fomalhaut a écrit : ↑13 juil. 2018, 20:32
Oui mais, la disponibilité est sujette à question.
Le ROH ne bloquait-il pas la diffusion, ou, plus exactement, la rediffusion aujourd'hui ?
fomalhaut
Je viens de finir de le regarder sur Youtube, chaine officielle du ROH...
Triomphe absolu aux saluts pour ce diable de
Mariusz Kwiecień, fabuleux Don Giovanni, pour la Donna Anna magnifique de
Rachel Willis-Sørensen et pour le Leporello, double un peu sinistre de DG, interprété par
Ildebrando D'Arcangelo.
Et salutations appuyées au
maestro qui rend Mozart si magique....
J'ai bien aimé la mise en scène de
Holten, même si elle prend un parti très radical, surtout visible en deuxième partie, celui de considérer les femmes comme irrésistiblement attirées par Don Giovanni comme par un aimant. Ce qu'on voit alors sur scène, est paradoxal par rapport au texte chanté. Mais il faut reconnaitre que c'est si magistralement interprété scéniquement par tous les artistes, que ce choix, si bien défendu, n'est finalement pas gênant. Esthétiquement la représentation est très réussie bien que finalement assez simple : un décor blanc en carroussel, avec escaliers, portes, balcons, pièces diverses, qui s'ouvrent, se ferment, tournent, et surtout sont éclairées par des vidéos projetées de couleurs différentes avec inscriptions, arabesques, dessins artistiques, évoluant au fur et à mesure de l'opéra. Plutôt noir, teinté de blanc, de rouge par instant au début, plutôt blanc éclaboussé de noir à la fin, du rouge flamboyant au début de la deuxième partie, du bleu soutenu au milieu, bref, c'est si beau et si impressionnant que lorsque les lumières se rallument normalement juste après la mort de DG (pas de final lénifiant, tant mieux...), le plateau parait soudain bien terne, la magie est rompue.
A noter que les costumes sont de toute beauté, eux aussi oeuvres d'art, la jupe rose de Donna Anna est "teintée" d'une tache d'encre noir savamment répandue sur les plis, la robe vert d'eau de Donna Elvira est couverte d'écritures de belle calligraphie etc...
Mais c'est surtout vraiment, très bien joué par tous, ce qui démontre une capacité importante de direction d'acteurs de la part du metteur en scène (et un sacré talent des artistes).
Plus globalement, j'ai évidemment apprécié la direction de
Minkowski, l'un des meilleurs actuels dans DG. Il sait tout à la fois respecter la discrétion de l'accompagnement des récitatifs, les solos de harpe et les grandes envolée dramatiques de cet opéra de Mozart que je tiens décidément pour son meilleur (et qui me rend toujours nostalgique de ce que nous avons perdu potentiellement à sa mort trop rapide...). Et cette attention permanente aux chanteurs est également une de ses marques de fabrique de qualité. Les tempi sont vifs mais jamais à contre sens et les passages "légers" annoncent toujours habilement la tragédie en marche.
Il a évidemment une très belle distribution globale.
Le Don Giovanni de
Mariusz Kwiecień, est l'un des meilleurs et nul doute que cette salle du ROH à l'excellente acoustique et avec la délicatesse de
Minkowski faisant du Mozart (orchestre en rapport...), en faisait un DG parfaitement calibré en projection de voix. On connait ses talents d'acteur dans ce rôle comme dans d'autres (je pense à son étonnant et touchant Krol Roger dans cette même salle, à son Alphonse de la Favorite l'an dernier à Munich notamment), mais au-delà de sa capacité à jouer un personnage en l'habitant dans chaque geste et chaque mimique, il sait aussi traduire dans son chant les inflexions d'un DG qui sombre peu à peu dans la folie.
Son compère, son double, son esclave, son Leporello est un
Ildebrando D'Arcangelo à la voix très sombre et au look inquiétant, qui complète parfaitement le DG du baryton Polonais. Il a fait d'énormes progrès sur le plan vocal, trouve-je, il n'a plus ce côté assez approximatif dans le phrasé, a gagné en régularité et en beauté du timbre.
Je reste subjuguée par la Donna Anna de
Rachel Willis-Sørensen, voix capiteuse à souhait, beauté physique et classe folle sur la scène, vocalises périlleuses jamais ennuyeuses, elle fait tout passer dans sa voix, c'est superbe. Elle a été ovationnée à chacun de ses grands airs et au final et c'était amplement mérité. Je l'ai découverte dans cette salle d'ailleurs, en Eva des Meistersinger l'an dernier, puis en Hélène des Vêpres en septembre. Deux fois remarquée.
J'étais moins convaincue au départ par la Donna Elvira de
Hrachuhi Bassenz (que je ne connais pas je crois ?), aigus difficiles et voix un peu sur le fil et puis elle s'est enhardie et a continué elle aussi par "Ah, pietà !" de toute beauté et très engagé. Un peu en deçà de sa partenaire cependant. Je crois ne l'avoir jamais entendue ce qui rend plus difficile une appréciation uniquement à partir d'une retransmission.
Je suis plus circonspecte sur le rôle un peu ingrat réservé au ténor dans cet opéra. Le Don Ottavio de
Pavol Breslik est assez moyen : le timbre est assez rugueux, le phrasé un peu heurté avec bien peu de legato et ses airs n'ont pas l'élégance de son port, parfait lui, ni de son physique de jeune premier. C'était peut-être un mauvais soir pour lui, je ne sais pas...
Gentils et charmants Zerlina et Masetto, très bien chantant et très crédibles par la même occasion, pour compléter une brillante distribution.
Bref, avec les réserves d'usage dues à la retransmission, atténuées par le fait que j'ai déjà entendus la plupart des chanteurs déjà en salle, et même dans cette salle, j'ai passé une très bonne soirée.
© 2018 ROH. Photograph by Bill Cooper