M.A.Charpentier:Descente d'Orphée aux Enfers-VC-Correspondances/Daucé-Ambronay 22/09/2019

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petitchoeur
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M.A.Charpentier:Descente d'Orphée aux Enfers-VC-Correspondances/Daucé-Ambronay 22/09/2019

Message par petitchoeur » 30 sept. 2019, 22:47

Marc-Antoine Charpentier (1643-1704):
La Descente d'Orphée aux Enfers
(1685-1686)


Henry Purcell (1659-1695) :
Welcome to all the pleasures :
I. Ouverture
II. « Welcome to all the pleasures »
III. « Here the deities approve »
Marc-Antoine Charpentier (1643-1704) :
La Descente d’Orphée aux Enfers H. 488 (Acte I)
Henry Purcell :
« If love is a sweet passion » extrait de The Fairy Queen
« Prepare, the rites begin! » extrait de Theodosius or the force of Love
Marc-Antoine Charpentier :
La Descente d’Orphée aux Enfers (Acte II)
Henry Purcell :
Celestial music did the Gods inspire :
« When Orpheus sang »
« Let Phillis »

Correspondances : solistes, chœur & orchestre

Orphée : David Tricou haute-contre
Euridice : Elodie Fonnard dessus
Enone : Caroline Bardot dessus
Daphné : Perrine Devillers dessus
Proserpine, Aréthuse : Caroline Arnaud dessus
Alto/Mezzo : Lucile Richardot bas-dessus
Ixion : Clément Debieuvre haute-contre
Tantale : Davy Cornillot taille
Apollon, Titye : Étienne Bazola basse
Pluton : Nicolas Brooymans basse

Béatrice Linon, Josèphe Cottet violons
Lucile Perret, Matthieu Bertaud flûtes
Mathilde Vialle, Étienne Floutier, Julie Dessaint violes de gambe
Hager Hanana basse de violon
Thibaut Roussel théorbe
Mathieu Valfré clavecin

Sébastien Daucé orgue & direction


Abbatiale d'Ambronay le 22 septembre 2019
Après trois siècles d'oubli on redécouvre l'oeuvre de Marc-Antoine Charpentier. Grâce à Michel Corboz, qui assuré un retour triomphal de David et Jonathas et de Médée en 1981 et 1984 à Lyon et grâce à William Christie qui, par le concert et l'enregistrement, a su diffuser et faire connaître celui qui est considéré comme le plus grand musicien français du XVIIème siècle. Aujourd'hui grâce à Sébastien Daucé et à son ensemble Correspondances.
La Descente d'Orphée aux Enfers, est un opéra de chambre donné pour la première et unique fois dans le salon de Mademoiselle de Guise à Paris en 1685 ou 1686. Marie de Lorraine, duchesse de Guise, grande mélomane, s'est assurée les services de Marc-Antoine Charpentier qu'elle protège jusqu'en 1687. Il collabore depuis quelques années avec la Troupe du Roy, celle de Molière, pour lequel il compose de nombreuses musiques pour le théâtre : ouvertures, mélodies, danses et intermèdes musicaux. En 1684 il est nommé maître de musique des Jésuites à Saint Louis ainsi qu'à la Sainte Chapelle. Son œuvre religieuse est considérable : messes, leçons des ténèbres, motets, psaumes, opéras sacrés... Ce n'est que tardivement, après la mort de Lully (1687), que Charpentier compose ses deux grandes œuvres lyriques: David et Jonathas (1688), tragédie biblique donnée au collège Louis-le-Grand et Médée (1693) à l'Académie royale de musique . Ses premières œuvres dramatiques, comme La descente d'Orphée aux Enfers, ont des dimensions modestes adaptées au salon de Mademoiselle de Guise et au petit effectif de ses serviteurs musiciens.
Depuis « l'invention » de l'opéra, nombreux sont les compositeurs qui ont mis en musique le mythe d'Orphée : Caccini, Peri, Landi, Rossi sans oublier Monteverdi. La version de Charpentier en diffère : Pluton accepte qu'Euridice regagne le monde des vivants. « Euridice suivra tes pas, mais  pour la regarder, ne te retourne pas , sinon je la reprends par un second trépas » prévient-il Orphée. Et la tragédie s'arrête là ! Dans le choeur final les Ombres Heureuses , les Coupables, les Furies, les Fantômes, Ixion, Tantale et Titye se lamentent de perdre Orphée qui quitte les Enfers, « sa voix touchante qui nous ravit et nous enchante... n'est plus qu'un souvenir si doux » (Acte II, scène 4). Un troisième acte a-t-il existé ou était-il prévu ? Hugh Wiley Hitchcock, musicologue américain, le pense, qui a établi un catalogue raisonné des œuvres de Charpentier (classées H. suivi d'un numéro) publié en 1982.
Le début du premier acte n'est que réjouissances des nymphes jusqu'à la blessure mortelle. La suite n'est que tristesse et plainte de cette issue funeste. Au deuxième acte Orphée, traversant les Enfers soigne de son chant les douleurs infernales d'Ixion, de Tantale et de Titye. Puis il émeut Proserpine et enfin Pluton.
Tous les chanteurs sont solistes et tous forment le choeur. David Tricou est un Orphée magnifique de tristesse et de charme. Son timbre et sa tessiture sont plus proches d'un ténor léger à la française que d'un contre-ténor. Bien projetée la voix est claire, le timbre est limpide, la diction est impeccable. Sa décision de mourir pour rejoindre Euridice est émouvante. Convaincu par Apollon, Etienne Bazola à la voix de basse chaleureuse et convaincante, il rejoint les Enfers où Pluton, Nicolas Brooymans, l'accueille de sa voix puissante, autoritaire et au timbre d'un sombre digne des lieux. Le charme d'Orphée/David Tricou, dans son premier air je ne viens point ici... accompagné du théorbe, opère : Proserpine est touchée. Dans son deuxième air, Euridice n'est plus et mon feu dure encore... David Tricou use de toutes ses qualités : douceur du timbre, longueur de l'émission, souplesse du legato, beauté des pianos, accompagné des seules violes de gambe. C'est un des grands moments de l'oeuvre. Enfin après un troisième air suppliant, accompagné cette fois des violons, Pluton cède. En 2011, Emmanuelle et Jérôme Pesqué s'étaient entretenus avec David Tricou, le ténor qui monte. Lisible sur ODB :
http://www.odb-opera.com/joomfinal/inde ... -qui-monte
Aujourd'hui David Tricou a déjà gravi quelques sommets. Voir le commentaire de cet Orphée donné à Rouen en 2018 :
http://www.odb-opera.com/viewtopic.php? ... harpentier
Elodie Fonnard est une Euridice séduisante, son timbre est velouté et ses aigus sont d'une grande pureté. Ses dernières notes sont chantées dans un souffle à peine perceptible.Tous les autres solistes sont excellents. Sébastien Daucé obtient de son choeur Correspondances, composé de tous les solistes, de se fondre dans une homogénéité qui ne permet plus de distinguer les personnalités vocales des unes et des autres. Les choeurs des Bergers et des Nymphes du premier acte et de la fin de l'ouvrage sont d'une grande beauté.
En « ouverture », en « entracte » et en « conclusion » de l'Orphée de Charpentier, Sébastien Daucé a choisi des œuvres d'un contemporain : Henry Purcell. Occasion d'apprécier une fois encore (une semaine plus tôt ici même dans les motets de Bach dirigés par Raphaël Pichon) Lucile Richardot, sa forte présence et sa voix puissante au timbre d'un beau cuivre somptueux presque minéral. Petit ensemble orchestral de Correspondances pour cet opéra de chambre. Seulement deux violons doublés par des flûte qui dansent et cabriolent gaiement avec le choeur de bergers. Trois violes de gambe et une basse de violon qui soutiennent les voix de leurs timbres chaleureux ce qui donne une poignante humanité à la supplique d'Orphée.
Immense succès : reprise en bis du splendide dernier choeur : Demeurez toujours avec nous...
L'Orphée de Marc-Antoine Charpentier : un ouvrage lyrique à l'écriture musicale très expressive et théâtrale au service de l'émotion, si différente entre le premier acte et le deuxième. Charpentier a retenu les leçons de Carissimi lors de son séjour de trois ans en Italie. On ne peut que regretter que Charpentier n'ait pas eu la possibilité d'écrire plus d'opéras. Sébastien Daucé a acquis une une grande familiarité et proximité avec les musiciens du XVIIème siècle français. Outre les œuvres de Charpentier, Le Ballet royal de la nuit, le Concert royal de la nuit et le Sacre de Louis XIV, parmi ses derniers concerts, en témoignent.
Pierre Tricou (je précise que je n'ai aucun lien de parenté avec David Tricou!).


 

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Re: M.A.Charpentier:Descente d'Orphée aux Enfers-VC-Correspondances/Daucé-Ambronay 22/09/2019

Message par Piero1809 » 01 oct. 2019, 07:27

Merci pour ce beau compte rendu.
Dommage que MA Charpentier n'ait pas pu pour diverses raisons écrire plus pour la scène. Cette Descente d'Orphée aux Enfers est une merveille. Comme pour Orfeo ed Euridice de Haydn, on cherche un acte supplémentaire car on voudrait savoir comment se termine l'histoire.
Pourtant les deux actes de l'Orphée de Charpentier me suffisent totalement avec un premier acte Des verts pâturages à la vallée de l'ombre de la mort et un deuxième Le bonheur des Enfers rendra le Ciel jaloux qui forment un tout.

Il existe un enregistrement de cette oeuvre par le même ensemble chez harmonia mundi 2018. Toutefois Orphée et Eurydice sont interprétés par d'autres chanteurs (excellents aussi).

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