Verdi - La Traviata - Oren/Zeffirelli - Vérone - 08/2019

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Verdi - La Traviata - Oren/Zeffirelli - Vérone - 08/2019

Message par Loïs » 22 août 2019, 23:51

Chef d'orchestre : Daniel Oren
Mise en scène : Franco Zeffirelli
Costumes : Maurizio Millenotti
Chorégraphe : Giuseppe Picone

Violetta Valéry : Lana Kos
Flora Bervoix : Clarissa Leonardi
Annina : Daniela Mazzucato
Alfredo Germont : Stephen Costello
Giorgio Germont : Amartuvshin Enkhbat
Gastone di Letorières : Marcello Nardis
Barone Douphol : Gianfranco Montresor : Nicolò Ceriani
Marchese d’Obigny : Dario Giorgelè
Dottor Grenvil : Alessandro Spina
Giuseppe : Max René Cosotti
Serviteur :Stefano Rinaldi Miliani
Première danseuse : Eleana Andreoudi

L'Aida avec la production historique de 1913 était prévu mais un changement d'agenda professionnel plus tard et je me retrouve avec la Traviata avec qui plus est les deux plus tristes sires de l'opéra des dernières décennies : Oren et sa battue de limace sous Tranxene flanqué du remplisseur d'espace Zefirelli dont sa meilleure et dernière contribution aura peut être justement été de l'en débarrasser (pour ceux qui pousseraient des cris d'orfraies , je me réfère à ses délires verbaux qui auraient valu la prison à n'importe qui d'autre pour incitation au meurtre misogyne).
Alors pourquoi me direz vous m'immerger parmi des milliers d'Allemands à une époque où les gradini n'applaudissent ou ne sifflent même plus les toilettes des poltrone. Je me souviens avec émotion d'une entrée impériale de Sophia Loren en fourreau émeraude et avançant à 2cm à l'heure pour faire s'éterniser l'ovation pendant que certaines Anglaises battaient le record du saut de haies de Vincennes pour gagner leurs places.
Après cette digression sur mi verdi anni: la réponse c'est que j'étais curieux de découvrir deux jeunes voix dont je commençais à entendre parler : xxxxxxxxx

Autre regret: le nombre de fumeurs baissant drastiquement et il n'y a plus de briquets pour allumer les candeline ce qui enlève du charme à l'ouverture mais renforce le côté messe avec chacun allumant la bougie de son voisin.

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Re: la Traviata - Oren/Zefirelli - Vérone - 08/2019

Message par Loïs » 23 août 2019, 08:25

Alors en premier lieu, réglons leur compte aux deux catastrophes italiennes qui font passer Seveso pour un bucolique et frais contretemps.
Parler d’Oren, c’est maintenant tomber dans le vocabulaire excrémentiel. On croit que chaque fois il a touché le fond de la fosse septique mais non il peut creuser encore plus profond. Il a débuté l'opéra avec un brindisi où oubliant ce que tempo di valsa signifiait a adopté les mesures et les appuis de la bourrée. Le second acte, après des crescendi dans les cordes qui détournent stupidement l'attention pendant l'air "di miei bollenti spiriti", nous amène le plus plat des duos entre Violetta et Germont alors que c'est indubitablement le sommet de l'opéra. Il y a suffisamment de chefs d'orchestre bons et vivants pour ne pas confier la baguette à un chef décédé ou alors qu'on la donne aux cadavres de Toscanini ou Serafin. Les tempi mortuaires de "di Provenza il mar" n'arriveront cependant pas à tuer le tonnerre d'applaudissements pour le baryton. Victime à priori d'un AVC au troisième tableau, on n'entend dans le ballet que les chapeaux chinois et la grosse caisse (même des danseurs sourds et trisomiques ne pouvaient pas rater les temps) auxquels succède un incroyable combat entre les crins des archets et les cordes des violons pendant le final. Les premiers raclant avec une telle force les seconds, on se demande lesquels lâcheront le premier. La vision était spectaculaire : on avait l'impression toute la partie gauche de l'orchestre sciait son propre instrument.
On savait que Zefirelli avait conçu son ultime mise en scène pour épater au mieux les autobus de touristes se déversant dans les gradins. Pendant l'ouverture le grand rideau de Garnier encadré des loges impériales masque le décor de l'hôtel de Violetta . Quand il s'ouvre révélant les deux étages (le rez de jardin dans les tons d'or et le premier en bleu, avec au milieu le tableau de la Dame aux camélias) dotés de six pièces on en prend plein la vue et soyons clair c'est visuellement la plus splendide Traviata traditionnelle que j'aurais vue. Avantage corrélatif : ce décor sert de conque vocale aux chanteurs. Inconvénient chaque changement de tableau génère une coupure de 20 minutes ce qui hache le spectacle et fait retomber la tension. Pour le tableau dans la maison de campagne , la structure est gardée mais toute la décoration changée avec jardin d'hiver, toiles peintes, volière de pigeons, etc...: le best off de Zefirelli (une indiscrétion m'a appris que Jérôme avait entrepris à genou un pèlerinage reliant la place Stan à la piazza Bra!). Toute sa vie, dans le film ou à Garnier par exemple, Zefirelli a essayé d'égaler son maitre Visconti dans la scène chez Flora en prenant pour référence le bal qui conclut le Guépard. Et il est vrai que le décor, croisement du grand palais et des salons disparus des Tuileries est une réussite même s'il est difficile de capter quelque chose tant les touristes surexcités commentent à haute voix, expliquent et détaillent aux enfants et surtout mitraillent de photos (1 sur 3) avec force flash. C'est, honnêtement, superbe et venant de moi le compliment n'est pas mince, forcé de saluer ce type. On n'allait pas demander à Zefirelli de devenir sur la fin un directeur d'acteur alors qu'il en ignore même le concept mais l'occupation de l'espace est irréprochable ce qui finalement suffit pour une représentation dans ce cadre et je reconnais que pour un premier contact avec le monde de l'opéra, comme c'est le cas de la majorité du public, ce choix est le plus judicieux.
Alors maintenant qu'en est il du trio vocal?
Je craignais une inadéquation de Costello avec le rôle d'Alfredo dans ce lieu mais non la voix passe très bien. Certes l'écrin que forme le décor du premier acte l'aide particulièrement et celui du second tableau offre un mur réverbérateur mais il ne rencontre aucun problème dans l'espace ouvert du troisième. Malgré un ratage dans les grandes lignes de la scène où il balance les billets à la face de la pauvre Violetta, il emporte le morceau dans le final (il est vrai qu'à ce moment ses partenaires se trouvent 20 mètres derrière).
De manière générale son chant sera propre et bien fait, il sonnera juvénile et on aura même droit à un riquiqui contre-ut mais je ne vibrerai jamais, même le temps d'une double croche.
Avec le baryton, dont il m'est impossible de mémoriser le nom, nous entrons dans une autre dimension. L’instrument est imposant, la technique accomplie et l’artiste d’une grande intelligence musicale. Je dois confesser que son « d’un padre e d’una suora affreta» m’a vraiment impressionné et j’en salue vivement les vocalises. Il suffira d’avoir entendu comme moi autant de barytons se vautrer dans ce passage pour en comprendre la difficulté. Malheureusement je dois aussi parler d’un timbre monochrome et mat qui lasse et retire l’émotion que l’on attend ici, d’autant plus qu’il n’est clairement pas un foudre de l’interprétation. Son chant posé et irréprochable me rappelle un peu Wixell (la somptuosité du timbre en moins) ; je dirais qu’il vient de rejoindre le rang des Salsi et Lucic. Pour certains cela suffira grandement. Pour moi je le reverrai, avec plaisir, dans d’autres rôles.
Enfin le rôle titre : Kos. Le premier acte la révèle au meilleur avec une voix qui remplit l’espace (petit détail qui m’a amusé mais surtout intéressé : une note rebelle ne l’ayant visiblement pas satisfaite, elle la reprend à la phrase suivante en la tenant, la prolongeant, tout en adaptant en tâtonnant sa projection afin d’atteindre l’impact escompté). Une grande chanteuse disait un jour « pourquoi chanter ce rôle archi rabattu ? J’y ajouterais peut-être une ou deux notes nouvelles ». Et ainsi fit elle hier avec un piano inattendu dans une de ses premières phrases, ce genre de nuance qui vous flatte l’oreille d’entrée et vous met dans les meilleures dispositions comme un chat ronronnant en s’installant sur la canapé. L’acte se conclut par un « forse a lui » et un « sempre libera » irréprochables de technique et de style. Le Mib ne sera certes pas une référence de justesse et d’émission mais elle le tient longuement et crânement. On se dit que l’on tient peut être une des grandes Violetta du moment. Malheureusement, ici aussi, elle a du trop écouter les recommandations appuyées de Callas à Sass : « surtout veillez à ne pas vous consumer ». Le chant des actes suivants sera un modèle de projection et de nuances mais jamais on n’entendra la fièvre qui la conso(u)mme, l’urgence de vivre, talonnée par cette consomption qui essaie de gagner la course.
Pour autant, j’ai quasiment la conviction que sa prestation d’hier était dictée par une volonté de tenir la durée et d’être intelligemment perçue du dernier des gradini. Aussi je n’hésiterai surement pas à la revoir dans un lieu plus confidentiel, surtout pour ce rôle.
Des contraintes de vol m’imposèrent de ne pas assister au dernier acte mais pour moi la messe était dite et je suis sur que je pourrais écrire le CR du dernier tableau sans vraisemblablement me tromper. Ne travaillant pas dans certains journaux de la presse écrite :akuma: , je m’en abstiendrai.

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Re: la Traviata - Oren/Zefirelli - Vérone - 08/2019

Message par PlacidoCarrerotti » 23 août 2019, 09:00

Excellent :lol:

Où étais-tu placé et as-tu ressenti une sonorisation ?
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

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Re: la Traviata - Oren/Zefirelli - Vérone - 08/2019

Message par Loïs » 23 août 2019, 10:11

PlacidoCarrerotti a écrit :
23 août 2019, 09:00
Excellent :lol:

Où étais-tu placé et as-tu ressenti une sonorisation ?
En gradin bas de côté
comme j'en parle au dessus: j'ai entendu clairement des voix bien mieux audibles qu'avant mais j'ai attribué cela à l'agencement de l'espace scénique et cela pouvait se vérifier avec une écoute très différente selon les actes et les positions des chanteurs

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Re: la Traviata - Oren/Zefirelli - Vérone - 08/2019

Message par Loïs » 23 août 2019, 11:39

Pour cette production, il y eut d'autres distributions selon les dates:

Violetta Valéry
Aleksandra Kurzak (21, 28/6), Irina Lungu (11, 19, 25/7), Lisette Oropesa (1, 8, 17/8), Lana Kos (22, 30/8 – 5/9)

Alfredo Germont
Pavel Petrov (21, 28/6 – 11, 19, 25/7), Vittorio Grigolo (1, 17/8), Arturo Chacón-Cruz (8/8), Stephen Costello (22, 30/8 – 5/9)

Giorgio Germont
Leo Nucci (21, 28/6 - 17/8), Simone Piazzola (11, 19, 25/7 - 8/8), Plácido Domingo (1/8), Amartuvshin Enkhbat (22, 30/8 – 5/9)

Quelques photos:
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Re: la Traviata - Oren/Zefirelli - Vérone - 08/2019

Message par PlacidoCarrerotti » 23 août 2019, 12:55

Pourquoi tant d'Or-haine...
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

srourours
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Re: la Traviata - Oren/Zefirelli - Vérone - 08/2019

Message par srourours » 23 août 2019, 12:56

Le baryton au nom imprononçable fut un Nabucco fabuleux l'année derniere au TCE. Chant de haute école et le timbre (et le style ) m'évoque bien plutôt Bruson. À retrouver en novembre à Lyon puis au TCE dans Ernani.

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Re: la Traviata - Oren/Zefirelli - Vérone - 08/2019

Message par Loïs » 23 août 2019, 15:16

srourours a écrit :
23 août 2019, 12:56
Le baryton au nom imprononçable
je n'allais pas aussi loin
Loïs a écrit :
23 août 2019, 08:25
Avec le baryton, dont il est impossible de mémoriser le nom,


srourours a écrit :
23 août 2019, 12:56
Le baryton fut un Nabucco fabuleux l'année derniere au TCE. Chant de haute école et le timbre (et le style ) m'évoque bien plutôt Bruson. À retrouver en novembre à Lyon puis au TCE dans Ernani.
C'est bien ce que je veux croire surtout avec l'aide d'un autre chef
Loïs a écrit :
23 août 2019, 08:25
je le reverrai, avec plaisir, dans d’autres rôles.

srourours
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Re: la Traviata - Oren/Zefirelli - Vérone - 08/2019

Message par srourours » 23 août 2019, 15:52

Formidable ;)

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Re: la Traviata - Oren/Zefirelli - Vérone - 08/2019

Message par jerome » 24 août 2019, 22:40

Ayant vu la diffusion télévisuelle avec Kurzak, j'ai été séduit du début à la fin! Mais que ça fait du bien de voir cette œuvre dans ces conditions visuelles et esthétiques! Chant à la hauteur et Oren, sans être la baguette du siècle, se montre d'une efficacité totale! Moi des soirées comme ça, j'en veux bien tous les jours!

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