Le suicide à l'opéra

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micaela
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Re: Le suicide à l'opéra

Message par micaela » 30 oct. 2017, 23:09

D'ailleurs, Angelotti se suicide aussi lorsqu'il est découvert dans sa cachette. On rejoint là un thème fréquent dans les récits d'aventure, d'espionnage ou de guerre : le suicide comme issue quand tout est perdu. Dans ces cas-là, les convictions religieuses (qui pourraient empêcher l'acte) sont oubliées. (NB Il semble que les chandeliers soient à l'origine une idée de Sarah Bernhardt, donc antérieure à l'opéra).
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Re: Le suicide à l'opéra

Message par PlacidoCarrerotti » 30 oct. 2017, 23:23

Il y a quand même 200 ans entre Elisabeth et Tosca..
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

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Bernard C
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Re: Le suicide à l'opéra

Message par Bernard C » 30 oct. 2017, 23:33

HELENE ADAM a écrit :
30 oct. 2017, 22:59
(...)
Et elle ne se suicide que dans un état de désespoir total, acculée par les sbires au sommet d'un château sans issue. C'est presque une forme de fuite...
Non Tosca ne fuit pas , il n'est pas sûr qu'on puisse dire qu'elle se suicide .
Elle va devant Dieu répondre de son crime .

(Ce chemin vers Dieu est bien moins métaphorique que dans Don Carlos évidemment qui ne fait que suivre Charles Quint dans son tombeau, tel qu'on l'a déjà analysé , je n'y reviens pas .)

Elle est poursuivie , pour le meurtre de Scarpia

"Ah, Tosca, pagherai ben cara la sua vita !

-Colla mia!
O Scarpia, avanti a Dio!"


Tu vas payer cher sa vie !
- avec la mienne !
O Scarpia devant Dieu !


Tosca donne rendez vous devant Dieu pour répondre du meurtre de Scarpia qu'elle paye de sa vie .

Dans le caractère du personnage ce n'est pas suicidaire , c'est expiatoire d'une part ( elle règle sa dette : une vie pour une vie ) et c'est un passage vers Dieu .

Bernard

On pourrait analyser aussi avec précision la même projection dans le vide de Senta ( pour d'autre motif , il s'agit là aussi d'atteindre à l'élévation )
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Re: Le suicide à l'opéra

Message par micaela » 30 oct. 2017, 23:37

C'est possible, mais une personne qui se jette volontairement dans le vide, ça reste un suicide. Après on peut discuter des motivations et du ressenti du personnage, mais c'est une autre affaire.
Encore deux exemples : Ernani (il se suicide à cause d'un serment fait auparavant) et I masnadieri (un peu le même cas de figure -une histoire de serment-, mais en plus tordu : il tue sa fiancée pour lui éviter la honte (ou le déshonneur) et se suicide après. Chez Verdi, on se suicide beaucoup, plus que chez Puccini...
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Re: Le suicide à l'opéra

Message par Adalbéron » 30 oct. 2017, 23:51

Cassandre et Didon dans Les Troyens. Les deux suicides structurent l'œuvre en achevant les deux parties.
« Life’s but a walking shadow, a poor player / That struts and frets his hour upon the stage / And then is heard no more. It is a tale / Told by an idiot, full of sound and fury, / Signifying nothing. »
— Shakespeare, Macbeth

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Re: Le suicide à l'opéra

Message par Bernard C » 31 oct. 2017, 00:14

micaela a écrit :
30 oct. 2017, 23:37
C'est possible, mais une personne qui se jette volontairement dans le vide, ça reste un suicide. Après on peut discuter des motivations et du ressenti du personnage, mais c'est une autre affaire.
Ce qui m’intéresse , ce ne sont pas les "ressentis" du personnage ( je ne sais pas ce que ça veut dire le ressenti d'un personnage de fiction , pas plus que ses motivations ) , mais les intentions de l'auteur dans ce qu'il en dit précisément ,
or Puccini et les librettistes sont précis sur la nature du geste de Tosca , elle n'évoque pas Mario au moment de sa précipitation , sa perte ,elle n'est pas à fuir l’ineffable souffrance de l'absence , elle ne dit pas non plus avoir à échapper à la justice des hommes .

Elle crie avoir à régler ses comptes devant Dieu .

Autres questions que soulève ton sujet intéressant :

Quelqu'un qui ne se "donne" pas la mort , mais qui n'en meurt pas moins par effet de "sidération" ( j'appelle ça comme ça pour faire simple ) comme Isolde au comble du désespoir , là , bien exprimé et en même temps sublimé , ou comme au comble de l'ivresse de la jouissance Elektra , est ce que ce sont des suicides ?
Et Don Giovanni qui suit le Commandeur par un défi indéfectible inhérent à son personnage , c'est un suicide ou non ?
Alors que sont ces morts désirées ?

L'opéra c'est ça , nous laisser en suspens :wink:
On n'est pas obligé d'apporter la réponse du suicide
( parce qu'après tout , sorti de l'opéra le suicide est une chose d'une absolue misère et d'une infinie complexité )

Bernard
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Re: Le suicide à l'opéra

Message par srourours » 31 oct. 2017, 00:31

Bernard C a écrit :
31 oct. 2017, 00:14
micaela a écrit :
30 oct. 2017, 23:37
C'est possible, mais une personne qui se jette volontairement dans le vide, ça reste un suicide. Après on peut discuter des motivations et du ressenti du personnage, mais c'est une autre affaire.
Ce qui m’intéresse , ce ne sont pas les "ressentis" du personnage ( je ne sais pas ce que ça veut dire le ressenti d'un personnage de fiction , pas plus que ses motivations ) , mais les intentions de l'auteur dans ce qu'il en dit précisément ,
or Puccini et les librettistes sont précis sur la nature du geste de Tosca , elle n'évoque pas Mario au moment de sa précipitation , sa perte ,elle n'est pas à fuir l’ineffable souffrance de l'absence , elle ne dit pas non plus avoir à échapper à la justice des hommes .

Elle crie avoir à régler ses comptes devant Dieu .

Autres questions que soulève ton sujet intéressant :

Quelqu'un qui ne se "donne" pas la mort , mais qui n'en meurt pas moins par effet de "sidération" ( j'appelle ça comme ça pour faire simple ) comme Isolde au comble du désespoir , là , bien exprimé et en même temps sublimé , ou comme au comble de l'ivresse de la jouissance Elektra , est ce que ce sont des suicides ?
Et Don Giovanni qui suit le Commandeur par un défi indéfectible inhérent à son personnage , c'est un suicide ou non ?
Alors que sont ces morts désirées ?

L'opéra c'est ça , nous laisser en suspens :wink:
On n'est pas obligé d'apporter la réponse du suicide
( parce qu'après tout , sorti de l'opéra le suicide est une chose d'une absolue misère et d'une infinie complexité )

Bernard
Oh que oui Don Giovanni, c'est une interrogation qui n'aura de cesse de me hanter, et dont je n'apprécie pas qu'une mise en scène donne une réponse tranchée. Je crois également qu'il faut savoir laisser respirer l'oeuvre, et en cela laisser une grande part au hors-champ, au mystère, à l'insoupçonnable.

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Re: Le suicide à l'opéra

Message par Bernard C » 31 oct. 2017, 00:41

post scriptum : [JOKE]

Pour en revenir à Tosca . de toute façon je récuse que Tosca se donne la mort ! :wink:
Ce qu'on sait de certain , c'est qu'elle saute le parapet , se précipite dans le vide et que Spoletta regarde en bas pétrifié .
Pour moi la suite est la suivante :
L'Archange Saint Michel , s'envole du Castel Sant'Angelo , vient cueillir Tosca sous ses ailes et la transporte dans une nuée aux pieds de Dieu tout Puissant ;
J'évoquais Senta , mais c'est à peu près la même chose , elle se précipite du haut du rocher qui avance dans la mer et crie : "Gloire à ton ange !" au moment où elle se jette dans l'eau , le navire du Hollandais s'abime avec l'équipage dans les flots et l'on voit s'élever au dessus de la mer dans le ciel le Hollandais et Senta transfigurés .

On est à l'opéra . Pour Tosca , une fois le parapet franchi on peut tout imaginer .

:lol:

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Re: Le suicide à l'opéra

Message par PDdLB » 31 oct. 2017, 08:03

De mémoire, Luisa Miller se termine par un double suicide, tout comme I Capuleti e i Montecchi, et dans les deux cas c'est un peu par inadvertance (enfin dans Luisa Miller c'est un peu sinistre tout de même car le jeune premier "suicide" Luisa un peu à son insu, avant de tuer le méchant, c'est un peu une hécatombe cet opéra, mais chez Verdi c'est plutôt fréquent!)

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Re: Le suicide à l'opéra

Message par PDdLB » 31 oct. 2017, 08:08

D'ailleurs ça me semble un peu malsain cette obsession de l'opéra romantique pour le suicide, surtout lorsque celui-ci est sublimé comme la grande libération finale qui donne lieu à des prodiges vocaux. Certes il s'agit là davantage de considérations morales qu'esthétiques, mais présenter le suicide comme le remède à tous les malheurs me semble être un propos bien fâcheux, quand bien même cela permet de jolis moments dramatiques!

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