Verdi- Macbeth – Gamba/Martinoty – Toulouse Capitole – 05/2018

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jeantoulouse
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Verdi- Macbeth – Gamba/Martinoty – Toulouse Capitole – 05/2018

Message par jeantoulouse » 16 mai 2018, 17:02

Michele Gamba direction musicale
Jean-Louis Martinoty mise en scène réalisée par Frédérique Lombart
Bernard Arnould décors
Daniel Ogier costumes
François Thouret lumières
Gilles Papin vidéo

Vitaliy Bilyy Macbeth
Béatrice Uria-Monzon Lady Macbeth
In Sung Sim Banco
Otar Jorjikia Macduff
Boris Stepanov Malcolm
Emanuela Pascu Suivante de Lady Macbeth

Pascal Gardeil Domestico*
Christian Lovato Sicario*
Jean-Luc Antoine Apparizione*
Thierry Vincent Araldo*
Carlos Rodriguez Medico*
* artistes du Chœur du Capitole

Orchestre national du Capitole

Chœur du Capitole
Alfonso Caiani direction

Représentation du 22 mai 2018.

Voici donc à Toulouse la mise en scène conçue par Jean-Louis Martinoty pour le Macbeth de Verdi. Réalisée avec soin par Frédérique Lombart, plus consensuelle peut-être que celle de 2012, édulcorée ou affadie qui sait ? , elle s’avère d’une totale lisibilité, servant l’œuvre de de Verdi et sa noirceur, sa violence, son déchainement de haine et de pulsions. Pulsions de l’ubris, pulsion de pouvoir, pulsion de mort entrainent en effet cette descente aux enfers que constitue la sanglante saga du couple Macbeth. Le noir, le sombre – notamment le vert bronze - dominent la fresque macabre avec leur opposé le blanc : cette dualité simple mais efficace se trouve symbolisée par l’apparition sauvage des sorcières Janus, religieuses immaculées côté face, côté pile lugubres squelettes. Omniprésentes de bout en bout, elles organisent opportunément la tragédie qu’elles ont prédite. Figures inquiétantes du monde souterrain, elles trouvent en quelque sorte leur correspondance humaine dans le personnage de Lady Macbeth qui semble prolonger leur maléfice et exécuter leur funeste projet. Cette proximité est marquée par tout un jeu de reflets, de coprésence, de liens subtilement sensibles dans la dramaturgie. Martinoty (disparu en 2016) s’est entouré d’une équipe artistique de premier plan. Le décor et ses effets de miroir signés Bernard Arnould, les costumes élaborés par Daniel Ogier participent pleinement à l’entreprise créatrice d’un climat propre à l’œuvre : somptuosité (la robe de Lady Macbeth ), richesse, insignes du pouvoir apparaissent à la fois pervertis et magnifiés par la cruauté, l’âpreté, la noirceur liées au couple titre. Les lumières réglées par François Thouret fouillent les ombres du palais, celles de l’antre des sorcières, de la nuit du somnambulisme comme dans les consciences torturées des protagonistes. Loin de la vision d’un Tcherniakov qui faisait des Macbeth un couple de parvenus, de Ceausescu d’autant plus odieux et inquiétants qu’ils paraissaient ordinaires, Martinoty et son équipe, fidèles à une approche plus convenue de Shakespeare, les parent d’atours royaux pour en dévoiler la monstruosité tragique. On doit regretter que la direction d’acteurs ne soit pas également signifiante, limitée à des déplacements ou à des postures traditionnels. La représentation, malgré cette réserve et quelques menues autres (le ballet aux poupées grotesques à la Hans Bellmer par exemple) reste de noble tenue et offre des images d’une belle qualité esthétique.

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Crédit Patrice Nin

L’interprétation est évidemment dominée par la Lady Macbeth que compose Béatrice Uria-Monzon. Le chant est-il parfait ? La cantatrice est-elle totalement à l’aise dans chacun de ses quatre airs, à chaque échange ? Sans doute pas, mais tragédienne elle est, tragédienne elle reste, imposant l’incandescence d’une voix au scalpel, la beauté de sa prestance, l’autorité d’une expérience de soprano, l’élégance hautaine de sa démarche, la projection et l’articulation du texte, les moirures d’un timbre aux sombres raucités. La scène de somnambulisme devient à ces égards le sommet d’une prestation où l’art de la scène et la technique vocale composent un vrai personnage de tragédie shakespearienne.
Vitaliy Bilyy surprend tous ceux qui ont suivi à Toulouse les étapes de son parcours verdien, riche de rôles divers. Comment ou pourquoi, cette voix qu’on connait ample, sonore, clairement projetée apparait-elle au début si pâle, si blanche, comme anémiée ? Et pourquoi et comment peu à peu retrouve-t-on, rassuré, les qualités vocales du baryton ? Cette constance (de la générale aux autres représentations semble-t-il) peut-elle provenir d’une certaine conception de l’évolution du personnage, comme écrasé par les prédictions des sorcières, anéanti par le premier crime, puis assumant la monstruosité que le choix de son destin déploie ? Si l’hypothèse est juste, ce choix audacieux mériterait sans doute de plus amples informations. Mais, chacun en conviendra, la fin de Macbeth, et singulièrement le Perfidi, sont magnifiquement chantés.

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Crédit Patrice Nin

Moins d’état d’âme et plus de mâle et immédiate autorité dans le Banco franc du collier et superbe d’In Sung Sim dont la grande scène avant la mort impressionne. Quant au jeune ténor géorgien Otar Jorjikia dans le rôle de Macduff, il constitue une vraie révélation. Il a remporté en 2016 le Prix Galina Vishnevskaya et sa prestation toulousaine validerait le choix du jury. La voix se révèle saine, souple, émouvante, le legato est celui d’un musicien. Il joint à une technique maitrisée un art du chant généreux qui augure bien de la suite de son parcours. Sollicité en Russie ou en Australie pour Don José ou PInkerton, il doit chanter Germont au Bolchoï sous la direction de Tugan Sokhiev en juin 2018. Une carrière à suivre. Boris Stepanov en Malcolm et Emmanuela Pascu en dame d’honeur ne déparent pas la distribution, loin s’en faut, et le Médecin de Carlos Rodriguez, artiste du chœur mérite louanges.
Du chœur des sorcières, suavement perverses, au chœur des proscrits, au pathétisme maitris, en passant par celui des sicaires, les femmes et les hommes qui composent l’ensemble dirigé de main de maître par Alfonso Caïani animent avec vaillance, projection, tranchant ou émotion leur ample participation à la représentation. Ils en soulignent la cohérence et la puissance dramatique. Des solistes campent avec autorité et engagement des comprimari convaincants. Michele Gamba assure avec enthousiasme la direction musicale de l’Orchestre national du Capitole. Le frémissement qui en sourd est autant urgence qu’horreur, pulsion que répulsion. La tension enfièvre les duos, les ensembles et le final du I devient un grand moment de fusion collective. La musique de Verdi vibre et bouillonne, ricane et grince, sonne dru. L’ensemble est le produit d’une rare cohésion entre un orchestre survolté et un chef puissamment investi au service d’un compositeur dramaturge accompli.
Accueilli sans excès d’enthousiasme pendant la représentation, ce Macbeth – opéra dont la dernière production à Toulouse datait de 1994 - remporte au final un très grand succès, largement mérité.

Jean Jordy

dessoles
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Re: Verdi- Macbeth – Gamba/Martinoty – Toulouse Capitole – 05/2018

Message par dessoles » 19 mai 2018, 19:38

remarques non spécialisées: incisif chef d'orchestre, partition magnifiquement interprétée, accompagnement des voix remarquables .
décors intelligents et mise en scène appuyant plus sur le drame intimiste que la démonstration violente et guerrière
Par contre...trop de coupures et de baisser de rideaux entre les scènes....cela anéantit l'évolution inexorable vers la folie ....sensation de numéros se suivant détachés les uns des autres...penible!
Vocalement mme Uria monzon.......fait de l'uria monzon.......les notes sont vaguement la....mais lady macbeth est ailleurs manifestement! bof! (par contre plastique superbe)

Monsieur Bilyy dans macbeth ,apres une première partie poussive ( voix terne, peu puissante, jeu redoutable dans le cote empoté) se rattrape apres l'entracte...on le retrouve (ouf!) et, la, il est remarquable jusqu'a sa mort!
Otar Jorjikia dans macduff EST la bonne surprise de la soirée(la seule) ....quelle voix,presence....tout d'un coup on sort de la somnolence pépère que seul les choeurs et l'orchestre arrivaient a briser....
Spectacle vu et aussi vite oublié! rare au Capitole.......

jeantoulouse
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Re: Verdi- Macbeth – Gamba/Martinoty – Toulouse Capitole – 05/2018

Message par jeantoulouse » 23 mai 2018, 14:18

Compte rendu placé en tête du fil.

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Re: Verdi- Macbeth – Gamba/Martinoty – Toulouse Capitole – 05/2018

Message par Loïs » 23 mai 2018, 15:17

jeantoulouse a écrit :
16 mai 2018, 17:02
L’interprétation est évidemment dominée par la Lady Macbeth que compose Béatrice Uria-Monzon. Le chant est-il parfait ? La cantatrice est-elle totalement à l’aise dans chacun de ses quatre airs, à chaque échange ? Sans doute pas, mais tragédienne elle est, tragédienne elle reste, imposant l’incandescence d’une voix au scalpel, la beauté de sa prestance, l’autorité d’une expérience de soprano, l’élégance hautaine de sa démarche, la projection et l’articulation du texte, les moirures d’un timbre aux sombres raucités. La scène de somnambulisme devient à ces égards le sommet d’une prestation où l’art de la scène et la technique vocale composent un vrai personnage de tragédie shakespearienne.
C'est déjà ce que j'avais ressenti lors de la prise de rôle à Bruxelles et j'aimerais la voir dans une mise en scène plus réussie

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