Pierre de Médicis (1860), opéra du prince Joseph Poniatowski (1816-1873)

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mariuszbartok
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Pierre de Médicis (1860), opéra du prince Joseph Poniatowski (1816-1873)

Message par mariuszbartok » 26 juin 2020, 14:48

PlacidoCarrerotti a écrit :
20 févr. 2015, 12:31
ferruccio a écrit :
PlacidoCarrerotti a écrit : J'ai moi aussi adoré la scène de Pierre de Médicis (avec orgue ! j'imagine qu'il y a aussi des chœurs ou alors le héros est fou et parle tout seul). Si tout l'opéra est comme ça, il faut que Bru Zane le remonte d'urgence ! Sempey (dont je n'avais jusqu'à présent rien entendu d'extraordinaire mais je l'ai très peu vu) était absolument formidable.
Sempey a déjà chanté le rôle intégral en concert à Cracovie à l'été 2011 (unique fois, probablement, où ce Pierre de Médicis a été donné depuis sa création à l'Académie impériale de musique en 1860), seul français dans une distribution bariolée (ténor chinois pour le rôle titre, soprano polonaise, basse japonaise, comprimarii tchèque et polonaise, avec Massimiliano Caldi à la baguette - milanais, mais très actif en Pologne). Cela avait été diffusé à la radio polonaise, et repris par plusieurs radios européennes, et la bande peut se trouver dans les bonnes maisons.

Et qu'on se rassure, Julien n'est pas fou et ne parle pas tout seul : il est très classiquement accompagné d'un ami avec qui il échange quelques répliques après la cavatine, et d'un choeur de comparses qui introduit puis soutient la cabalette (sans compter un choeur religieux hors scène au début du tableau, et un choeur de religieuses dans le lointain).

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5 ... /f24.image

Je VEUX voir ce truc !
Je viens d'écouter l'intégralité de cet opéra rarissime du Prince Poniatowski, chanteur puis diplomate italien envoyé en France puis naturalisé français, après les événements de juin 1848. Il compose une douzaine d'opéras : ce Pierre de Médicis est le dixième.

C'est chanté en français, et l'histoire est une sorte de mélange entre Il trovatore et La favorite : Pierre de Médicis (ténor) est nommé gouverneur de Pise, et souhaite épouser la noble Laura Salviati (soprano), qui en pince pour Julien de Médicis (baryton), frère de Pierre, d'un amour réciproque (pour une fois, c'est donc le ténor qui vient truobler les plans du baryton et de la soprano). Pierre compte sur l'aide de l'oncle de Laura, le grand inquisiteur Antonio (basse), pour contraindre la jeune femme à céder à ses vœux. Mais Julien convainc Laura de fuir Pise, projet malheureusement découvert et contrecarré par Pierre. Déshonorée, Laura refuse en plus de céder à Pierre, Antonio la contraint donc au couvent, où Pierre, blessé dans son duel avec son frère, accourt mourant pour demander pardon et la donner en mariage à Julien.

La musique est vraiment très dramatique et agréable : c'est du bel canto pur sucre. Le genre de rareté qui sort de nulle part mais qui met la pêche, un peu comme le Falstaff de Balfe (sauf que Pierre de Médicis est un opéra sérieux). Donc, après une ouverture, c'est un enchaînement de 17 numéros, avec airs à cabalettes (qui bizarrement ne sont pas toutes reprises), ensembles, chœurs, etc.

Les profils vocaux sont les suivants :
Pierre de Médicis : un ténor belcantiste qui doit avoir une quinte aiguë facile, parce que le rôle réclame un paquet de contre-ut et de contre- bémols. Il y a même un contre-mi bémol écrit. Pas vraiment de passage virtuose, on est plus sur un Edgardo de Lucia survitaminé.
Laura Saviati : une soprano dramatique colorature, qui monte plusieurs fois au contre-ut, avec un ou deux bémols. La tessiture est assez centrale, mais il y a de nombreuses et franches descente dans le très grave (plusieurs la, un beau sol à découvert). Un genre de Leonora du Trovatore, avec plein de moments élégiaques.
Julien de Médicis : un baryton costaud, genre Enrico dans Lucia, aucun passage colorature, mais une belle quinte aiguë. Et une grande scène à la fin de l'acte 3, qu'a chantée Sempey à la Philharmonie de Paris, où la voix doit passer par-dessus l'orgue plein jeu, les chœurs et l'orchestre tonitruant.
Fra' Antonio : une basse classique, peu d'éclats, le rôle de prêtre à la voix sépulcrale qui descend un paquet de fois au fa de façon imposante.

Acte 1 : https://www.youtube.com/watch?v=VKRUShe4agc&t=1037s
Acte 2 : https://www.youtube.com/watch?v=2ARRU_kydAM&t=1102s
Acte 3 : https://www.youtube.com/watch?v=9WZcLCI3TUA&t=1306s
Acte 4 : https://www.youtube.com/watch?v=brbIq2fmqww

L'enregistrement complet est tiré d'une retransmission radiophonique de 2011. C'est la seule façon d'écouter cet opéra pour l'instant.
Les chœurs sont parfois limites dans l'aigu et on ne comprend pas grand-chose à ce qu'ils chantent, mais bon.
Le ténor a toutes les notes, ce qui est déjà pas mal (il en ajoute même dans le suraigu), mais son français est incompréhensible et il ne sait visiblement pas nuancer. C'est vraiment un rôle pour Osborn ou Spyres. La soprano est vaillante, elle chante toutes les notes, le timbre est un peu anonyme, mais bon le rôle est difficile et elle s'en tire pas mal. Je ne vois pas trop qui pourrait chanter ça aujourd'hui : Deshayes me paraît trop courte, Pratt pas assez dramatique, etc. Sempey est clairement le meilleur de la distribution : c'est le seul dont on comprend le texte, l'aigu est souverain, l'émission franche. La basse a un accent terrible et ne s'embarrasse pas de nuance, mais au moins il fait toutes les notes.
La direction est parfois brouillonne, mais globalement ça ne manque pas d'énergie.
La partition ne manque pas de moments agréables, parfois vraiment superbes à mon goût : le concertato lent du II (acte 2, à 14:33), la partie lente du duo entre Julien et Laura à l'acte 1 (51:00), toute la scène de Julien à la fin de l'acte 3, le chœur de moines et de religieuses de l'acte 4 sur lequel se greffe une prière élégiaque de Laura (18:00)
Musicalement, on est sur un mélange entre Ernani (la cabalette de Laura au I ressemble à celle d'Elvira), Trovatore, Favorite, quelques moments fleuris à la Pacini, et deux chœurs délicieusement couillons au début de l'acte 2 (chœur de fête) et de l'acte 4 (chœur de buveurs).

On peut suivre le texte et la musique sur la partition, ici : http://ks4.imslp.net/files/imglnks/usim ... cis_VS.pdf

On voit que l'enregistrement est quasi complet. Il manque : les ballets (acte 2 et acte 4), quelques mesures dans la strette finale du II, et le quatuor final du IV dans lequel Pierre donne la main de Laura à Julien et la sauve donc du cloître (bizarrement, dans l'enregistrement ils semblent utiliser une fin alternative beaucoup plus courte, où Antonio annonce que Pierre arrive trop tard et que Laura est consacrée à Dieu pour jamais : pas de bol).

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