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Verdi – Don Carlo – Luisi / Warlikowski – ONP – 10-11/2019
- HELENE ADAM
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Re: Verdi – Don Carlo – Luisi / Warlikowski – ONP – 10-11/2019
La représentation du 14 novembre à l’opéra Bastille faisait un peu figure de « Première » du fait des deux nouveaux interprètes des rôles de Don Carlo (Michael Fabiano) et Elisabetta (Nicole Car), d’une cohésion de la nouvelle équipe perceptible dès les premières scènes et de la présence du metteur en scène, Warlikowski aux saluts où il fut d’ailleurs très chaleureusement applaudi par un public suspendu au déroulement du drame durant près de quatre heures et manifestement totalement « absorbé » par son exposition linéraire et claire.
Fabio Luisi semblait lui aussi particulièrement heureux de diriger l’un des plus beaux opéras de Verdi dans cette ambiance tout à la fois sereine et efficace, d’un plateau adéquat tout à la fois à l’œuvre et à la lecture du metteur en scène.
J’avais déjà entendu le Don Carlo de Michael Fabiano dans une retransmission depuis un opéra des USA il y a quelques années et ce ténor, qu’on peine parfois à caractériser, m’avait alors paru totalement en phase avec ce rôle. Il a largement confirmé sa capacité exceptionnelle d’engagement dans le personnage tourmenté et malade de Don Carlo, se remémorant son amour irrémédiablement perdu et tournant en rond dans la cage de ses souvenirs, enfermé dans l’étroitesse de cette Espagne de l’Inquisition, où l’on chante « Gloire à Dieu » sans le moindre scrupule pour accompagner l’holocauste des « hérétiques ».
Sa "présence" sur scène est de celle qui marque un rôle (et ce, dès l'acte de Fontainebleau), et si le chant n’est pas toujours aussi soigné qu’on pourrait le souhaiter, il n’a pas de défaut majeur : la voix est légèrement rauque mais à bon escient pour exprimer le désarroi et la peine de l’Infant, certains cris relèvent sans doute d’un « excès » expressionniste mais on adopte assez vite cette souffrance à fleur de peau si bien incarnée, le « forte » dominant montre une voix saine et stable et Fabiano sait aussi donner de la « mezzo voce » notamment au final tout en dominant sans peine les ensembles quand il s’agit d’être « spinto » juste avant l’holocauste quand il vient plaider avec force la cause des Flamands.
Nicole Car , dans une prise de rôle, est une Elisabetta magnifique. La voix est beaucoup plus ample et large que celle de Kurzak, et se déploie tout particulièrement lors des deux duos déchirants avec Don Carlo, celui de l’acte 3, « l’entrevue » et surtout celui de l’acte 5 du final qui suit son superbe « Tu che le vanità", où elle émeut profondément, négociant d’une voix fruitée et charnue, l’un des plus beaux airs du répertoire. C’est une jeune Elisabeth, à la voix encore parfois un peu verte, mais comme pour Fabiano, on y croit, on se laisse vraiment emporter par leur jeunesse, leur fougue et leur évidente entente scénique et vocale.
Les autres interprètes étaient déjà là pour la Première et la deuxième auxquelles j’ai assisté lors de cette reprise dans la version italienne de l’inoubliable Don Carlos de 2017.
Je ne saurais tarir d’éloges à l’égard du Posa d’Etienne Dupuis, toujours aussi bien chantant, sans doute le meilleur « verdien » du lot, respectant de son superbe timbre, les legato, les trilles, les petites vocalises du rôle, colorant son chant des mille facettes de la partition verdienne, maniant la mezzo voce et les crescendo/descrescendo avec une classe folle et bouleversant dans son personnage utopiste et généreux, qui finalement, est incontestablement l’un des rôles principaux de l’œuvre puisque, outre ses solos, il a des duos avec à peu près tous les autres. Et quels duos ! Du célèbre « Dio, che nell'alma infondere » avec l’Infant, dont le thème reviendra avec la nostalgie d’une profonde amitié qui se termine mal, à la rencontre magistrale avec Filippo, qui est l’une des plus belles scène de cet opéra, le Posa de Dupuis, représente face au Don Carlo névrosé de Fabiano, la raison, l’empathie, la grandeur, la ferveur, la sagesse, le sens du sacrifice.
C’est très impressionnant. A l’applaudimètre il remporte d’ailleurs une énorme ovation largement méritée.
Anita Rachvelishvili m’a paru en un peu moins bonne forme que lors des deux représentations précédentes mais, malgré la dissociation un peu gênante de ses registres qui fait qu’on perçoit nettement par moment deux voix distinctes, son personnage reste parfaitement bien incarné lui aussi, une Eboli forte et faible tout à la fois, qui ne laisse personne indifférent comme d’ailleurs l’ensemble des personnages de cette représentation.
J’ai trouvé que René Pape avait retrouvé sa grande forme de la Première et semblait totalement à l’aise dans cette interprétation d’un Filippo aux multiples fêlures, personnage au pouvoir immense mais qui ne sait comme retrouver l’amour de sa femme, et ce mélange est singulièrement valorisé par la direction d’acteur précise et parfaite de Warlikowski.
Dommage que l’Inquisiteur n’ait pas la voix de « basse profonde » qu’on attend pour offrir un égal contraste lors de son duo avec Filippo que celui que nous donne magnifiquement le duo Dupuis/Pape à l’acte précédent.
Dommage aussi que le "pape" chante toujours aussi faux et que Charles-Quint n’ait pas non plus suffisamment d’ampleur pour convaincre lors du final.
Les autres rôles tenus par Julien Dran et Eve-Marie Hubeaux sont à la hauteur de cette distribution globalement très convaincante de même que les chœurs qui démarrent formidablement dès l’acte 1, et l’orchestre qui sous la direction de Luisi nous livre un Verdi extrêmement fluide, dramatique sans boursouflure, splendide d’un bout à l’autre et qui, jamais au grand jamais, ne couvre les chanteurs qu’il respecte profondément et aide à chaque fois que nécessaire.
Exceptionnelle soirée pour moi.
Dans les dossiers d'ODB : l'entretien que nous a accordé Etienne Dupuis pendant les répétitions de ce Don Carlos :
http://www.odb-opera.com/joomfinal/inde ... e-montreal
Fabio Luisi semblait lui aussi particulièrement heureux de diriger l’un des plus beaux opéras de Verdi dans cette ambiance tout à la fois sereine et efficace, d’un plateau adéquat tout à la fois à l’œuvre et à la lecture du metteur en scène.
J’avais déjà entendu le Don Carlo de Michael Fabiano dans une retransmission depuis un opéra des USA il y a quelques années et ce ténor, qu’on peine parfois à caractériser, m’avait alors paru totalement en phase avec ce rôle. Il a largement confirmé sa capacité exceptionnelle d’engagement dans le personnage tourmenté et malade de Don Carlo, se remémorant son amour irrémédiablement perdu et tournant en rond dans la cage de ses souvenirs, enfermé dans l’étroitesse de cette Espagne de l’Inquisition, où l’on chante « Gloire à Dieu » sans le moindre scrupule pour accompagner l’holocauste des « hérétiques ».
Sa "présence" sur scène est de celle qui marque un rôle (et ce, dès l'acte de Fontainebleau), et si le chant n’est pas toujours aussi soigné qu’on pourrait le souhaiter, il n’a pas de défaut majeur : la voix est légèrement rauque mais à bon escient pour exprimer le désarroi et la peine de l’Infant, certains cris relèvent sans doute d’un « excès » expressionniste mais on adopte assez vite cette souffrance à fleur de peau si bien incarnée, le « forte » dominant montre une voix saine et stable et Fabiano sait aussi donner de la « mezzo voce » notamment au final tout en dominant sans peine les ensembles quand il s’agit d’être « spinto » juste avant l’holocauste quand il vient plaider avec force la cause des Flamands.
Nicole Car , dans une prise de rôle, est une Elisabetta magnifique. La voix est beaucoup plus ample et large que celle de Kurzak, et se déploie tout particulièrement lors des deux duos déchirants avec Don Carlo, celui de l’acte 3, « l’entrevue » et surtout celui de l’acte 5 du final qui suit son superbe « Tu che le vanità", où elle émeut profondément, négociant d’une voix fruitée et charnue, l’un des plus beaux airs du répertoire. C’est une jeune Elisabeth, à la voix encore parfois un peu verte, mais comme pour Fabiano, on y croit, on se laisse vraiment emporter par leur jeunesse, leur fougue et leur évidente entente scénique et vocale.
Les autres interprètes étaient déjà là pour la Première et la deuxième auxquelles j’ai assisté lors de cette reprise dans la version italienne de l’inoubliable Don Carlos de 2017.
Je ne saurais tarir d’éloges à l’égard du Posa d’Etienne Dupuis, toujours aussi bien chantant, sans doute le meilleur « verdien » du lot, respectant de son superbe timbre, les legato, les trilles, les petites vocalises du rôle, colorant son chant des mille facettes de la partition verdienne, maniant la mezzo voce et les crescendo/descrescendo avec une classe folle et bouleversant dans son personnage utopiste et généreux, qui finalement, est incontestablement l’un des rôles principaux de l’œuvre puisque, outre ses solos, il a des duos avec à peu près tous les autres. Et quels duos ! Du célèbre « Dio, che nell'alma infondere » avec l’Infant, dont le thème reviendra avec la nostalgie d’une profonde amitié qui se termine mal, à la rencontre magistrale avec Filippo, qui est l’une des plus belles scène de cet opéra, le Posa de Dupuis, représente face au Don Carlo névrosé de Fabiano, la raison, l’empathie, la grandeur, la ferveur, la sagesse, le sens du sacrifice.
C’est très impressionnant. A l’applaudimètre il remporte d’ailleurs une énorme ovation largement méritée.
Anita Rachvelishvili m’a paru en un peu moins bonne forme que lors des deux représentations précédentes mais, malgré la dissociation un peu gênante de ses registres qui fait qu’on perçoit nettement par moment deux voix distinctes, son personnage reste parfaitement bien incarné lui aussi, une Eboli forte et faible tout à la fois, qui ne laisse personne indifférent comme d’ailleurs l’ensemble des personnages de cette représentation.
J’ai trouvé que René Pape avait retrouvé sa grande forme de la Première et semblait totalement à l’aise dans cette interprétation d’un Filippo aux multiples fêlures, personnage au pouvoir immense mais qui ne sait comme retrouver l’amour de sa femme, et ce mélange est singulièrement valorisé par la direction d’acteur précise et parfaite de Warlikowski.
Dommage que l’Inquisiteur n’ait pas la voix de « basse profonde » qu’on attend pour offrir un égal contraste lors de son duo avec Filippo que celui que nous donne magnifiquement le duo Dupuis/Pape à l’acte précédent.
Dommage aussi que le "pape" chante toujours aussi faux et que Charles-Quint n’ait pas non plus suffisamment d’ampleur pour convaincre lors du final.
Les autres rôles tenus par Julien Dran et Eve-Marie Hubeaux sont à la hauteur de cette distribution globalement très convaincante de même que les chœurs qui démarrent formidablement dès l’acte 1, et l’orchestre qui sous la direction de Luisi nous livre un Verdi extrêmement fluide, dramatique sans boursouflure, splendide d’un bout à l’autre et qui, jamais au grand jamais, ne couvre les chanteurs qu’il respecte profondément et aide à chaque fois que nécessaire.
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Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
Elle : Eh bien ! donc, frappez votre père ! venez, de son meurtre souillé, traîner à l'autel votre mère
Mon blog :
https://passionoperaheleneadam.blogspot.fr
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Re: Verdi – Don Carlo – Luisi / Warlikowski – ONP – 10-11/2019
Je me demande si ce n'est pas la meilleure distribution, dans cet opéra, que j'aie jamais vue.
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- Mezzo Soprano
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Re: Verdi – Don Carlo – Luisi / Warlikowski – ONP – 10-11/2019
Je partage ce sentiment, ce fut bien supérieur hier soir par rapport au 11 et à la première ! Fabio Luisi bien plus impliqué, les nuances, les couleurs, les attaques ... ce qu'il a réussi a tirer de l'orchestre était superlatif !
Hier soir fut la première de la série au final ! Roberto et Aleksandra ont magnifiquement chanté le 11, mais sans âme théâtrale a mon sens. L'arrivée de Fabiano et Car a permis de voir un spectacle homogène et soudé, au diapason de la mise en scène de Warli.
Hier soir fut la première de la série au final ! Roberto et Aleksandra ont magnifiquement chanté le 11, mais sans âme théâtrale a mon sens. L'arrivée de Fabiano et Car a permis de voir un spectacle homogène et soudé, au diapason de la mise en scène de Warli.
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Re: Verdi – Don Carlo – Luisi / Warlikowski – ONP – 10-11/2019
C'est possible! Hier, dès le premier quart d'heure, on sentait que le public était complètement pris par ce qui se jouait. Aucune faiblesse, aucun relâchement de tension, peut-être Luisi un peu plus retenu dans le tableau d'autodafé, mais superbe dans la scène du cabinet du roi et surtout au cinquième acte. Nicole Car m'a bluffé dans ce dernier acte, un chant solide et qui filait sans que je ne comprenne à quel moment elle reprenait son souffle. Un très beau portrait intime d'Elisabeth.
http://fomalhaut.over-blog.org/
"Le problème à l'opéra, c'est son public." Patrice Chéreau.
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Re: Verdi – Don Carlo – Luisi / Warlikowski – ONP – 10-11/2019
Le pape, pas le René, hein ?
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Re: Verdi – Don Carlo – Luisi / Warlikowski – ONP – 10-11/2019
Oui j'ai rajouté les guillemets pour éviter les confusions : je parle du type à la mitre qui chante juste avant le début de la cérémonie de l'holocauste (je n'ai pas trouvé le nom de l'artiste). Je l'ai entendu trois fois et trois fois c'était affreusement faux...
Lui : Que sous mes pieds se déchire la terre ! que sur mon front éclate le tonnerre, je t'aime, Élisabeth ! Le monde est oublié !
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Re: Verdi – Don Carlo – Luisi / Warlikowski – ONP – 10-11/2019
"le pape" c'est le "Un Araldo" et c'est un choriste (Vincent Morell) qui l'interprète.
Re: Verdi – Don Carlo – Luisi / Warlikowski – ONP – 10-11/2019
Innovation à l’OnP pour la représentation de cet après midi : la voix du ciel n’a pas été chantée par une soprano mais par ... le Chef des chœurs, José Luis Basso !
Vraiment amateur !! Je ne sais pas ce qui s’est passé mais franchement avec le nombre de choristes femmes, n’y avait il pas une soprano disposée à chanter ces quelques mesures ?...
Vraiment amateur !! Je ne sais pas ce qui s’est passé mais franchement avec le nombre de choristes femmes, n’y avait il pas une soprano disposée à chanter ces quelques mesures ?...
« L’opéra est comme l’amour : on s’y ennuie mais on y retourne » (Flaubert)
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Re: Verdi – Don Carlo – Luisi / Warlikowski – ONP – 10-11/2019
Nous savons désormais que José Luis Basso est ténor. Mais à mon avis il a été pris de court et n' a pu faire autrement.
A nouveau une grande représentation, une fabuleuse unité entre chanteurs, chœur, musiciens, chef et metteur en scène, profondément émouvante.
Et quel dernier acte!
A nouveau une grande représentation, une fabuleuse unité entre chanteurs, chœur, musiciens, chef et metteur en scène, profondément émouvante.
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"Le problème à l'opéra, c'est son public." Patrice Chéreau.
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