Rapidement et à partir de la retransmission (gratuite) en direct depuis l'opéra de Vienne. Mon CR sera surement complété ou précisé par des Odbiens présents dans la salle.
Rien de spécial à dire sur une mise en scène assez indigente où l'on voit surtout des panneaux s'ouvrir et se fermer, des espaces s'agrandir ou s'éclairer, et des personnages symbolisés surtout par de sommaires costumes. On regrettera une quasi-absence de direction d'acteurs laissant les chanteurs livrés à eux-même.
La direction musicale est inégale avec de beaux moments notamment les parties orchestrales pures, les introductions des "arias" des solistes et les quelques ensemble mais accompagne plus mal les chanteurs, disparaissant parfois ou se décalant notamment avec les choeurs (voir ce que cela donnait en salle ?).
L'annulation d'
Anja Harteros, la meilleure interprète de l'ensemble sur le papier, et incontestablement l'une des meilleures Elisabetta du moment, était une franche mauvaise nouvelle que je n'ai découvert que lors de l'entrée du rôle, donc assez tard, hélas.
Comme beaucoup de chanteurs de la troupe du Bolchoi,
Dinara Alieva chante toute sortes de rôles, Mimi comme Nedda, Micaela ou Violetta et bien sur Elisabetta. Le coeur y est mais la technique pas toujours et la voix s'amenuise dangereusement dans les aigus, n'ayant que rarement l'épaisseur et la profondeur requise pour un rôle qui n'est pas celui d'une soprano légère. Harmoniques un peu pauvres, peu de couleurs, Dinara Alieva a fait le job mais ne me laissera pas de grands souvenirs. Les applaudissements chaleureux qui l'ont accueilli à l'issue d'un final émouvant, prouvent qu'elle devait mieux passer en salle qu'en retransmission, à vérifier.
La bonne surprise, pour moi, est venue du Don Carlo très classe de
Fabio Sartori. Une fois qu'on a admis que son physique n'était guère avantageux et qu'il n'était pas toujours très agile sur scène, on apprécie sa voix, pas simplement la richesse de ses nuances et de sa technique très égale dans l'ensemble de ses phrases musicales (y compris les aigus beaux, larges et donnés sans effort particulier), mais aussi les sentiments et les fêlures du personnage qu'il fait passer par son incarnation subtile. Il domine nettement, encore une fois à ma grande surprise, les duos avec Posa, avec Eboli, avec Elisabetta et c'est lui qui est le plus émouvant et le plus juste sur l'ensemble de l'opéra.
Petite déception par contre quant au Posa de
Simon Keenlyside, qui m'avait laissé un souvenir impérissable lors de ses prestations à Londres en 2014 (je crois) et notamment ses duos avec le Don Carlo de JK. La voix est moins sûre et le legato s'est singulièrement durci ce qui donne parfois une prestation inégale, notes mal ou peu tenues et sortes de "trou" dans la phrase musicale. J'exagère un peu bien sûr, il y a d'immenses moments mais dans l'ensemble ce n'est plus le formidable Posa d'il y a quelques années;
René Pape par contre, semble se bonifier en Filippo, sa maitrise augmente avec les années, sa maturité joue en sa faveur et son grand air est très impressionnant. On le reverra avec plaisir dans un mois à Paris.
Excellent Inquisiteur de
Dmitry Ulyanov, belle basse lui aussi (il sera Filippo à Madrid puis le prince Galitski (Price Igor) à Bastille en décembre).
L'Eboli d'
Elena Zhidkova ne laisse pas indifférent même si elle a raté, à mon sens, son "O don fatale" (pourtant ovationné) ne parvenant à trouver le très difficile "rythme" de l'air, ses syllabes flottant en quelque sorte sans réussir à se poser. Mais elle sait camper un personnage et en donner toute l'épaisseur nécessaire pour marquer son incarnation. Sacrée artiste quand même, après son inoubliable Vénus dans Tannhauser à Bayreuth.
Une soirée retransmission que je n'ai pas regrettée malgré la déception de l'absence d'Harteros (que j'espère en Desdémone à Munich le 20 septembre, croisons les doigts). Sans doute la magie d'un des meilleurs Verdi...
Lien pour la retransmission
https://staatsoperlive.com/2/2588afd9-4 ... 9e1/player