Re: Edita Gruberova
Posté : 27 avr. 2020, 20:46
Voilà ce qu’écrivait Jean-Victor Hocquard de manière très pertinente à propos de cet air de Fiordiligi, personnage qu’il rapproche plus d’une fois de Donna Anna tant sur le plan de l’écriture vocale que sur celui de la posture psychologique:
« Mozart a très bien rendu ce qu'il y a à la fois de raide et de hagard, d’altier et de fragile dans cette fille qui manque encore de maturité. Et l'on constatera qu’aucune des grandes interprètes du rôle ne s'y trompe : toutes, elles chantent cet air de façon sérieuse et grave, soit qu'elles insistent sur l'aspect de grandeur et de fierté dramatiques, soit qu'elles fassent valoir ce que ces accents ont de pathétique. Les meilleurs sont celles qui savent unir ce que l'air a à la fois de tendu et de sensible, d'artificiel et de naturel, et qui savent faire ressortir l'incessante variabilité des ethos au cours de ce discours fiévreux. Car cette aria n’est rien moins que monolithique, et il y a des indices de faiblesse dans cette excessive crispation de vertu. Malgré ses grands airs, elle est visiblement sur sa défensive en clamant bien haut la fidélité les femmes, laquelle s'oppose à l'infidélité masculine; car, ne l'oublions pas, c'est bien cela qu'elle a retenu comme leçon de l'aria de Despina. Bref, tout cela fait partie de cet idéal romanesque qu'elle a en commun avec sa sœur. Mais, au lieu de se laisser aller à l'agitation comme celle-ci, elle se raidit et monte sur ses grands chevaux.
Son chant est complexe et nuancé dans sa constante effervescence. Avec ce singulier alliage de raideur et de souplesse, le personnage est campé avec une justesse psychologique étonnante. Car nous le voyons tel qu'il est dans sa réaction actuelle à la situation, c'est-à-dire au moment où commence à se monter la farce jouée par les jeunes hommes déguisés. On dira qu'il y a un abîme entre cette aria et celle du second acte et c'est parfaitement vrai puisque ce fut voulu par le dramaturge qui, avec une finesse géniale, prépare la seconde aria par la première. En effet le caractère bouleversant de la capitulation de Fiordiligi ressortira d'autant plus qu'elle nous est apparue au départ comme fière, distante et sûre – trop sûre d’elle-même. »
« Mozart a très bien rendu ce qu'il y a à la fois de raide et de hagard, d’altier et de fragile dans cette fille qui manque encore de maturité. Et l'on constatera qu’aucune des grandes interprètes du rôle ne s'y trompe : toutes, elles chantent cet air de façon sérieuse et grave, soit qu'elles insistent sur l'aspect de grandeur et de fierté dramatiques, soit qu'elles fassent valoir ce que ces accents ont de pathétique. Les meilleurs sont celles qui savent unir ce que l'air a à la fois de tendu et de sensible, d'artificiel et de naturel, et qui savent faire ressortir l'incessante variabilité des ethos au cours de ce discours fiévreux. Car cette aria n’est rien moins que monolithique, et il y a des indices de faiblesse dans cette excessive crispation de vertu. Malgré ses grands airs, elle est visiblement sur sa défensive en clamant bien haut la fidélité les femmes, laquelle s'oppose à l'infidélité masculine; car, ne l'oublions pas, c'est bien cela qu'elle a retenu comme leçon de l'aria de Despina. Bref, tout cela fait partie de cet idéal romanesque qu'elle a en commun avec sa sœur. Mais, au lieu de se laisser aller à l'agitation comme celle-ci, elle se raidit et monte sur ses grands chevaux.
Son chant est complexe et nuancé dans sa constante effervescence. Avec ce singulier alliage de raideur et de souplesse, le personnage est campé avec une justesse psychologique étonnante. Car nous le voyons tel qu'il est dans sa réaction actuelle à la situation, c'est-à-dire au moment où commence à se monter la farce jouée par les jeunes hommes déguisés. On dira qu'il y a un abîme entre cette aria et celle du second acte et c'est parfaitement vrai puisque ce fut voulu par le dramaturge qui, avec une finesse géniale, prépare la seconde aria par la première. En effet le caractère bouleversant de la capitulation de Fiordiligi ressortira d'autant plus qu'elle nous est apparue au départ comme fière, distante et sûre – trop sûre d’elle-même. »