Wagner - Siegfried - vc - Rouland - Versailles - 25/05/2025

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Wagner - Siegfried - vc - Rouland - Versailles - 25/05/2025

Message par houppelande » 26 mai 2025, 12:58

Distribution
Tilmann Unger Siegfried
Paul McNamara Mime
Simon Bailey Der Wanderer
Werner van Michelen Alberich
Hiroshi Matsui Fafner
Melissa Zgouridi Erda
Aile Asszonyi Brünnhilde
Bettina Maria Bauer Stimme des Waldvogels
Orchestre du Théâtre National de la Sarre
Sébastien Rouland Direction


Versailles continue donc, à raison d’un volet par an, son Ring en version de concert. Hier, c’était au tour de Siegfried. Les quelque 80 musiciens de l’orchestre du Théâtre National de la Sarre sont sur scène et c’est déjà assez impressionnant, même s'il n'y a que deux harpes au lieu des six prévues par Herr Wagner !
Devant eux un espace libre laisse la place aux chanteurs qui tous, sauf Mime, chantent sans pupitre et en offrant une certaine mise en espace.

Une telle disposition, que n’aurait pas forcément approuvée Wagner mais qui aurait, dit-on, été le rêve de Louis II de Bavière, permet une sonorité incroyable, où toute la salle est envahie par la musique, à un point que je préfère même l’expérience sonore wagnérienne ici à la sonorité de Bayreuth. Il y a en effet, dans la structure et les parements tout en bois de l’Opéra royal, une caisse de résonance idéale qui non seulement s’adapte très bien aux sons maigrelets des orchestres baroques habituels, mais qui convient finalement parfaitement, et contre toute attente, à un orchestre symphonique. De manière très frappante, dès le début de l’œuvre, les roulements de timbale résonnent tout autour de nous et nous enveloppent.

Au demeurant, l’orchestre symphonique conduit ici par son chef habituel, le Français Sébastien Rouland, ne sonne pas toujours à pleins décibels, mais au contraire, bien plus souvent, dans un volume délicat, où parfois même un seul instrument se fait entendre.

L’attention du chef aux chanteurs est grande, bien qu’ils soient derrière son dos. Malgré l’immense phalange qu’ils ont derrière eux, sans l’atténuation d’une fosse bayreuthienne, les chanteurs arrivent parfaitement à se faire entendre, sauf à de très rares exceptions. C’est que tous sont habitués au chant wagnérien et ils ont une projection qu’on aimerait rencontrer plus souvent sur les scènes parisiennes.

Tilmann Unger, Siegfried, est un excellent heldentenor, très lyrique. Il est presque toujours sur scène et le rôle doit être épuisant. Toujours juste et sonore, on sentait néanmoins une petite fatigue vers la fin, notamment quand il était en duo avec la tonitruante Brünnhilde de Aile Asseonyi, dont la belle voix pouvait couvrir l’orchestre déchaîné ! C’était déjà la Walkyrie de l’an dernier. Le Wanderer de Simon Bailey était merveilleux et bien joué. Très bons Mime et Alberich de Paul McNamara et Werner van Mechelen (non parent avec Reinoud van Mechelen), qui étaient déjà là il y a deux ans pour l’Or du Rhin. Fafner était, encore cette année, incarné par Hiroshi Matsui à la grosse voix de basse, qui avait joué Hunding l’année dernière et Fafner il y a deux ans. La mezzo Melissa Zgouridi, également présente dans l’Or du Rhin d’il y a deux ans, faisait la plus belle des voix d’Erda. Bref, une distribution de rêve pour cette mâtinée Versaillaise wagnérienne.

La version de concert avec légère mise en espace est vraiment pour moi la meilleure façon d’apprécier complètement l’œuvre, surtout si l’on ne parle pas l’allemand ou ne comprend pas nécessairement l’allemand chanté, en particulier la prose un peu surannée des textes wagnériens. En effet, on suit très bien le surtitrage sans la distraction d’une mise en scène qui veut ajouter plein de choses à un texte qui se suffit déjà à lui-même. Sans les vains ornements de décors abjects, sans les mouvements histrionesques, sans les films glauques et les lavabos, sans la psychologie à deux balles et les leçons d’histoire moderne revisitée, on jouit totalement du théâtre wagnérien, c’est-à-dire de cette merveilleuse association du texte et de la musique. C’est une expérience idéale et je ne comprends pas que le public parisien ne se précipite pas plus nombreux à chacune de ces représentions du Ring. Certes, le relatif inconfort de certains sièges se fait sentir au bout des cinq heures que dure l’expérience, mais le jeu en vaut bien la chandelle.

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Re: Wagner - Siegfried - vc - Rouland - Versailles - 25/05/2025

Message par Abaris2 » 26 mai 2025, 20:34

houppelande a écrit :
26 mai 2025, 12:58
un texte qui se suffit déjà à lui-même. Sans les vains ornements de décors abjects, sans les mouvements histrionesques, sans les films glauques et les lavabos, sans la psychologie à deux balles et les leçons d’histoire moderne revisitée, on jouit totalement du théâtre wagnérien, c’est-à-dire de cette merveilleuse association du texte et de la musique. C’est une expérience idéale et je ne comprends pas que le public parisien ne se précipite pas plus nombreux à chacune de ces représentions du Ring. Certes, le relatif inconfort de certains sièges se fait sentir au bout des cinq heures que dure l’expérience, mais le jeu en vaut bien la chandelle.
Les opéras de Wagner sont avant tout du théâtre fait pour être joués dans un théâtre, si possible à Bayreuth où Wagner a conçu une fosse permettant de dissimuler totalement les musiciens pour permettre au spectateur non-distrait par l'orchestre de se concentrer sur ce qui se joue sur scène.

Je comprends qu'on puisse prendre du plaisir devant une version de concert de ce type -et cela m'est arrivé moi-même à de nombreuses reprises ! - mais c'est un dévoiement par rapport aux conceptions du compositeur.

La PP a donné Siegfried cette année et on verra Siegfried à l'ONP et encore en concert au TCE la saison prochaine. On peut comprendre que le public ne se soit pas précipité à Versailles.
"Pour qui ce chant funèbre et ce pâle flambeau ?"

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Re: Wagner - Siegfried - vc - Rouland - Versailles - 25/05/2025

Message par PlacidoCarrerotti » 26 mai 2025, 22:00

Je me trompe ou Wagner n’a composé que Parsifal explicitement pour Bayreuth ?
« Le mécénat, c’est fini. Et dire que je croyais que ça durerait toujours.
Et j’ai crié, crié, Aline ! Pour qu'elle revienne »

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Re: Wagner - Siegfried - vc - Rouland - Versailles - 25/05/2025

Message par micaela » 26 mai 2025, 22:15

Je pense que tu ne te trompes pas. Il y eut même un laps de temps où il ne pouvait être interprété qu'à Bayreuth
Le sommeil de la raison engendre des monstres (Goya)

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Re: Wagner - Siegfried - vc - Rouland - Versailles - 25/05/2025

Message par Abaris2 » 26 mai 2025, 23:11

Une interdiction formelle de Richard que Cosima a réussi à faire respecter avec ses avocats jusqu'à ce que le Met brise l'exclusivité en 1903.
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Re: Wagner - Siegfried - vc - Rouland - Versailles - 25/05/2025

Message par Ramana » 27 mai 2025, 07:07

Abaris2 a écrit :
26 mai 2025, 20:34
houppelande a écrit :
26 mai 2025, 12:58
un texte qui se suffit déjà à lui-même. Sans les vains ornements de décors abjects, sans les mouvements histrionesques, sans les films glauques et les lavabos, sans la psychologie à deux balles et les leçons d’histoire moderne revisitée, on jouit totalement du théâtre wagnérien, c’est-à-dire de cette merveilleuse association du texte et de la musique. C’est une expérience idéale et je ne comprends pas que le public parisien ne se précipite pas plus nombreux à chacune de ces représentions du Ring. Certes, le relatif inconfort de certains sièges se fait sentir au bout des cinq heures que dure l’expérience, mais le jeu en vaut bien la chandelle.
Les opéras de Wagner sont avant tout du théâtre fait pour être joués dans un théâtre, si possible à Bayreuth où Wagner a conçu une fosse permettant de dissimuler totalement les musiciens pour permettre au spectateur non-distrait par l'orchestre de se concentrer sur ce qui se joue sur scène.

Je comprends qu'on puisse prendre du plaisir devant une version de concert de ce type -et cela m'est arrivé moi-même à de nombreuses reprises ! - mais c'est un dévoiement par rapport aux conceptions du compositeur.

La PP a donné Siegfried cette année et on verra Siegfried à l'ONP et encore en concert au TCE la saison prochaine. On peut comprendre que le public ne se soit pas précipité à Versailles.
Je crois qu’à ce niveau là de provocation ce n’est pas la peine de répliquer, le ténor héroïque lyrique, on se demande de quel emploi il s’agit, la tonitruante vache qui rit (pour interpréter le Ewig war ich ce doit être étrange). Le Wotan, merveilleux et bien joué ? Alors qu’il s’agit d’une version de concert on se demande ce qu’il a pu faire lors de l’affrontement final avec Erda. Pour le reste il y a quand même, parmi les habituels poncifs, cette chronique détestation assez amusante du lavabo, comme si c’était un objet étrange venu d’ailleurs. À croire que certaines personnes ne se lavent jamais les mains.

Mais c’est particulièrement rassurant que le public parisien et les critiques professionnels soient assez lucides pour ne pas courir pour assister à ce genre de concert.
et je sens malgré moi mon cœur qui bat...qui bat... je ne sais pas pourquoi...

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Re: Wagner - Siegfried - vc - Rouland - Versailles - 25/05/2025

Message par micaela » 27 mai 2025, 09:20

Quand on dit qu'un interprète de version concert joue bien, c'est que son chant a été très expressif , a bien fait ressentir les sentiments de son personnage, malgré l'absence de mise en scène, et n'a pas massacré la partition. C'est perceptible aussi sur un enregistrement audio. Et pour tout style d'oeuvres.
Le sommeil de la raison engendre des monstres (Goya)

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Re: Wagner - Siegfried - vc - Rouland - Versailles - 25/05/2025

Message par houppelande » 27 mai 2025, 12:10

Ramana a écrit :
27 mai 2025, 07:07
Pour le reste il y a quand même, parmi les habituels poncifs, cette chronique détestation assez amusante du lavabo, comme si c’était un objet étrange venu d’ailleurs. À croire que certaines personnes ne se lavent jamais les mains.
Il est triste de savoir que tu as besoin de voir un lavabo dans un opéra pour te rappeler les règles élémentaires d'hygiène. Ce n'est pas parce que toi comme moi chions, pissons et pétons tous les jours qu'il y a lieu d'en faire des passages obligés des mises en scéne d'opéra, même si certains metteurs en scène de théâtre ne s'en sont pas privés à l'occasion ! Mais mon cher Ramana, je vois que tu aimes les gauloiseries ; c'est ton droit le plus strict.
Plus sérieusement, j'attends ta réponse argumentée sur le genre d'Octavian selon le livret d'Hofmannsthal, dans le fil sur le Chevalier à la Rose. Merci d'avance.

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Re: Wagner - Siegfried - vc - Rouland - Versailles - 25/05/2025

Message par micaela » 27 mai 2025, 12:17

C'est surtout triste de voir à quel point ramana manque de sens de l'humour, d'ironie, etc... On peut même apprécier ces mises en scène et s'amuser de la présence de lavabos comme objet signature/fétiche de Warlikowski...
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Re: Wagner - Siegfried - vc - Rouland - Versailles - 25/05/2025

Message par houppelande » 27 mai 2025, 13:01

Abaris2 a écrit :
26 mai 2025, 20:34
Les opéras de Wagner sont avant tout du théâtre fait pour être joués dans un théâtre, si possible à Bayreuth où Wagner a conçu une fosse permettant de dissimuler totalement les musiciens pour permettre au spectateur non-distrait par l'orchestre de se concentrer sur ce qui se joue sur scène.

Je comprends qu'on puisse prendre du plaisir devant une version de concert de ce type -et cela m'est arrivé moi-même à de nombreuses reprises ! - mais c'est un dévoiement par rapport aux conceptions du compositeur.
Je suis en partie d'accord avec toi et il va de soi que je ne réclame pas que les opéras soient systématiquement joués en version de concert. Mais la version de concert est une excellente approche de l’œuvre, permettant justement cette concentration maximale sur l'action que dévoilent les paroles. Bien que Wagner ne l'ait pas prévu ni même conçu, n'écoute-t-on pas aussi des enregistrements CD de ses opéras, mollement allongé sur un canapé et parfois l’œil rivé sur le livret ?

Je ne crois pas qu'il faille chercher à respecter scrupuleusement ce que Wagner avait matériellement prévu ; sinon, pour Siegfried, il faudrait non seulement aller exclusivement à Bayreuth mais aussi exiger le retour de la mise en scène d'origine, car Wagner n'a certes pas conçu d'autre mise en scène. De surcroît, Wagner a évidemment conçu son œuvre pour un public qui comprend les paroles chantées, à l'origine un public germanophone. En exportant ses opéras à l'étranger, on pourrait arguer qu'il faudrait jouer l'opéra dans la langue du pays, et donc en français comme cela s'est longtemps fait en France et non pas en allemand, car quelle fraction du public français d'aujourd'hui peut se vanter de comprendre parfaitement l'allemand wagnérien chanté ?

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