Cosi Fan Tutte (et livrets mozartiens) A GARDER DISCUSSION DE FOND
Oui, la question des motivations d'Alfonso est, à mon sens, l'une des plus ouvertes, dans Cosi... Que ce soit à la fin ou au début, d'ailleurs. Quelle relation a-t-il avec G. et Fe.? Sont-ils amis comme le dit Dorabella? Est-il un genre de précepteur? Quel genre d'ami fait faire ce genre de pari? Quelle est la leçon qu'il veut donner?
Pour ma part, je pense effectivement qu'Alfonso se sent dépassé par les evenements, à peu près à partir de "Fra gli amplessi" (je ne dirais pas pourquoi de peur de ma faire taper dessus, et traiter de "romantique" par Friedmund ), et c'est seulement à partir de ce moment qu'il commence à relativiser: comparez son recit du I "Nel mare solca" et son air du II "Tutti accusan le donne", comme pour dire, "bon, bon, vous avez compris, on arrête là, avant que ca n'aille trop loin, hein, vous allez vous marier et tout ira bien..." Oui, comme pour se déculpabiliser, car, et il le sait, il est déjà trop tard!
Après, cette question des motivation d'Alfonso -comme celles de Despina- est aussi une question d'interpretation, des chanteurs et du metteur en scène. Et c'est la beauté de Cosi de laisser cette place à l'interprétation (place plus grande, à mon avis, que dans les Noces ou Don Juan). J'avais vu une mise en scène à Bordeaux où Alfonso était un troisième jeune homme, balafré, aigri contre les femmes, parce que rejeté par elles, pour qui le "bonheur" de ses amis était une souffrance, une insulte, "bonheur" qu'il souhaitait détruire. Il se rendait compte finallement de la portée de son jeu et tentait à la fin de recoller les morceaux, pitoyablement, et sans succès, les 6 personnages quittant la scène dans des directions opposées... Original, mais ca marchait!
Pour ma part, je pense effectivement qu'Alfonso se sent dépassé par les evenements, à peu près à partir de "Fra gli amplessi" (je ne dirais pas pourquoi de peur de ma faire taper dessus, et traiter de "romantique" par Friedmund ), et c'est seulement à partir de ce moment qu'il commence à relativiser: comparez son recit du I "Nel mare solca" et son air du II "Tutti accusan le donne", comme pour dire, "bon, bon, vous avez compris, on arrête là, avant que ca n'aille trop loin, hein, vous allez vous marier et tout ira bien..." Oui, comme pour se déculpabiliser, car, et il le sait, il est déjà trop tard!
Après, cette question des motivation d'Alfonso -comme celles de Despina- est aussi une question d'interpretation, des chanteurs et du metteur en scène. Et c'est la beauté de Cosi de laisser cette place à l'interprétation (place plus grande, à mon avis, que dans les Noces ou Don Juan). J'avais vu une mise en scène à Bordeaux où Alfonso était un troisième jeune homme, balafré, aigri contre les femmes, parce que rejeté par elles, pour qui le "bonheur" de ses amis était une souffrance, une insulte, "bonheur" qu'il souhaitait détruire. Il se rendait compte finallement de la portée de son jeu et tentait à la fin de recoller les morceaux, pitoyablement, et sans succès, les 6 personnages quittant la scène dans des directions opposées... Original, mais ca marchait!
- Friedmund
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Don Alfonso l'explique lui-même dans le livret:Amator a écrit :Une question liée à ça et à laquelle je n'arrive pas à répondre, c'est pourquoi don Alfonso tient-il à reformer les couples de départ ? Veut-il les convaincre et se convaincre lui-même qu'il n'a pas été si cruel et qu'il n'a pas fait que briser des couples ? (couples qui certes auraient souffert un jour ou l'autre mais à qui il était cruel d'infliger cette leçon)
1) changer de partenaire ne changera rien à l'affaire, puisque "ainsi font elles toutes"
2) au bout du compte Ferrando et Guglielmo aiment leur "Pénélopes"
Alors pourquoi quitter ces femmes qu'ils aiment pour d'autres qu'ils n'aiment pas, sachant que ces autres ne se seraient pas comporté différemment des leurs? Même chose... l'amour en moins. Aucun intérêt
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Alfonso n'a quasiment pas d'air. Il est l'initiateur et le commentateur de l'action, ainsi que celui qui en dit la morale. Le personnage est assez captivant: il ne fait qu'énoncer la vérité, mais le livret ne lui confère aucune noblesse, ce qui n'en fait pas pour autant la voix de la raison à proprement parler, bien qu'il soit le 'vainqueur' du pari. Difficile de prendre Alfonso comme autorité morale... mais d'un autre côté l'histoire lui donne raison. Aussi, n'est-ce pas là ce que l'on attend d'un ami que de pouvoir vous dire les vérités difficiles?Tom a écrit :Oui, la question des motivations d'Alfonso est, à mon sens, l'une des plus ouvertes, dans Cosi... Que ce soit à la fin ou au début, d'ailleurs. Quelle relation a-t-il avec G. et Fe.? Sont-ils amis comme le dit Dorabella? Est-il un genre de précepteur? Quel genre d'ami fait faire ce genre de pari? Quelle est la leçon qu'il veut donner?
Par ailleurs quel est le moteur du pari? Le cynisme d'Alfonso ou la fatuité des amants? Et qui au fond a la vision la plus élevée des femmes, Alfonso ou Ferrando/Guglielmo?
En toute amitié, Tom, en toute amitiéTom a écrit :je ne dirais pas pourquoi de peur de ma faire taper dessus, et traiter de "romantique" par Friedmund
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Poser cette question, c'est trouver la clef de Cosi fan tutte. Et la leçon, Alfonso la donne lui-même: "e per necessita del cuore". "Le coeur a ses raisons que la raison ignore". On n'enferme pas les sentiments et émois humains dans des cadres maîtrisés et raisonnables. Etre raisonnable, et donc heureux dans une logique XIXème, c'est accepter ce fait comme tel. Ne pas l'accepter, c'est s'exposer à la douleur du résultat de ses propres mensonges (Alfonso souligne bien à la fin combien c'est Ferrando et Guglielmo qui se sont trompé eux-même et sont donc seuls responsables de leur débâcle).Tom a écrit : Quelle est la leçon qu'il veut donner?
Le XVIIIème siècle est celui de la raison, le XIXème celui du sentiment. Pour les romantiques, on préférera mourir de douleur (voyez Donizetti ou Verdi) plutôt que de 'composer' avec les événements, ce à quoi nous invite Cosi (cf. le final). Mieux vaut-il vivre dans la vérité, ou mourir dans le mensonge?
Même si je comprends dans le contexte, je me permets de te dire, lieber Friedmund, que tu nous a habitués à mieuux que ces formules à l'emporte-pièce. Le XVIIIe est aussi le siècle du sentiment : c'est lui qui a forgé le nom avec le sens que nous lui connaissons.Friedmund a écrit :Le XVIIIème siècle est celui de la raison, le XIXème celui du sentiment.
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Le texte dévolu aux personnages ne le stipule pas. Un metteur en scène pourrait s'inspirer de cela pour créer un savant mélange, les couples ne sachant plus qui choisir (l'un, l'autre, d'autres, ou personne), Alfonso se mélangeant les pinceaux.Amator a écrit :Une question liée à ça et à laquelle je n'arrive pas à répondre, c'est pourquoi don Alfonso tient-il à reformer les couples de départ ?
David - IlsEnSontTotalementLavis
P.S. : En fée, Alfonso Clochette, y voulé juste leur piqué leur meufs.
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Tu as raison, la formulation est maladroite: le XIXème est non pas le siècle du sentiment, mais le siècle du culte du sentiment-roi, sentiment devant lequel tout doit s'effacer.bajazet a écrit :Même si je comprends dans le contexte, je me permets de te dire, lieber Friedmund, que tu nous a habitués à mieuux que ces formules à l'emporte-pièce. Le XVIIIe est aussi le siècle du sentiment : c'est lui qui a forgé le nom avec le sens que nous lui connaissons.Friedmund a écrit :Le XVIIIème siècle est celui de la raison, le XIXème celui du sentiment.
C'est là que je ne te suis pas vraiment : est-ce qu'ils les aiment ? Ou répondent-ils "purtroppo" parce que leur orgueil a été bafoué ? Et pourquoi leurs fiancées sont-elles revenues vers eux ? Parce qu'elles les aiment encore sincèrement ? Ou parce qu'elles n'ont pas abandonné l'idée de l'amour qu'elles se faisaient avant et qu'elles veulent être fidèles ? On peut interpréter la fin de différentes façons : le livret ne dit pas si les quatre amants auront bien retenu la leçon ni si les mariages seront heureux. De même qu'on ne sait pas si Almaviva restera fidèle après son repentir sincère, non ?Friedmund a écrit : Don Alfonso l'explique lui-même dans le livret:
1) changer de partenaire ne changera rien à l'affaire, puisque "ainsi font elles toutes"
2) au bout du compte Ferrando et Guglielmo aiment leur "Pénélopes"
Alors pourquoi quitter ces femmes qu'ils aiment pour d'autres qu'ils n'aiment pas, sachant que ces autres ne se seraient pas comporté différemment des leurs? Même chose... l'amour en moins. Aucun intérêt
A part ça, j'adhère tout à fait à ce que tu as dit par ailleurs.
Merci à tous pour vos avis sur don Alfonso, personnage que l'on peut aussi interpréter de différentes façons.
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Pourquoi est-ce que quelques heures faites d'égarements passagers, de fantasmes, de désirs, de vertiges et d'émois, devraient remettre en cause des mariages pensés comme bons et désirés depuis des mois?Amator a écrit : C'est là que je ne te suis pas vraiment : est-ce qu'ils les aiment ? Ou répondent-ils "purtroppo" parce que leur orgueil a été bafoué ? Et pourquoi leurs fiancées sont-elles revenues vers eux ? Parce qu'elles les aiment encore sincèrement ? Ou parce qu'elles n'ont pas abandonné l'idée de l'amour qu'elles se faisaient avant et qu'elles veulent être fidèles ? .
Ou alors, sous prétexte que la vie ne se passe pas toujours comme on la rêverait, faut-il passer aux mariages brisés, aux scènes de la folie, suicides ou empoisonnements? Romantisme
Sur son versant pré-romantique, oui.Friedmund a écrit :Tu as raison, la formulation est maladroite: le XIXème est non pas le siècle du sentiment, mais le siècle du culte du sentiment-roi, sentiment devant lequel tout doit s'effacer.bajazet a écrit :Même si je comprends dans le contexte, je me permets de te dire, lieber Friedmund, que tu nous a habitués à mieuux que ces formules à l'emporte-pièce. Le XVIIIe est aussi le siècle du sentiment : c'est lui qui a forgé le nom avec le sens que nous lui connaissons.Friedmund a écrit :Le XVIIIème siècle est celui de la raison, le XIXème celui du sentiment.