Heather Harper (1930-2019)

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Heather Harper (1930-2019)

Message par sopranolove » 25 avr. 2019, 12:25

Helene Adam s'attristait de voir si peu de Britten en France... Or, hasard ou caprices du sort, une des plus grandes interprètes de ce compositeur nous a quitté pour le retrouver là haut...
Heather Harper, née en le 8 mai 1919, à Belfast, était donc irlandaise Ses parents, musiciens, avaient aussi un fils corniste et une sœur violoncelliste. Son frère jouait au Royal Philarmonic Orchestra. Heather Harper apprend d'abord piano, le violon et l'alto et se tourne ensuite vers le chant. D'abord elle devient membre des Ambrosian Singers, du BBC Chorus et d'un troisième chœur moins connu, puis elle entame une carrière de soliste. Grâce à son professeur, Irene Isepp, elle débute dans cette voie en 54 (à 25 ans !) en Lady Macbeth à l'Oxford University Opera Club. Suivie immédiatement par deux grands rôles pour la télévision : Mimi et Violetta ! Et pourtant cette précocité, surtout avec un rôle comme la lady verdienne, ne causera aucun tort à cette belle soprano qui finira sa carrière en 1994.
Sa voix de grand soprano lyrique, bien que fine, lumineuse et irradiante, était ombrée parfois de couleurs sombres et la facilité et l'envergure d'un soprano colorature. Avant d'aborder Wagner et Strauss, elle s'illustre dans le répertoire baroque haendelien de concert.
En 62 c'est le grand départ : elle rencontre le compositeur dont elle sera l'une de ses grandes interprètes, Benjamin Britten. En 62, à la cathédrale de Coventry, elle remplace Galina Vichnevskaïa pour qui l'œuvre avait été créée mais qui ne pu obtenir son visa pour quitter l'URSS (déjà, ils se conduisaient de manière bien mesquine avec elle) aux côtés de DFD et de Peter Pears, sous la baguette du compositeur.
Et ce Britten, elle le chantera souvent ; presque tous ses grands opéras, sauf évidemment Billy Budd cher au cœur d'Helène Adam...) et Gloriana (écrit pour un soprano dramatique, registre qui n'était pas le sien : elle n'a jamais forcé ses moyens de soprano grand lyrique): Mrs Coyle, dans Owen Wingrave, à la BBC (heureux anglais qui pouvaient admirer dans leurs "étranges lucarnes", comme on le disait alors, un opéra de leur plus grand compositeur, créé par la fine fleur du chant britannique, comme Janet Baker, alors que chez nous, c'était les yéyés qui trustaient tout ou presque !), la Gouvernante du Tour d'Ecrou, Helena dans le Songe d'une Nuit d'Eté, et surtout Ellen Orford, dans Peter Grimes, qu'elle enregistrera par la suite avec Vickers. En concert aussi Britten avec les Illuminations et Our hunting fathers (une œuvre qui avait scandale car elle n'était pas tendre avec la chasse à courre) et ne négligeant pas les autres auteurs britanniques de son temps comme Arthur Benjamin pour A Tale of two Cities (inspiré de Dickens, sa création française eut lieu à Met en 59 je crois...), le Chœur féminin (dans le Viol de Lucrèce) et Tippett avec deux opéras, King Priam où elle était Hécube, et Nadia dans The Ice Break... et sa 3eme Symphonie.
Son activité de concertiste comprenait tous les oratorios de Bach, Haendel, Haydn, la Missa Solemnis, les lieder parmi lesquels les Quatre derniers Lieder que l'on peut écouter sur YT... les mélodies françaises (un français parfait et pratiquement sans accent, rare à l'époque pour une britannique !
Maintenant, pour l'opéra, voilà ses principaux rôles, en dehors de Britten et des Anglais ; Pamina (avec qui elle débuta à Glyndebourne en 1957), Ann Trulove, Micaela, Marguerite, Antonia, Elsa, Blanche de la Force, Eva, Gutrune, Donna Elvira, Ilia, et tout un groupe d'héroïnes straussiennes : Arabella, Chrysosthemis, l'Impératrice, Ariadne... (mais à ma connaissance pas la Maréchale...).
En dehors de l'Angleterre, elle débutera au Met avec la Comtesse en 1971, à Bayreuth , ce sera Elsa en 67 et 68, à San Francisco, en 1974 ou 75 je crois, avec Charlotte (son Werther sera Aragall..) et à Buenos Aires, Marguerite et Vitellia...
Une belle carrière scénique et musicale donc, heureusement préservée par de beaux enregistrements, dont un Peter Grimes avec Colin Davis et Jon Vickers, une Symphonie des Mille de Mahler avec entre autre Lucia Popp, Arleen Auger, René Kollo, Martti Talvela, Yvonne Minton..., une Belinda de Didon et Enée avec Victoria de Los Angeles..., et un Idoménée avec Gedda, Jessye Norman en Idamante... Elle était Ilia (et non Elettra, comme l'avait écrit un ODBien. Mais comme elle a chanté Vitellia et Lady Macbeth, ses seules incursions dans le répertoire dramatique, on pouvait se tromper...) Voici une critique du New York Times (en anglais), Peter Davis, pour sa Comtesse :"She radiated genuine, pathos, dignity and even a touch of tragedy. It was a well-rounded characterization, naturally projected and alive to all the part's dramatic possibilities."
Pour finir, Heather Harper fait partie des grandes chanteuses brittaniques, au côté de Janet Baker, avec qui elle a souvent chanté, ou de Josephine Veasey. Les Margaret Price, Valerie Masterson, Gwyneth Jones, Elisabeth Harwood, Felicity Lott et Kiri Te Kanawa (même si elle est néo-zélandaise) viendront dix ans plus tard. En tout cas, ses qualités de musicienne et son style vocal ont donné de très beaux moments, notamment ses Quatre Derniers Lieders qui valaient bien ceux de Schwarzkopf, et dont le raffinement dans la musicalité ne s'accompagnaient pas de maniérisme ou de préciosité inutiles...
RIP, Heather Harper !

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