Festival Pesaro 2014 - Armida & Aureliano in Palmira

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Festival Pesaro 2014 - Armida & Aureliano in Palmira

Message par wababelooba » 21 août 2014, 18:46

Pour faire court , pas la meilleure édition de Pesaro , mais une année passionnante à plus d’un titre .
Parce que le choix d ‘une Armida hyper difficile à distribuer et d’un Aureliano in Palmira rarissime était plus qu’alléchant , même si c’était complété par un Barbier autrement plus populaire ( je ne l’ai pas vu , mais on m’a assuré qu’il était très bien chanté).
Aureliano est une œuvre de 1813 qui se situe juste après Tancredi et l’Italienne, et juste avant le Turc puis les chefs d’œuvre napolitains. C’est surtout le seul opéra rossinien comprenant un rôle écrit pour un castrat ( Velluti, en l’occurrence).
La célèbre anecdote de Rossini entendant Velluti exécuter des vocalises hors de propos et décidant à partir de là d’écrire toutes les ornementations de ses oeuvres est certainement trop belle pour être vrai , mais le fait est que les 2 se sont retrouvés très très fâchés après les 14 représentations de l’œuvre à la Scala. Et que Rossini gardera sa partition dans un tiroir pour en réutiliser de très larges parties dans le Barbier comme dans Elisabetta.
C’est d’ailleurs le grand plaisir de la soirée. S’apercevoir que prise plus lentement et en accentuant le côté martial , l’ouverture colle parfaitement à un serio guerrier. Que cette même ouverture reprise de façon élégiaque en début de 2e acte peut se rapprocher du Tell ou même de la Pastorale de Beethoven. Et que la cabalette de Rosine peut paraitre héroïque dans un autre contexte. La musique de Rossini est avant tout abstraite, et c’est bien pour ça qu’elle nous paraît d’une telle modernité.
Alors que dire de l’Aureliano pésaresque ?
Que sur une histoire à la Metastase archi confuse , Rossini multiplie les moments de grâce.
Que la soirée est hélas plombée par un orchestre fruste, multipliant les pains ( ah ! que le son du cor est triste au fand de la fosse), par une mise en scène digne d’une fête de fin d’année en CP, par une jeune mezzo ( Lena Belkina) sur-distribuée dans le rôle écrasant d’Arsace créé par Velluti.
Heureusement , il y a Pratt, un peu à la peine dans le chant de fureur , mais qui frise le sublime dans tout ce qui est élégiaque. Timbre magnifique , gestion du souffle impressionnante , pianissimi à la Caballé … très grande chanteuse , même si ce n’est d’évidence pas son meilleur emploi. N’est-elle d’ailleurs pas plus bellinienne que rossinienne ??
Et face à elle , Michael Spyres, très beau timbre , grande élégance , un ténor belcantiste
avec lequel il faut désormais compter .
Si les ensembles n’étaient pas déséquilibrés par le vibrato déjà encombrant de la jeune mezzo, on pourrait apprécier à quel point ces numéros annoncent déjà les duos de Semiramide ( et bien sûr , dans la foulée , ceux de Norma … mais c’est une autre histoire).


Changement de décor le lendemain avec l’Armida, mise en scène par Ronconi dans ce lieu bien ingrat qu’est l’Adriatico.
Sa première version de 93 , avec Fleming , n’était pas très convaincante.
Cela dit , la mise en scène d’Aix ( Fall) était un cuisant échec et celle récente du Met bien tarte.
On attendait donc ce bon vieux Luca au tournant .
Résultat : Rien de transcendant , mais une vision plutôt réussie , très respectueuse du livret ( mais oui , Jérôme , tu as bien lu …) avec quelques belles idées.
Comme celle de représenter les guerriers en marionnettes siciliennes.
Après tout , c’est bien ce qu’ils deviennent , pris dans les charmes d’Armide.
Beaux démons moyen-âgeux, belles nymphes tentatrices au 2e acte.
Belles lumières , beaux costumes ( ça change du jour précédent).
Intéressants ballets mêlant de façon intime la guerre et l’amour ( « De l’Homme , de la Femme et de la Violence dans leurs Comportements Amoureux » pourrait être le titre…)
Dans la fosse , Bologne. Son beau son , ses solistes talentueux, sa maîtrise de ce répertoire.
Direction intelligente de Will Crutchfield ( auteur de l’édition critique) qui accélère les tempi guerriers et alanguit moelleusement les moments amoureux ( sensuels devrais-je dire, tellement l’œuvre est torride).
Je n’avais jamais entendu de parti-pris aussi tranché, mais pour Armide , c’est plus que défendable.
Plateau correct , mais assez déséquilibré.
Carmen Romeu qui devrait dominer le plateau comme la Colbran devait le faire, a bien du mal à émerger, avec un timbre un peu étriqué , des suraigus criés , et des graves bien absents .
Elle est pourtant scrupuleuse, courageuse et relativement stylée . et elle a une belle présence en scène .
Face à elle , le Rinaldo de Siragusa. Le chant est sain , l’émission glorieuse , mais comme tout cela manque de grâce !
Mieux vaut ne pas avoir en tête le formidable Rinaldo de Blake à Aix ( face à Anderson , il est vrai).
Complétant le trio des ténors principaux , un Korchak pas dans ses meilleurs jours avec
des aigus un peu en dessous et un Randall Bills intéressant dans son air d ‘entrée mais un peu à la peine dans l’admirable trio de ténors final.
Très bon Astarotte de Carlo Lepore, très applaudi.
J’ai passé malgré tout une excellente soirée , car la partition d’Armida est une des plus
riches qui soit .
Comme la magicienne , Rossini déploie l’ensemble de ses enchantements.
Et comme Rinaldo , on se laisse sans peine envouter.
Superbe opéra , décidément, mais tellement difficile à distribuer.

L’an prochain , une Gazzetta hyper complète ( on a retrouvé le final manquant !), une Donna avec ( on peut l’espérer) l’enfant prodigue JDF, et une Adélaîde dont on ne sait rien de plus ( « à ce stade « , comme on dit à l’Adriatico !)

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Re: Rossini PESARO 2014 - ARMIDA et AURELIANO IN PALMIRA

Message par Peleo » 21 août 2014, 20:55

Bien d'accord pour dire que l'interprète d'Arsace fut très inférieure à ce qu'on attendait d'elle. Elle a complètement déséquilibré la distribution. Celle de Publia avait une voix autrement intéressante.

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Re: Rossini PESARO 2014 - ARMIDA et AURELIANO IN PALMIRA

Message par lucien » 21 août 2014, 21:11

Crutchfield a dirigé Armida ? J'ai quant à moi subi Carlo Rizzi, annoncé tous les soirs...

Quand au programme 2015, avec La Donna del Lago et La gazzetta ce sera la reprise de Ciro in Babilonia...

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Re: Rossini PESARO 2014 - ARMIDA et AURELIANO IN PALMIRA

Message par operakohler » 21 août 2014, 22:42

Juste à l'écoute sur RAI 3 j'ai trouvé Carmen Romeu bien pâle vocalement mais Sigarusa lui très bien vocalement.
Pour Auréliano, je n'ai également pas aimé Belkina (je pense que le rôle la dépasse) surtout que j'avais Franco Fagioli en tête. En revanche j'ai apprécié Spyres et Pratt excellents et tous les deux très en voix. Pratt chante une version très complète de son grand air (je n'avais pas le souvenir de certains passages) mais là encore je garde en mémoire la formidable prestation de Maria Aleida.
Merci au festival de Pesaro de nous proposer ces deux oeuvres et merci à wababelooba pour son compte rendu.

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Re: Rossini PESARO 2014 - ARMIDA et AURELIANO IN PALMIRA

Message par wababelooba » 21 août 2014, 23:21

lucien a écrit :Crutchfield a dirigé Armida ? J'ai quant à moi subi Carlo Rizzi, annoncé tous les soirs...

Quand au programme 2015, avec La Donna del Lago et La gazzetta ce sera la reprise de Ciro in Babilonia...
CR tapé dans le train du retour... Je me suis emmêlé les pinceaux... C'est bien Rizzi qui dirigeait Armida et Crutchfield pour Aureliano...Reste que j'ai aimé la direction d'Armida, très différente de tout ce que j'avais entendu précédemment.
Et pour 2015 , le carton officiel du ROF annonce Adelaide, mais une reprise de Ciro m'irait très bien !

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Re: Rossini PESARO 2014 - ARMIDA et AURELIANO IN PALMIRA

Message par wababelooba » 21 août 2014, 23:25

Peleo a écrit :Bien d'accord pour dire que l'interprète d'Arsace fut très inférieure à ce qu'on attendait d'elle. Elle a complètement déséquilibré la distribution. Celle de Publia avait une voix autrement intéressante.
C'est vrai que pendant toute la représentation , je rêvais à cette permutation.

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Re: Rossini PESARO 2014 - ARMIDA et AURELIANO IN PALMIRA

Message par lucien » 22 août 2014, 11:15

Le carton annonce en effet Adelaide mais la dernière nouvelle est que ce serait Ciro, en tout cas cela se disait dans les couloirs et cela semble confirmé dans les bureaux de la Fondation Rossini. Encore un exemple de la navigation à courte vue des actuels responsables. Faudra-t-il qu'ils soient complètement gâteux pour obtenir qu'ils lâchent le morceau ?

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Re: Rossini PESARO 2014 - ARMIDA et AURELIANO IN PALMIRA

Message par wababelooba » 22 août 2014, 15:03

lucien a écrit :Le carton annonce en effet Adelaide mais la dernière nouvelle est que ce serait Ciro, en tout cas cela se disait dans les couloirs et cela semble confirmé dans les bureaux de la Fondation Rossini. Encore un exemple de la navigation à courte vue des actuels responsables. Faudra-t-il qu'ils soient complètement gâteux pour obtenir qu'ils lâchent le morceau ?
Y a peut-être un côté fin de règne . Mais grâce au ROF - et sur 25 ans, il est vrai - j'ai pu voir 38 des 39 opéras rossiniens , découvrir la splendeur des chefs d'oeuvre napolitains, entendre Blake , Merritt , Anderson , Devia,Gasdia, Matteuzzi, Florez, Dupuy, Ramey, Kunde ...
Alors , merci qui ????

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Re: Rossini PESARO 2014 - ARMIDA et AURELIANO IN PALMIRA

Message par jerome » 22 août 2014, 15:14

Merci surtout Rossini! lol

Suis content que tu aimes Jessica Pratt (qui défend tout de même haut les couleurs du chant rossinien) :wink:

J'ai écouté les 2 ouvrages en direct à la radio italienne et je suis d'accord avec toi dans l'ensemble sur tout.

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Re: Rossini PESARO 2014 - ARMIDA et AURELIANO IN PALMIRA

Message par Peleo » 22 août 2014, 22:03

Impressionné aussi par l'ouverture d'Aureliano. Celle d'Elisabetta, il y a qq années, ne m'avait pas fait la même impression.
Agréablement surpris par Siragusa, moins nasillard que souvent.

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