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Monsieur Amérique de Nicolas Chemla

Posté : 16 juin 2020, 12:34
par JdeB
CHEMLA, Nicolas, Monsieur Amérique, Paris, Séguier, 2019, 600 pages.


Ce champion de BB qui posait sur Satie ou Wagner.

Ce livre risque fort de passionner beaucoup plus les cultureux (toujours fascinés par ce sujet et par toute tératologie) que les culturistes tant il se déploie sur 600 pages ultra-densifiées et truffées de concepts et que l’auteur y joue, en fort habile virtuose, des grandes orgues de la rhétorique hype.
Cet ouvrage passionnant, sans doute le meilleur sur le sujet (même si le corpus est mince en français, avouons-le) est construit comme un "4 en un" : une biographie romancée mais fort documentée du grand champion Mike Mentzer, une somme sur le Body-Building de l’Antiquité à nos jours (Dark Side inclus), une histoire personnelle de l’Amérique de Kennedy à Bush et une exploration de la notion (absolument centrale ici) de virilisme.

La haute figure du bodybuilder cultivé Mike Mentzer est en soi captivante, melting pot incarné des valeurs germaniques et américaines, avec son côté romantique versant héroïque, son messianisme exalté, son idéalisme intransigeant nourris de lectures avides et de culture savante : musique classique (Wagner et son Crépuscule des Dieux, Satie et ses Gymnopédies), philosophie (Nietzsche, Rand et Gurdjieff), littérature d’avant-garde (Miller et Mishima), cinéma d’auteur (Kubrick, Scott et Herzog).
Surtout parce qu’il a eu une vie trépidante qui oscillait entre zénith et nadir, sommets et abimes, gloire et déboires, argent coulant à flot et misère noire, adulation et mépris.
Et comme dans toute dramaturgie qui se respecte, parce qu’il avait un rival éclatant en la personne d’Arnold dont l’auteur dresse ici un portrait au vitriol, son rival heureux dans les championnats avec manigances à la clé, son inverse déontologique, son adversaire farouche dans les méthodes d’entrainement, cette idole conspirant sans cesse à lui nuire et à le discréditer le plus possible. On sait que la postérité a tranché en faveur du colosse de Graz et que même les jeunes épigones de l’esthétique Old School ne citent jamais Mike Mentzer mais plutôt Frank Zane.

Nonobstant deux ou trois scories sans importance, Nicolas Chemla ne mérite que des éloges.
Il tient en haleine par une écriture forgée au paragone de l’art du culturisme : massive, impressionnante, noueuse et nerveuse, virile et coruscante, très pauvre en graisse, « explosante-fixe » !

Jérôme Pesqué.

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