Haydn- Vera Costanza-Montano/de Capitani-St Etienne-05/2011

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dge
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Haydn- Vera Costanza-Montano/de Capitani-St Etienne-05/2011

Message par dge » 21 mai 2011, 14:25

Haydn : La Vera Costanza

Opéra Théâtre de Saint Etienne - mai 2011


Direction musicale : José Antonio Montano
Conception mise en scène : Elio de Capitani
Réalisation mise en scène : Clovis Bonnaud
Décors : Carlo Sala
Costumes : Ferdinando Bruni
Conception lumières : Nando Frigerio
Réalisation lumières : José-Luis Canales

Rosina : Federica Carnevale
La baronne Irène : Andrea Puja
Lisetta : Arianna Donadelli
Le Comte Errico : Enea Scala
Le Marquis Ernesto : Cosimo Panozzo
Masino : Elier Munoz
Villotto : Gianluca Margheri

Orchestre Symphonique de Saint-Etienne



Représentation du 13 mai 2011

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Au sein de l’œuvre considérable de Haydn, les opéras occupent une place secondaire et ne sont que rarement représentés. La faiblesse des livrets n’est pas la seule explication. Haydn a une certaine difficulté à traduire dans le chant les situations et psychologies des personnages et il n’exprime pas dans ses œuvres lyriques tout le génie et l’invention qu’il manifeste dans les nombreuses autres formes musicales qu’il a abordées. Ses opéras n’en renferment pas moins des pages musicalement très belles.

La Vera Costanza (La Constance véritable) a été écrite sur un livret de Putini déjà utilisé par Anfossi en 1776. Ce dramma giocoso en trois actes a été crée à Eszterhaza le 25 avril 1779. La partition, détruite dans l’incendie du théâtre en novembre 1779, a été réécrite, et sans doute améliorée, en 1785 . Elle a été adaptée pour être jouée à Paris sous le titre de Laurette en 1791 et les cinq représentations données ont été les seules d’un opéra de Haydn en France avant 1959 et la création de Il mondo della luna à Aix. L’œuvre a été redécouverte cette même année à la suite d’un concert dirigé par Kurt Masur en Allemagne. Rappelons qu’elle a été représentée à Lyon en 1980 sous la direction de Claire Gibault.

Le livret est passablement touffu et le résumer est une gageure. Rosina, fille de pêcheurs, est mariée secrètement au comte Errico. Elle a de lui un enfant dont il ignore l’existence. La tante d’Errico, la baronne Irène, escortée de son fiancé Ernesto, de sa servante Lisette, et d’un certain Villotto riche et faible d’esprit part à la recherche de son neveu pour éviter une mésalliance. Une tempête jette leur bateau dans un village de pêcheurs où ils sont secourus par Rosina et son frère Masino. Irène veut pousser Rosina dans les bras de Villotto. Errico parti en voyage refait une apparition inattendue. Après beaucoup de malentendus, de querelles et de réconciliations trois couples se tendront la main : Lisette et Masino tous deux gens du peuple, Irène et Ernesto tous deux nobles, enfin Rosina et Errico qui transgressent les barrières sociales. Il y a dans La Vera Costanza des éléments d’une critique sociale, sans que l’on puisse sérieusement dire que cette œuvre préfigure Les Noces de Figaro.


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La Production présentée à Saint-Étienne a été crée à Madrid en 2009 à l’occasion de la commémoration du bicentenaire de la mort de Haydn. Elle résulte d’une large collaboration internationale réunissant outre Saint-Étienne les opéras de Madrid, Trévise, Sofia, Reggio Emilia, Rouen et Liège.

La mise en scène conçue par Elio de Capitani a été réalisée à Saint-Étienne par Clovis Bonnaud. C’est une illustration au premier degré, façon commedia dell’arte, qui convient parfaitement bien à l’ouvrage et peut se voir comme une reconstitution de la manière dont cette œuvre a pu, ou aurait pu, être représentée à l’époque où elle a été écrite. Le décor du premier acte montre deux tours se faisant face à face: à gauche la maison de Rosina et Masino, à droite un phare. Entre ces tours des praticables où évoluent les protagonistes. L’orage initial qui voit Irène et sa suite jetés sur le rivage est matérialisé par d’immenses voiles bleues agitées sur scène par des machinistes déguisés à la façon de corsaires. Au deuxième acte, au moment ou Errico se prend pour Orphée, un dispositif ingénieux permet de faire apparaître une très belle forêt où se trouve la cabane qui cache l’enfant de Rosina. Les très beaux costumes et les éclairages sont particulièrement réussis pour donner les différentes ambiances de l’action et participent à la cohérence de la vision du metteur en scène. C’est simple, efficace et plaisant d’autant que la direction d’acteurs est constamment présente et ne connaît aucun temps mort. Chaque personnage est parfaitement caractérisé et les interprètes prennent un plaisir évident à s’y identifier.

La distribution se caractérise par sa jeunesse et son homogénéité. Les artistes réunis sont tous lauréats du concours Toti Dal Monte de Trévise et ont déjà chanté ces rôles en alternance avec une jeune équipe espagnole lors de la création madrilène.
Federica Carnevale est une belle Rosina : elle trouve les couleurs nécessaires dans son air du deuxième acte « misera, chi m’aiuta » - Dove fuggo » qu’elle chante avec beaucoup d’intelligence. Enea Scala s’acquitte très bien du rôle d’ Errico même si « Ah, non m’inganno – Or che torna » au deuxième acte l’éprouve un peu mais la tessiture du rôle est très tendue. Gianluca Margheri est un excellent Villotto : voix bien projetée, beau phrasé, belle incarnation scénique de ce personnage benêt auquel il confère beaucoup de relief et de drôlerie. Andrea Puja est une Irène pleine de charme, à l’aigu facile mais le grave manque un peu de soutien. Arianna Donadelli, Cosimo Panozzo et Elier Munoz sont tous trois très investis dans leurs rôles qu’ils chantent avec beaucoup de musicalité.

Enfin il faut louer la direction du jeune chef espagnol José Antonio Montano. Dans une conception non baroquisante il met particulièrement bien en valeur les raffinements de l’orchestration et sait donner le rythme et les éclairages qui conviennent. L’Orchestre Symphonique de Saint-Étienne, dont il faut souligner la performance dans un répertoire qui n’est pas celui qu’il pratique habituellement, le suit à la perfection.

photographies © Cyrille Cauvet

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Message par JdeB » 03 juin 2011, 09:16

Des photographies ont été rajoutées au compte-rendu.

Nous avons découvert Enea Scala à Vienne dans Castor et Pollux (C Rousset) cet hiver et il nous a éblouis... et récolté un triomphe...
Parution de ma biographie "Régine Crespin, La vie et le chant d'une femme" ! Extraits sur https://reginecrespinbiographie.blogspot.com/
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Message par pingpangpong » 05 juin 2011, 19:56

Cette prod sera reprise en avril 2011 avec une distribution identique hormis le rôle du comte Errico qui sera chanté par P.Kabongo.
Enfin elle avait fini ; nous poussâmes un gros soupir d'applaudissements !
Jules Renard

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Message par Christopher » 05 juin 2011, 21:08

merci pour ce CR de cette rareté absolue.

quand est-ce que ça se joue à Rouen (coproduction) ?

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Message par EdeB » 06 juin 2011, 13:34

Christopher a écrit :merci pour ce CR de cette rareté absolue.

quand est-ce que ça se joue à Rouen (coproduction) ?
6, 8 (matinée) et 10 avril
détails page 20 de la brochure 2011-12
http://www.operaderouen.fr/fic_bdd/mag_ ... 337380.pdf
Une monstrueuse aberration fait croire aux hommes que le langage est né pour faciliter leurs relations mutuelles. - M. Leiris
Mon blog, CMSDT-Spectacles Ch'io mi scordi di te : http://cmsdt-spectacles.blogspot.fr/
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Message par Piero1809 » 01 janv. 2012, 13:59

Merci beaucoup pour ce compte rendu que je n'ai vu qu'aujourd'hui. Bravo aux producteurs et acteurs de ce spectacle.

On ne le dira jamais assez. Les opéras de Joseph Haydn sont scandaleusement ignorés. Pourtant ce sont des oeuvres d'art admirables. Pour leur rendre justice il faut tenir compte du fait qu'ils sont tous largement antérieurs aux opéras de Mozart nés de la collaboration avec Da Ponte. Comme l'essentiel de La Vera Costanza date de 1779, on peut tranquillement affirmer qu'aucun opéra italien contemporain (opera buffa ou dramma giocoso) ne lui arrive à la cheville, en tous cas aucun de ceux de Paisiello (Gli Astrologi immaginari), ou de Cimarosa (L'italiana in Londra). La Vera Costanza regorge d'innovations notamment dans les ensembles qui terminent les deux premiers actes et tout particulièrement dans l'extraordinaire septuor qui termine l'acte II. Certains musicologues citent même Fidelio!

Il n'y a aucune différence de niveau entre l'opéra et la musique instrumentale chez Haydn. Au contraire l'opéra anticipe sur les trouvailles qui apparaissent dans les symphonies et les quatuors et certains passages de La Vera Costanza annoncent les développements complexes des symphonies londoniennes. Le troisième acte d'Armida (1784) évoque très nettement La Création de quinze années postérieure.

En dépit d'un livret alambiqué, Haydn arrive par sa musique divine à une caractérisation millimétrée de ses personnages. Ainsi le comte, le noble pas vraiment à son avantage, est une girouette inconstante et velléitaire tandis que Rosina se comporte avec un courage et une dignité exemplaire.

Il serait en effet infiniment souhaitable de créer l'opéra éponyme de Pasquale Anfossi, source d'inspiration probable pour Haydn. Malheureusement on aura droit cette année comme d'habitude à la cohorte habituelle des nièmes production de Don Giovanni ou de Carmen...

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