Reyer - Sigurd - Chaslin / vc - Nancy - 10/2019

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Reyer - Sigurd - Chaslin / vc - Nancy - 10/2019

Message par Philippes » 15 oct. 2019, 15:01

Ernest Reyer
Sigurd

Orchestre de l’Opéra national de Lorraine
Direction musicale Frédéric Chaslin
Chœur de l’Opéra national de Lorraine
Chef de choeur Merion Powell
Chœur d’Angers Nantes Opéra
Chef de choeur Xavier Ribes

Sigurd Peter Wedd
Gunther Jean-Sébastien Bou
Hagen Jérôme Boutillier
Le Grand Prêtre d'Odin Nicolas Cavallier
Brunehilde Catherine Hunold
Hilda Camille Schnoor
Uta Marie-Ange Todorovitch
Le Barde Eric Martin-Bonnet
Rudiger Olivier Brunel

(représentation du 14 octobre 2019)

Le 14 octobre 1919, Sigurd de Reyer inaugurait la nouvelle salle du théâtre municipal de Nancy.
L'architecte Joseph Hornecker reçut sa part d'applaudissements pour son pastiche XVIIIe, préféré par la ville au projet Art Nouveau d'Émile André (un des grands architectes de l'École de Nancy).
Cent ans après, l'opéra de Nancy a eu l'heureuse idée de reprendre cette œuvre, entre-temps sortie du répertoire des théâtres, pour fêter son anniversaire. Si en 1919 il s'agissait de représentations mises en scène (avec "décors neufs"), les deux dates de 2019 sont en version de concert, pour laquelle l'opéra de Nancy a réuni une distribution de très haut vol presque entièrement française.

Sans doute en raison du thème de Sigurd, tiré du même fond nordique que l'Anneau du Nibelung, on ramène souvent Reyer à Wagner, alors que Sigurd n'a quasiment rien de wagnérien (hormis quelques fugaces échos de Lohengrin au 3e acte) mais s'inscrit complètement en revanche dans la grand lignée de la musique lyrique française qui court de Gluck à Berlioz.

Évacuons tout de suite les quelques défauts de la soirée : l'orchestre est très engagé mais la sonorité peu agréable des cordes ne rend pas entièrement justice à l'orchestration de Reyer, et la diction des chœurs est pour le moins perfectible.

Un des atouts de la soirée est la direction de Frédéric Chaslin, qui connait bien l'œuvre pour l'avoir diriger à Genève (on peut d'ailleurs lire avec profit le programme de Genève qui contient de nombreux textes très intéressants d'Ernest Reyer). Il la connait, il l'aime et la défend avec beaucoup d'énergie et d'allant, et ce qu'il faut de poésie et de lyrisme aux moments qui le demandent.
La distribution est dominée par Catherine Hunold dans le rôle très beau et très exigeant de Brunehild. C'est une admirable leçon de grand style de la tragédie française que nous donne la soprano dramatique, qui passe par toutes les nuances des plus impalpables aux grands éclats de la déesse furieuse. Sa présence sur scène impressionne, dès son entrée à la fin du deuxième acte. Face à elle, Camille Schnoor assume crânement le rôle très tendu d'Hilda, et les duos avec Jean-Sébastien Bou à la diction remarquable font parties des moments les plus beaux de la soirée.
Peter Wedd lutte vaillamment contre l'orchestre, et réussit notamment un très bel acte II (on lui sait gré d'une absence d'accent même si la prononciation n'est pas parfaite).
Le reste de la distribution est excellent, en particulier le Hagen de Jérôme Boutillier.

Une œuvre que l'on aimerait voir plus souvent sur les scènes françaises.

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Re: Reyer - Sigurd - Chaslin / vc - Opéra de Nancy - 10/2019

Message par Piem67 » 15 oct. 2019, 21:02

J'y étais hier soir.

Alors, déjà, prononcer "Sigüre" (et non "Si gourde" comme je le faisais bêtement jusque là...).

Exécution musicale digne des plus grands éloges. Distribution impressionnante pour une maison "de région". Catherine Hunold et Camille Schnoor dominent, elles sont vraiment magnifiques l'une comme l'autre. Le Sigurd de Peter Wedd impressionne par sa vaillance dans un rôle impossible. Très beau Gunther ("Günteur") de Bou et superbe Hagen de Jérôme Boutillier. Belle direction de Chaslin mais je pense qu'on pouvait mettre encore plus en valeur l'œuvre, notamment au niveau du dramatisme. Beau travail cependant avec un orchestre très investi. Chœurs superbes (et fort sollicités !).

Bon, l'œuvre maintenant... Elle m'a laissé trèèèèèès dubitatif. C'est globalement convenu, parfois carrément pompier, sans grande inspiration.

En écoutant ce Siegfried français (ou plutôt ce Crépuscule des Dieux puisque c'est pratiquement le même argument), on réalise, si besoin était, combien Wagner était un génie... On est loin de Chausson, Massenet ou Magnard pour citer des compositeurs actifs à la même période...

Je laisser intervenir ceux qui y étaient (ou y seront) et reviendrai sans doute développer un peu...

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Re: Reyer - Sigurd - Chaslin / vc - Nancy - 10/2019

Message par Bernard C » 16 oct. 2019, 22:13

Un grand regret de ne pas avoir eu la disponibilité pour aller admirer Hunold dans cette œuvre.
Merci pour ce retour.
Les critiques vont toutes dans ce sens , comme cet excellent commentaire cependant moins sévère avec l'œuvre que toi :wink:
http://www.concertonet.com/scripts/revi ... view=14175

Bernard
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Re: Reyer - Sigurd - Chaslin / vc - Nancy - 10/2019

Message par PlacidoCarrerotti » 16 oct. 2019, 22:20

Sinon compare cette oeuvre à du Wagner, c’est sûr...
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

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Re: Reyer - Sigurd - Chaslin / vc - Nancy - 10/2019

Message par Piem67 » 16 oct. 2019, 22:22

PlacidoCarrerotti a écrit :
16 oct. 2019, 22:20
Sinon compare cette oeuvre à du Wagner, c’est sûr...
Oui, je sais pas où le chroniqueur a vu / lu que l'on comparait la MUSIQUE de Reyer à celle de Wagner... Ca n'a vraiment rien à voir... Le sujet, OK, mais la musique non.

Par ailleurs, autre erreur, cette résurrection est due à Laurent Spielmann et non au nouveau directeur...

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Message par Philippes » 17 oct. 2019, 20:20

Piem67 a écrit :
15 oct. 2019, 21:02
Bon, l'œuvre maintenant... Elle m'a laissé trèèèèèès dubitatif. C'est globalement convenu, parfois carrément pompier, sans grande inspiration.
En écoutant ce Siegfried français (ou plutôt ce Crépuscule des Dieux puisque c'est pratiquement le même argument), on réalise, si besoin était, combien Wagner était un génie... On est loin de Chausson, Massenet ou Magnard pour citer des compositeurs actifs à la même période...
Je suis tout à fait en désaccord avec l'appréciation de l'œuvre que j'ai beaucoup appréciée (dans une filiation Gluck-Berlioz). La comparaison avec Wagner n'a pas lieu d'être (et déjà l'argument est très sensiblement différent), et pour ma part je préfère cent fois Sigurd au Roi Arthus de Chausson ou à Bérénice de Magnard, au wagnérisme bien lourdingue.

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Re: Reyer - Sigurd - Chaslin / vc - Nancy - 10/2019

Message par Philippes » 17 oct. 2019, 20:20

Mes impressions en tête du fil.

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Re: Reyer - Sigurd - Chaslin / vc - Opéra de Nancy - 10/2019

Message par Piem67 » 17 oct. 2019, 20:34

Philippes a écrit :
17 oct. 2019, 20:20
Piem67 a écrit :
15 oct. 2019, 21:02
Bon, l'œuvre maintenant... Elle m'a laissé trèèèèèès dubitatif. C'est globalement convenu, parfois carrément pompier, sans grande inspiration.
En écoutant ce Siegfried français (ou plutôt ce Crépuscule des Dieux puisque c'est pratiquement le même argument), on réalise, si besoin était, combien Wagner était un génie... On est loin de Chausson, Massenet ou Magnard pour citer des compositeurs actifs à la même période...
Je suis tout à fait en désaccord avec l'appréciation de l'œuvre que j'ai beaucoup appréciée (dans une filiation Gluck-Berlioz). La comparaison avec Wagner n'a pas lieu d'être (et déjà l'argument est très sensiblement différent), et pour ma part je préfère cent fois Sigurd au Roi Arthus de Chausson ou à Bérénice de Magnard, au wagnérisme bien lourdingue.
J'ai déjà dit que la comparaison avec Wagner ne tient qu'au niveau de l'argument, pas de la musique bien sûr.

Oui, Le Roi Chausson contient des longueurs et des faiblesses, mais certaines scènes sont absolument sublimes musicalement (la scène avec Merlin, toute la fin de l'acte III), quant à Magnard, Bérénice n'est pas sa plus grande réussite, je suis d'accord, par contre Guercœur est un chef-d'œuvre absolu, avec une musique d'une très très grande qualité et bien loin, très au-dessus de ce Sigurd. Ne parlons de Berlioz, on est là aussi bien loin notamment pour la qualité de l'orchestration.

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Re: Reyer - Sigurd - Chaslin / vc - Opéra de Nancy - 10/2019

Message par PlacidoCarrerotti » 18 oct. 2019, 06:33

Philippes a écrit :
17 oct. 2019, 20:20
Piem67 a écrit :
15 oct. 2019, 21:02
Bon, l'œuvre maintenant... Elle m'a laissé trèèèèèès dubitatif. C'est globalement convenu, parfois carrément pompier, sans grande inspiration.
En écoutant ce Siegfried français (ou plutôt ce Crépuscule des Dieux puisque c'est pratiquement le même argument), on réalise, si besoin était, combien Wagner était un génie... On est loin de Chausson, Massenet ou Magnard pour citer des compositeurs actifs à la même période...
Je suis tout à fait en désaccord avec l'appréciation de l'œuvre que j'ai beaucoup appréciée (dans une filiation Gluck-Berlioz). La comparaison avec Wagner n'a pas lieu d'être (et déjà l'argument est très sensiblement différent), et pour ma part je préfère cent fois Sigurd au Roi Arthus de Chausson ou à Bérénice de Magnard, au wagnérisme bien lourdingue.
+1
Et y compris pour les livrets.
"Venez armé, l'endroit est désert" (GB Shaw envoyant une invitation pour l'une de ses pièces).

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Re: Reyer - Sigurd - Chaslin / vc - Nancy - 10/2019

Message par sopranolove » 18 oct. 2019, 15:53

J'y étais le jeudi. Et ce fut un moment merveilleux. Bien que je devais me lever tôt pour le travail et que,rentrée à minuit, je n'ai pu vraiment dormir que 5h 30 ou 6 h, je n'en ai pas pâti du tout. Ce que j'avais vu et entendu hier, c'était vraiment que du bonheur, et compensait largement la faible durée de ma nuit....
D'abord une oeuvre que je découvre vraiment dans sa continuité et pas seulement le très bel air du réveil de Brunehilde. Contrairement à Piem, je trouve cette musique magnifique (il faut simplement ne pas la comparer à celle de Wagner ! C'est un mix entre Berlioz, Gounod et Saint Saëns, avec des moments de très beaux lyrisme. Les passages orchestraux ouvrant les troisièmes et quatrièmes actes, par exemple, avec ce choeur de femmes comparant le sort des petits et celui des grands face au désespoir de leur reine. Cette introduction orchestrale (ouvrant le dernier acte) est pleine de lourds pressentiments. Bien sûr, il y a des passages un peu pompeux, mais c'est le lot de tout opéra avec des scènes solennelles (même dans Wagner pour certaines scènes de Lohengrin, Tannhauser et les Maitres...). Mais que cette musique nous emporte, nous prend, et elle accompagne de merveilleux interprêtes, galvanisés, comme l'orchestre et le choeur par un chef possédé par son oeuvre.
Il faut, avant d'accuser Reyer d'avoir copié sur Wagner (aurait-il été influencé inconsciemment par le fait que son nom rime avec celui de son immense collègue ? qui sait ? ), savoir que il n'a pris connaissance de la musique de Wagner qu'après la gestation de son oeuvre. Tout simplement il a puisé aux mêmes sources, c'est à dire Les Eddas (équivalents aux Niebelungen). On peut remarquer aussi que Siegfried est le quasi jumeau de Sigurd, pareil pour Brunehilde, pour Hilde (Gutrune), Gunther... Petite différence : Hagen est moins monstrueux, et Uta (si vocalement on peut la comparer à Waltraute, n'est chez Reyer que la mère de Hilde. Elle a un peu, par contre, de Brangaine, avec le philtre d'amour qu'elle destine à Sigurd...
Un peu moins bien, par rapport à Wagner, le final. Là, la mort de Brunnhilde est plus ample, plus cosmique. Cosmique, ce n'est pas le qualificatif pour Reyer qui concentre en un seul opéra le cycle tout entier (Wagner pouvait traiter son histoire en quatre opéras.)
Mais quelle distribution. Ute vraiment très satisfaisante (Todorovitch), un bon barde qui nous raconte la légende de Brunehilde condamnée par son père à dormir dans un palais en feu, un formidable Hagen (Jerôme Boutilier, le futur grand baryton dramatique français, une figure intéressante et marquante parmi les jeunes barytons de l'après Tezier, en tout cas une belle promesse pour le futur...), un bon ténor, Peter Wedd, vu dans Katia Kabanova, aux prises avec un rôle impossible, et les deux femmes, Camille Schnoor que je découvre et qui est une Hilde superbe. Une belle voix de grand lyrique, arrivant à maîtriser des passages très tendus avec une belle musicalité et une très bonne articulation. Et la reine de la soirée, la grande Catherine Hunold. Superlative interprètation. Voix de toute beauté donnant aux deux airs de Brunehilde leur grandeur, leur musicalité profonde, et encore mieux dans l'air du dernier acte où elle exprime toutes sa douleur. Une actrice aussi qui ressent profondément son personnage, toute en majesté et en touchante humanité. Et, on l'oublie aussi, elle était aussi très belle avec son allure à la Crespin. Elle devrait maintenant, si la logique règnait en maître dans le monde lyrique, nous lèguer de très beaux récitals (et surtout si on lui proposait de le faire) d'airs de toutes ces héroïnes à qui elle a redonné vie (ou qu'elle rechantera plus tard), et j'aimerais tant la voir en Maréchale...
Oups, j'oubliais le bonheur de retrouver Jean Sébastien Bou, très élégant Gunther (peut-être trop noble, pas assez soudard) et le mystérieux grand prêtre d'Odin, de Nicolas Cavallier.

Voilà... Et maintenant que j'ai découvert après ce concert que j'aime vraiment ce répertoire, à quand Esclarmonde, Patrie, Monna Vanna, La Sorcière et pleins d'autres !

En tout cas une belle inauguration de saison pour 2019 2020. Espérons que cela continuera à Nancy...

Une dernière petite note amusante, pour Piem, il n'est pas le seul à parler de Si Gourde. Dans les années 60, dans les premiers numéros d'Opéra, une rubrique humoristique parlait des perles que les disquaires entendaient parfois. Eh bien quelqu'un avait déja fait ce jeu de mot.

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