Jonas Kaufmann

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Re: Jonas Kaufmann

Message par Lucas » 19 mars 2016, 17:07

C'est très mal mais j'ai eu, ce mois ci, ma petite crise Kaufmann en achetant quatre de ses DVD. Voici mes rapides impressions par ordre chronologique :

1- Don Carlo : Magnifique prestation du ténor allemand avec des demi-teintes et des pianissimi sublimes avec une Harteros qui négocie habilement la tessiture de falcon d'Elisabeth en poitrinant ses graves avec élégance; ce qui nous vaut notamment un duo final d'anthologie. Belle présence de Semenchuk au timbre néanmoins un peu anonyme et clefs de fa allant du médiocre (Hampson) à l'indigne (Salminen usé jusqu'à la corde) dans une mise en scène épurée d'une grande beauté.

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2- La Forza del destino : Et bien voilà, il suffisait de remplacer Hampson par Tézier et on a un Verdi d'anthologie avec une Harteros, plus callassienne que jamais avec ses immenses mains croisées sur une robe noire très sobre sans oublier ses grands yeux sombres apeurés qui lui mangent le visage. Son air du second acte est déchainé et anthologique. Sinon, que dire des pianissimi timbrés de Kaufmann et de son engagement dramatique si ce n'est qu'ils sortent notre Ludovic Tezier national de sa torpeur habituelle. Que de progrès accomplis par ce baryton dont la voix s'est étoffée dans le grave au point de se hisser au niveau des meilleurs chanteurs verdiens. On jettera cependant un voile pudique sur la mise en scène grotesque fort heureusement évacuée par la multiplication des gros plans au point qu'on a souvent le sentiment d'assister à une représentation semi-scénique. En un mot, la voici enfin la version de référence, tout support confondu, du chef d'œuvre de Verdi dans la mesure où les trois rôles principaux sont souverainement chantés. Ailleurs, vous aurez le choix entre la distribution féminine intouchable de Schippers (avec Price et Verrett) mais, avec en cadeau bonus, un Tucker dont on se passerait bien ou une Tebaldi angélique mais malheureusement entichée d'un MariodelMo hurleur. Reste Muti dont la distribution homogène ne peut faire oublier que les habits de Leonora sont un peu larges pour Freni et les subtilités d'Alvaro, étrangères au chant très latin mais un peu monochrome de Domingo.

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3- La Fanciulla del west : Kaufmann y campe un magnifique héros de far-west, logiquement moins subtil et raffiné que Carlo ou Alvaro, avec une assurance vocale stupéfiante et tord le coup à l'image trop uniforme que ses détracteurs veulent donner de lui. Alors, bien sûr, des nuances, vous en aurez mais un peu moins que d'habitude. Stemme est royale même si un peu lourde d'émission (écoutez Steber en comparaison) et peu latine (cf Tebaldi encore à son meilleur) et la mise en scène, un peu trop littérale à mon goût, ne choquera pas le bourgeois. Malheureusement il y a un gros mais : la prestation nullissime de Konieczny dont le timbre ingrat, engorgé et nasillard vous oblige à vous boucher les oreilles dès que Jack Rance entre en scène. C'est simple, je n'ai jamais entendu un baryton aussi lamentable depuis le Wurm de Ganzarolli dans la Luisa Miller par ailleurs remarquable de Maazel. Mais bon, pour le couple Dick/Minnie, on ne trouvera pas mieux au disque à moins de supporter MariodelMo face à Steber ou Tebaldi. Décidément, l'affreux ténor italien avait fait coup double ...

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4- Cavalleria Rusticana/Pagliacci : le DVD à offrir à Jérôme pour son anniversaire tant la transposition dans l'Italie des années 20 est réussie et esthétique. De surcroît, si la division de la scène en six panneaux au format 16/9 devait ôter de l'envergure au décor d'ensemble, elle s'avère idéale pour une captation vidéo qui privilégie les plans serrés en permettant d'avoir six décors pour le prix d'un. Néanmoins, Kaufmann y est un peu inégal : formidable de subtilité dans Turridu, dont la tessiture assez centrale ne l'oblige pas à forcer ses moyens, il propose un Canio un peu métallique et sentant l'effort dans la scène finale. Problèmes techniques ou fatigue occasionnelle, difficile à dire même si son "Vesti la giubba" le montre sous un jour plus flatteur que sur YT avec les crachats en moins car capté à l'occasion d'une autre représentation. Pas sûr, néanmoins que Canio soit le rôle de sa vie car son côté plus univoque et ses aigus très tendus ne permettent pas toujours au ténor allemand de délivrer ses nuances habituelles. Quant à l'entourage, il est assez inégal avec la Santuzza privée d'harmoniques graves et d'italien de Monastyrska et le Tonio bien râpeux et quelconque de Platanias. En revanche la Nedda, peut être un peu trop corsée, d'Agresta et le Silvio au legato soigné d'Adruini forcent le respect tout comme la direction peu latine mais magnifique sur le plan instrumental (la Staaskapelle de Dresde tout de même) de Thielemann. Bref, on reste assez loin des versions de référence habituelles (Serafin avec Callas, Gobbi et Paneraï, Karajan avec la jeune Cossotto, Bergonzi et Taddeï ou pour, le seul Paillasse, la version de Chailly avec Cura, la jeune Fritoli, Alvarez et Keenlyside) mais sur le plan visuel, c'est merveilleux.

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Re: Jonas Kaufmann

Message par amelita » 19 mars 2016, 17:19

Anja Harteros a les yeux d'un bleu profond, très beaux textes , merci Lucas.

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Re: Jonas Kaufmann

Message par Lucas » 19 mars 2016, 17:23

amelita a écrit :Anja Harteros a les yeux d'un bleu profond, très beaux textes , merci Lucas.
Il va falloir que je change de lunettes ...

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Re: Jonas Kaufmann

Message par amelita » 19 mars 2016, 17:26

Euh.. quelque part je peux comprendre car son regard est souvent sombre et profond mais de près quand on lui parle on voit combien il est clair. Elle a une beauté très classique et naturelle. Pas de chichi vestimentaire, c'est remarquable au fil du temps. pardon pour ce HS chez Jonas son grand partenaire!

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Re: Jonas Kaufmann

Message par Lucas » 19 mars 2016, 17:35

amelita a écrit :Euh.. quelque part je peux comprendre car son regard est souvent sombre et profond mais de près quand on lui parle on voit combien il est clair. Elle a une beauté très classique et naturelle. Pas de chichi vestimentaire, c'est remarquable au fil du temps. pardon pour ce HS chez Jonas son grand partenaire!
Elle n'est pas moins grande que lui sur le plan artistique et il faut absolument que les maisons de disques continuent à miser sur cette collaboration magique.

Sinon, dans la Forza, il y a une scène formidable dans le duo du 3ème acte entre le ténor et le baryton où Kaufmann se jette sur une table de 8 mètre pour y faire un vol plané et s'arrêter net devant Tézier tout en délivrant des aigus stupéfiants. Franchement, j'ai essayé dans mon salon mais j'ai failli me vautrer ...

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Re: Jonas Kaufmann

Message par Stefano P » 19 mars 2016, 18:11

Lucas a écrit :Sinon, dans la Forza, il y a une scène formidable dans le duo du 3ème acte entre le ténor et le baryton où Kaufmann se jette sur une table de 8 mètre pour y faire un vol plané et s'arrêter net devant Tézier tout en délivrant des aigus stupéfiants. Franchement, j'ai essayé dans mon salon mais j'ai failli me vautrer ...
En fait, c'est un hommage de JK à cette merveilleuse performance...

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Re: Jonas Kaufmann

Message par HELENE ADAM » 19 mars 2016, 18:14

amelita a écrit :Anja Harteros a les yeux d'un bleu profond, très beaux textes , merci Lucas.
Chère Amelita je ne vais pas mettre la photo où nous sommes en grande conversation Anja Harteros et moi (il faut que je reste un peu incognito quand même) mais elle prouve que ses yeux sont d'un brun profond.... et très beaux. :D
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère

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Re: Jonas Kaufmann

Message par HELENE ADAM » 19 mars 2016, 18:15

Lucas a écrit :
amelita a écrit :Euh.. quelque part je peux comprendre car son regard est souvent sombre et profond mais de près quand on lui parle on voit combien il est clair. Elle a une beauté très classique et naturelle. Pas de chichi vestimentaire, c'est remarquable au fil du temps. pardon pour ce HS chez Jonas son grand partenaire!
Elle n'est pas moins grande que lui sur le plan artistique et il faut absolument que les maisons de disques continuent à miser sur cette collaboration magique.

Sinon, dans la Forza, il y a une scène formidable dans le duo du 3ème acte entre le ténor et le baryton où Kaufmann se jette sur une table de 8 mètre pour y faire un vol plané et s'arrêter net devant Tézier tout en délivrant des aigus stupéfiants. Franchement, j'ai essayé dans mon salon mais j'ai failli me vautrer ...
En vrai la salle a failli s'en arrêter net de respirer du genre 'il va se planter c'est pas possible..." :lol:
Aucun ténor n'a accepté de lui succéder dans cette mise en scène pour le moment malgré la quatrième reprise annoncée pour la prochaine saison.
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Re: Jonas Kaufmann

Message par Stefano P » 19 mars 2016, 18:22

Lucas a écrit :4- Cavalleria Rusticana/Pagliacci : le DVD à offir à Jérôme pour son anniversaire tant la transposition dans l'Italie des années 20 est réussie et esthétique. De surcroît, si la division de la scène en six panneaux au format 16/9 devait ôter de l'envergure au décor d'ensemble, elle s'avère idéale pour une captation vidéo qui privilégie les plans serrés en permettant d'avoir six décors pour le prix d'un.
En video, cette mise en scène est vraiment formidable, et c'est une prouesse technique étonnante (encore plus bluffante que le travail de Katie Mitchell pour son Alcina d'Aix) ! Je ne sais pas si cela faisait autant d'effet sur scène...

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Re: Jonas Kaufmann

Message par HELENE ADAM » 19 mars 2016, 18:32

Stefano P a écrit :
Lucas a écrit :4- Cavalleria Rusticana/Pagliacci : le DVD à offir à Jérôme pour son anniversaire tant la transposition dans l'Italie des années 20 est réussie et esthétique. De surcroît, si la division de la scène en six panneaux au format 16/9 devait ôter de l'envergure au décor d'ensemble, elle s'avère idéale pour une captation vidéo qui privilégie les plans serrés en permettant d'avoir six décors pour le prix d'un.
En video, cette mise en scène est vraiment formidable, et c'est une prouesse technique étonnante (encore plus bluffante que le travail de Katie Mitchell pour son Alcina d'Aix) ! Je ne sais pas si cela faisait autant d'effet sur scène...
Encore plus je trouve (j'étais au balcon à Salzburg ce qui est un avantage pour voir l'ensemble du décor). Elle donnait un côté film des années 60 sépia et même noir et blanc au Cavaliera Rusticana, les artistes se déplaçaient en permanence d'un espace l'autre alors que leur image projetée donnait une vision d'ensemble de leurs approches. Pour le Pagliacci, la séparation est moins radicale (si je puis dire), elle concerne surtout le plan du haut divisé en trois et devient carrément fascinante avec le numéro d'acteur de Kaufmann se maquillant en Pierrot sinistre (à gauche en vrai, vu de loin) à droite filmé en gros plan.
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
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