Direction musicale Daniele Rustioni
Mise en scène et scénographie Ersan Mondtag
Lumières Henning Streck
Costumes Teresa Vergho
Dramaturgie Till Briegleb
Chef des Chœurs Benedict Kearns
Donna Leonora di Vargas Hulkar Sabirova
Don Alvaro Riccardo Massi
Don Carlo di Vargas Ariunbaatar Ganbaatar
Père gardien Michele Pertusi
Preziosilla Maria Barakova
Frère Melitone Paolo Bordogna
Le Marquis de Calatrava Rafał Pawnuk
Maître Trabuco Francesco Pittari
Curra Jenny Anne Flory *
Un Alcade / Le Chirurgien Hugo Santos *
Orchestre et Chœurs de l’Opéra de Lyon
** Solistes du Lyon Opera Studio, promotion 2024-2026
Opéra National de Lyon, représentation du vendredi 14 Mars 2025
Comment trouver le bon équilibre pour monter La Force du Destin, au livret décousu, à la multiplicité des lieux et des situations ? Pour cette troisième à Lyon (1964 et 1981), c’est le jeune metteur en scène Ersan Mondtag qui s’y attelle en se plaçant dans un contexte de crimes contre l’humanité et d’escalades à la violence, et s’appuie sur le fait que Don Alvaro est le dernier descendant du roi des Incas.
Il produit une abondance de décors, de costumes, mélangeant les styles et les époques. Les changements de décors sont longs, s’effectuant rideau baissé, ou à vue, pendant les sirènes et les bruits de mitraillettes évoquant la bataille de Marioupol (2022).
Le Marquis de Calatrava est un marchand d’armes. Le premier acte évolue dans une église (ou palais ?), dans lequel les soubrettes (ouvrières ?) aux oreillettes en forme d’oreilles de lapin fabriquent des obus. C’est dans un wagonnet que Don Alvaro arrive (on est proche d’une arrivée à la Lucky Luke) pour s’enfuir avec Leonora.

Au deuxième acte, un temple évoque les exactions des espagnols sur les incas avec une pâle imitation de la fresque de Picasso Guernica. Au troisième acte, une salle de spectacle réquisitionnée en hôpital d’urgence pour soigner les blessés de guerre. Au dernier acte, on retrouve le temple inca, qui est aussi l’entrée au monastère, et la grotte de l’exil de Leonora.
Daniele Rustioni fait avec cette Force ses derniers pas à l’Opéra de Lyon en tant que directeur musical. Dès l’ouverture, il installe le drame, par des sons denses à l’équilibre parfait avec le plateau. Son souci du détail et de mettre en avant chaque pupitre ira ce soir jusqu’à faire monter le clarinette solo sur scène pour les saluts finaux. Les legato sont légion et les couleurs et nuances maîtrisés.

Benedict Kearns à la tête des chœurs a également fait un travail admirable. A noter en particulier le Rantanplan serré et vif, et un piano subito d’une douceur infinie lors de la prière avec Leonora avant qu’elle ne parte en ermitage.
Le plateau vocal réuni est également assez bon. Dans les seconds rôles, les très courtes lignes de chant de Jenny Anne Flory laissent entendre un timbre corsé, tandis que Hugo Santos doit arriver à mieux maîtriser son émission trop large.
[
b]Paolo Bordogna [/b], presque affublé en gorille, compose un Fra Melitone bougon mais comique. L’increvable Michele Pertusi maîtrise son personnage de père Gardien, et compose un homme plein d’humanité.

Maria Barakova est une Preziosilla vive et pleine d’énergie au bel abattage scénique, mettant du rythme là où l’œuvre patine et traine parfois en longueur. Elle possède un beau brin de voix bien projeté, aux registres très équilibrés. Est-ce lié à l’effet du stress de la première ou de l’énergie qu’elle déploie, mais elle parait parfois à court de souffle sur des fins de phrases, empêchant la justesse des dernières notes aigues de sa ligne musicale.
Par un timbre noir et profond, Ariunbaatar Ganbaatar , le méchant frère Don Carlo di Vargas, vole la vedette au couple d’amoureux. La voix est aussi impressionnante que sa carrure, et il semble chanter sans jamais forcer, mais en faisant passer toute la rage et la haine du personnage par un chant dense et habité.
Ricardo Massi (Don Alvaro) passe à côté du premier acte vocalement et scéniquement. Il rentre dans son personnage par la suite, et livre une belle performance notamment par des aigus faciles et maîtrisés, et une projection aisée.

Enfin, la soprano Ouzbèke Hulkar Sabirova (Leonora) est une jolie découverte. Le timbre, la projection sont là avec des graves autant sonores et appuyés que les aigus. Il lui manque un tout petit peu plus de nuances pour incarner le personnage de Leonora. Par exemple, son ‘Pace’ est plus empreint de culpabilité que de pitié, et il lui manque une touche de finesse pour émouvoir pleinement.
Salle comble, public enchanté, performance réussie autour de ce premier volet du Festival « Se saisir de l’avenir »
Perrine