Je ne serai pas si négatif, mais il faut dire que c'était mon premier Rheingold (un opéra qui a longtemps été mon préféré) et que de toutes façons, entendre cette musique est un grand bonheur.
La mise en scène fonctionne mieux pour moi que Butterfly (peut-être étais-je dans de meilleures dispositions?). Les éclairages sont mieux gérés, plus professionnellement. Les images sont très belles, notamment celle de la mort de Fasolt (malheureusement ratée à l'orchestre) ou la fin de l'opéra. Mais l'épisode de la grenouille est particulièrement ridicule et bien des choses sont peu originales. Surtout, les gestes mécaniques demandés par Wilson sont étrangement accompagnés par la direction extrêmement sèche d'Eschenbach.
Celui-ci propose une vraie conception qu'il tient d'un bout à l'autre de l'oeuvre. C'est un parti-pris de lenteur (apparente, parce que je crois que 2h35 ce n'est pas si lent) extrême à certains moments et de sécheresse. ça a des qualités : on prend le temps d'entendre vraiment beaucoup de détails, les chanteurs peuvent en profiter pour mieux dire leur texte, comme Selig (qui a tout de même des difficultés à tenir la lenteur mais qui interprète fabuleusement) ou surtout els trois filles du Rhin, pas si mauvaises que ça, qui accentuent grâce au tempo le côté séducteur et érotique de la première scène, comme je ne l'avais jamais entendu! ça a aussi des inconvénients : la plupart des chanteurs sont à la peine (Rasilainen, Kuebler!) et à bout de souffle ; le prélude est rendu méconnaissable ; la lourdeur du motif du Vertrag ou de la mort de Fasolt est accentuée ; surtout, beaucoup de décalages sont présents, entre l'orchestre et les chanteurs. Pour le reste, j'ai trouvé les bois fort corrects mais je pense que le public (la salle était bourrée!) n'avait pas assez de doigts pour compter les couacs des cuivres
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Rasilainen a décidément une voix bien laide. On a l'impression qu'il meugle dès qu'il y a un écart du grave à l'aigu. On entend un meilleur Wotan du Rheigold à Strasbourg! (Greer Grimsley).
Mihiko Fujimura est une excellente Fricka qui, elle, sort à son avantage des lenteurs eschenbachiennes.
Kuebler a aussi une voix bien laide. Je l'aurais volontiers interverti avec Vogel, qui chantait Mime. Pour moi, Kuebler n'a pas la voix de Loge. Je sais bien que souvent, les ténors qui font Mime font aussi Loge, mais je trouve que Loge devrait avoir une voix plus lyrique, presque mozartienne, qu'a justement Vogel. d'autre part, la diction de Kuebler est mauvaise, avec ces dentales à l'anglaise, beuh...
Leiferkus n'a pas non plus vraiment la voix que je souhaite entendre pour Alberich, pas assez démoniaque, pas assez noire, trop "jolie", mais c'est tout de même pas trop mauvais.
Zhang en Erda est très bien!
Je n'ai pas détesté Wottrich, pour le peu qu'il a chanté dans son premier Rheingold. Par contre, Alvaro est bien peu idiomatique en Donner.
Les filles du Rhin, je le disais, m'ont bien plu, je suis étonné d'avoir lu du mal d'elles sur les représentations d'octobre.
Parmi les deux géants, bien sûr, Selig écrase son compère bien falôt.
Ai-je oublié quelqu'un?
Bref une représentation pas si indigne que ça, mais avec d'étonnant points faibles (mais pourquoi a-t-on engagé Rasilainen, pourquoi???
). Je le reverrai le 8 sans trop de crainte. par contre, ce sera peut-être plus dificile demain pour Walkyrie, car j'ai dans l'oreille les 7 représentations et générale de Venise.
L'opéra semble voué à être le dernier refuge du besoin de la beauté artistique en toc.
(Bernard Shaw, 1898)