, est ce qu'il descend de moto?
- la scène du duel au III est difficile à comprendre, qui fait quoi?, comment distinguer les huguenots des papistes?, il aurait été préférable d'habiller les huguenots de noir, la scène aurait été plus lisible
- la scène de débauche du I, franchement 3 filles pour une trentaine d'hommes, c'est pas beaucoup, ça tient plus de la troisième mi-temps d'une équipe de rugby en tournée que de l'orgie. Je comprends pourquoi Nevers donne du "beau page" à Urbain, la chair est rare.
- le gugusse avec son M16 en plastique,:gunsmilie: pas besoin de ça, on avait compris le message.
- les décors du I et II sont un peu tristounets à mon goût
Ces petites critiques sont vraiment peu de choses par rapport à l'intelligence de cette mise en scène, de tout petits détails qui ne sont pas vraiment gênants.
La distribution.
De très haut niveau, mais tout le monde a des hauts et des bas suivant les actes, sauf le trop court rôle du page chanté par Hjôrdis Thebault, rayon de soleil du I, alors que les autres y sont un peu poussifs. Voix puissante, souple et claire, les aigus sont rayonnants, le timbre est subtil, elle triomphe de l'orchestre et des choeurs masculins qui l'accompagnent sans l'ombre d'une difficulté.
Philippe Kahn (Marcel), chevrotant dans le I, où la chanson de La Rochelle le met en grande difficulté, il se reprend dans les trois derniers actes, avec un chant d'une grande noblesse, une diction superlative, et une émotion très touchante dans le duo avec Valentine. Il recevra à la fin une ovation cent fois méritée.
Ivan Ludlow (Nevers), lui aussi s'améliore durant la représentation, mal à l'aise au début du I, avec une diction très approximative et un accent très peu idiomatique, la suite nous donne un français presque parfait, une qualité d'intonation étonnante, il creuse son personnage avec beaucoup de finesse. Sa mort, racontée par Valentine, en sauvant Marcel de ses coreligionnaires, n'en est que plus convaincante.
Question aux spécialistes: Est ce que cette scène existe dans l'original?
Jean Philippe Marlière (Saint Bris)
Pas grand chose a dire sur lui, le rôle est court et peu marquant, mais il le défend avec beaucoup de probité, malgré une voix pas très séduisante.
Alketa Cela (Valentine), cas tout à fait spécial, sa voix m'a semblé être celle d'un mezzo au II et dans le début du III, avec des graves d'une grande beauté, et subitement je l'ai découverte soprano aux aigus triomphants dans le duo avec Marcel et la suite. Son français est excellent, sauf le court récitatif au début du IV, sinon aucune trace d'accent.
Je l'ai trouvée splendide de bout en bout, excellente actrice en plus. Avec Urbain, c'est mon deuxième coup de coeur de la soirée.
Sally Silver (Marguerite), chant très séduisant lui aussi, un timbre un rien trop opulent à mon goût. Elle chante un français très correct, mais les récitaitfs révèlent un accent assez gênant. Son chant ne me fait pas penser à une reine , mais plutôt à une courtisane de haut vol, genre Schéhérazade.
Abordons maitenant le cas Rockwell Blake (Raoul)
Son air du I fut une longue souffrance pour les oreilles, mais il en triomphe avec un brio extraordinaire, voilà à quoi sert une technique sans faille.
Le timbre est maigre et pas des plus séduisants, son français est approximatif, il a eu deux ou trois trois de mémoire (tout petits), il a produit un nombre incalculable de très vilains sons ,sur les mots en aigne notamment, ses récitatifs et dialogues le mettent en difficulté, mais qulle classe, quel souffle, il tient je ne sais quel note en traversant la scène comme si de rien n'était, il en remontre à des sopranos de 20 ans ses cadettes, sans jamais faiblir. Comment triompher d'une voix devenue ingrate en 5 leçons. les duos, les ensembles le montrent à son meilleur, il est sans égal dans ces moments-là.
Quelques spectateurs l'ont pris à partie à la fin de son premier air, d'une façon tout à fait véhémente, mais les supporters de Rocky les ont largement battus. Il y avait notamment un couple d'allemands assis à deux sièges de moi, qui l'ont même conspué à la fin du spectacle. Ambiance de corrida.
Les comprimarii étaient fort honorables, sauf peut-être De Cossé, assez cacochyme.
A propos, des semelles antidérapantes ne seraient pas de trop, Julien Neyer a failli se fêler le coccyx et briser le cou d'une choriste dans sa chute.
Choeurs très corrects, mais incompréhensbles.
belle prestation de l'orchestre, mention spéciale pour le clarinettiste solo et les pupitres de cuivre.
Je ne peux rien dire sur jeremy Silver, n'ayant aucun point de comparaison, mais je ne l'ai pas trouvé ennuyeux une seule seconde.
Mon sympathique voisin m'a dit que le metteur en scène avait simplifié la fin de l'ouvrage. Dans quelle mesure?
Tout le monde a été ovationné par un public en délire pendant de très longue minutes, et surtout le grand Laurence Dale, qui le méritait plus que tout autre.
Reste à aborder le gros point noir de la soirée, l'absence de buvette.
Le bar est en travaux, d'accord, mais est-il si difficile d'installer une table, quelques bacs de bière, et deux cartons de jus d'orange? Il faisait une chaleur de tous les diables dans cette petite salle, est ce qu'ils ont trop d'argent à Metz pour pouvoir se passer des revenus d'une cafétéria?
En conclusion, on avait chaud, on avait soif, on transpirait, mais on a applaudi à tout rompre un merveilleux spectacle.
Et surtout
allez voter!
Richard
Excusez moi d'être un peu long, mais je suis sous le coup de la découverte.
P.S. A monsieur le maire de Metz: le public était composé ce soir d'un grand nombres d'étrangers, qui ont visité votre ville, mangé dans vos restaurants, dormi dans vos hôtels, ils ne votent pas pour vous bien sûr, mais il m'étonnerait fort qu'ils fassent le déplacement pour entendre Tosca.