Strauss - Der Rosenkavalier - Nánási/Warlikowski - TCE - 05-06/2025

[Abaris2]

J'en sors.

Pour résumer, je dirai simplement que des naufrages comme ça, je veux bien en voir tous les soirs.

[Ramana]

Et moi également, j’y ai encore assisté ce soir, le seconde vision est encore meilleure que la première et on nous avait indiqué que l’interprète de Sophie ne se sentait pas au mieux de sa forme. J’aimerai bien connaître le détail des arguments de ceux qui parlent de naufrage pour ce spectacle. Et si on a chronométré la durée du « zu lang » de notre bon baron à la fin du II.

Pour la lumière bleue, non ce n’est pas pour chasser les moustiques ou inciter à éteindre les portables, c’est juste pour éclairer doucement la salle lorsque au III le baron prend le public à témoin.

[Abaris2]

Quant à l'argument, Warli est un immense metteur en scène puisqu'il est invité partout, je rigole!

Et pourtant, cette production du Rosenkavalier, un de ses meilleurs spectacles à l'opéra, une production inventive, d'une grande intelligence, qui suscite une rare émotion, est la preuve que oui, Warlikowski, pour inégal qu'il soit, est un immense metteur en scène.

L'autre grand triomphateur de la soirée est Nánási dont l'excellente direction porte le National à son meilleur niveau.

Il n'y a rien de mémorable dans la distribution mais rien de rédhibitoire non plus. Le point faible est selon moi l'Oktavian manquant de subtilité et de nuances de O'Sullivan. Mühlemann assure, Rose compense par son métier une certaine fatigue et Gens est globalement assez convaincante : manquent à la Maréchale de cette magnifique artiste, l'ampleur vocale, une diction allemande plus naturelle, une palette de couleurs plus riche.

Voilà un spectacle qui conclut de fort belle manière le mandat de Michel Franck avenue Montaigne.

[houppelande]

J'y étais aussi hier soir et je ne regrette pas ma soirée, notamment sur le plan musical. Je ne partage pas tes réserves, Abaris, sur Oktavian, que j'ai trouvé excellent de bout en bout, avec une voix très juste, belle, et possédant la fraîcheur du jeune homme qu'il est censé être (dans la version originale du moins, chez Warli, je n'ai pas vraiment compris). Pour le reste de la distribution, je te suis, notamment sur la direction, l'orchestre (le premier violon a quand même eu du mal à tenir juste la dernière note suraigue, filée à la fin de l'acte 1), le truculent baron Ochs de Rose. Et Gens, malgré ce qu'on peut éventuellement lui reprocher, m'a très agréablement surpris et emporté.
Reste la mise en scène qui pour moi n'aidait pas toujours à suivre et soutenir l'action, mais la compliquait d'un trop grand nombre de personnages et de silhouettes, distrayants hélas, aussi inutiles que le fameux lavabo qui apparaît, signature de Warli. Cela dit, rien de choquant, rien de laid, même si on peut trouver agressives certaines couleurs comme le grand rideau vert plastique.
Le danseur noir qui accompagnait le baron Ochs faisait de très gracieux mouvements de danse urbaine sur les passages de valse viennoise. Mariage réussi encore une fois entre cette danse urbaine contemporaine et des rythmes de danse classiques, pas du baroque cette fois-ci.

[houppelande]

À la fin du premier acte, dans un moment particulièrement émouvant où chante la Maréchale, quelqu'un s'est mis à ronfler bruyamment dans le public, ce qui a entraîné quelques mouvements d'hilarité bien malvenus. Quelqu'un a suggéré : « Tiens, Ramana est là ce soir ! ».

[micaela]

[Ramana]

…à chaque fois il y en a qui embrayent directement pour se lancer dans une même discussion agressive sans fond…

Comme vous dites, cette agressivité (ou cet humour de petit maître d’école désabusé), est une façon de fuir le débat de fond. Mais l’intolérance est vaine.

[PlacidoCarrerotti]

La lumière bleue dans la salle: c’est définitif ou est ce en lien avec la mise en scène ? Il faut la garder

Si on parle de la même chose, des projecteurs bleus éclairent la rosace du plafond.
Le luminaire devient la rose d’argent.
Belle idée au demeurant.

[Loïs]

Une soirée en montagnes russes.

Un premier acte d'éblouissements (avec un "s") : un orchestre somptueux (avec oui un accident évité in extremis au violon mais c'est la vie d'une représentation), avec un direction offerte amoureusement en écrin à un Gens superbe, magnifique, de classe, de phrasé et d'émotion à fleur de lèvres, une exceptionnelle diseuse. Eblouissement dans l'autre acception pour un visuel qui pique vraiment les yeux et tombe dans l'inacceptable avec ce bonnet de bain en plastique posé sur la tête de la Maréchale. Pour le reste un Chevalier très inégal comme s'il ne maitrisait pas encore toute la partition avec de merveilleuses promesses qui me poussent à le suivre dans les prochaines années et des pages qui sont survolées. Comme d'hab. Demuro est à poil (je pense qu'hormis Il Postino, je ne l'ai toujours entendu qu'à oilpé), en principe c'est la seule chose qu'il sache faire mais ce soir on ne peut rien lui reprocher vocalement. Le Baron qui n'entre pas dans la galerie des légendes ni des formats a un tel métier et une telle maitrise du mot qu'il balaie les réserves.

Pour le second acte, le mot discuté depuis quelques jours de "naufrage" prend tout son sens . En premier lieu même si on a compris l'idée de Warli, on comprend aussi qu'il se vautre complètement et est incapable de la transcrire de manière crédible. Un des plus grands ratages scéniques auquel j'aurais assisté. Mühlemann annoncée souffrante et qui doit entrer en scène avec sa partie la plus difficile chante précautionneusement sur des œufs et émet des sons bizarres sur le registre inférieur. O'Sullivan bonne copine chante en sourdine à l'écoute et à l'attention ce qui fait entièrement foirer le moment le plus attendu. Je m'emmerde comme rarement pendant une heure (j'aurais du aller diner en face) jusqu'à ce que Rose que je ne connaissais pas conclue l'acte par une leçon d'interprétation et de chant (comment masquer vos limites). Pas convaincu du tout par Bou que j'adore tant.

Et enfin le troisième acte qui atteint un sommet. J'avais pris (fait rarissime chez moi) ma place pour la mise en scène et enfin après deux actes excrémentiel, le génie de Warli sort de sa gangue avec le meilleur acte de l'auberge que je n'aurais jamais vu (et ce "salut" des acteurs de la farce avant de laisser le trio seul) et bien entendu l'émotion de la scène finale et post finale (la Maréchale retrouvant son mari qui la rejette, elle a tout perdu). Mühlemann se lache et O'Sullivan révèle son meilleur face à une Maréchale brisée de l'intérieur et qui porte si beau à l'extérieur: exactement ce que mes sens réclamaient. Et quel orchestre!

Un peu le mal, de mer avec ces hauts et ces bas mais je ne regrette pas ma soirée, je suis content que je suis venu.

[Loïs]

La lumière bleue dans la salle: c’est définitif ou est ce en lien avec la mise en scène ? Il faut la garder

Si on parle de la même chose, des projecteurs bleus éclairent la rosace du plafond.
Le luminaire devient la rose d’argent.
Belle idée au demeurant.

La lumière bleue éclaire aussi toutes les loges de corbeille ce qui en fuchiaïse le rose du velours en miroir avec le rose des colonnes peintes sous la voute, très réussi aussi.