Vivaldi/Jommelli/Porpora: airs sacrés-D.Galou/O.Dantone-La Chaise-Dieu 1/09/2019

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petitchoeur
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Vivaldi/Jommelli/Porpora: airs sacrés-D.Galou/O.Dantone-La Chaise-Dieu 1/09/2019

Message par petitchoeur » 09 sept. 2019, 18:58

Delphine Galou, contralto
Accademia Bizantina
Ottavio Dantone, clavecin, orgue et direction

Violons I: Alessandro Tampieri, premier violon ; Carlo Lazzaroni, Ayako Matsunaga, Andrea Vassalle
Violons II: Mauro Massa, Sara Meloni, Yayoi Masuda
Altos: Diego Mecca, Alice Bisanti
Violoncelles: Emmanuel Jacques, Paolo Ballanti
Contrebasse: Nicola Dal Maso
Archiluth: Tiziano Bagnati

En ouverture au grand orgue :
Antonio Vivaldi(1678-1741) / Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Concerto en sol mineur, BWV 592 (extrait) Premier mouvement. Louis Jullien,orgue.

Antonio Vivaldi:
Introduzione al Miserere, «Filiae maestae Jerusalem», pour contralto, cordes et basse continue, RV 638 : récitatif: Filiae maestae Jerusalem ; aria: Sileant zephyri ; récitatif: Sed tenebris diffusis

Concerto en ré majeur pour violon, «Per la Santissima Assontione di Maria Vergine», RV 582 1. Allegro 2. Grave 3. Allegro

Niccolo Jomelli (1714-1774) :
Betulia liberata [Béthulie libérée] (extrait) : aria: Prigionier che fa ritorno

Antonio Vivaldi :
Juditha triumphans [Judith triomphante], RV 644 (extrait) : aria: Agitata infido flatu

Concerto pour cordes en si bémol majeur, RV 167 1. Allegro 2. Andante 3. Allegro

Introduzione al Miserere, «Non in pratis», pour contralto, cordes et basse continue, RV 641

Concerto pour cordes en fa majeur, RV 138 1. Allegro 2. Largo 3. Allegro

Nicola Porpora  (c . 1686-1768) :
Motet «In procella sine stella »

Abbatiale Saint Robert à La Chaise-Dieu le 1er septembre 2019

Dernier concert du Festival de La Chaise-Dieu 2019 consacré à des œuvres de Vivaldi : deux concerto et des oeuvres sacrées pour orchestre et voix de femme. Ainsi qu'à des oeuvres sacrées de deux napolitains à peu près contemporains de Vivaldi: Nicola Porpora et Niccolo Jommelli. Grand contraste avec le concert de l'après-midi dans cette même abbatiale consacré à Berlioz avec l'imposant Orchestre symphonique de la Garde républicaine (quatre-vingt-dix musiciens sur le plateau). Ce soir un ensemble beaucoup plus modeste (seulement quatorze instrumentistes entourant Delphine Galou, contralto) et une acoustique toujours aussi porteuse, claire et nette.
Pour une dernière fois cette année Louis Jullien, étudiant au CNSMD de Paris, introduit au grand orgue le concert avec le premier mouvement du concerto en sol mineur BWV 592 de Bach/Vivaldi.
Pour permettre à Delphine Galou de souffler, Ottavio Dantone et son ensemble l'Accademia Bizantina glissent entre les œuvres sacrées trois concertos de Vivaldi. Deux pour cordes et un pour violon, celui en ré majeur Per la Santissima Assontione di Maria Vergine . Dans ce concerto Alessandro Tampieri, le premier violon de l'Accademia Bizantina, brille de toute sa technique éblouissante, d'une grande musicalité dans le Grave central et d'une belle puissance dans tous les registres. La longue cadence acrobatique de l'Allegro est menée à toute allure et laisse pantois l'auditeur ! Dans les deux autres concertos, c'est l'ensemble de l'orchestre qui fait preuve d'un agilité stupéfiante dans les Allegro et d'une chaleureuse homogénéité dans les mouvements lents.
Les deux motets Filiae maestae Jerusalem... « Filles affligées de Jérusalem,... voici votre Roi blessé et couronné d'épines » et Non in pratis... « Ni dans les prairies, ni dans les jardins... je ne chercherai mon bien-aimé... car c'est au Calvaire que demeure mon époux » sont deux introductions à un Miserere composé en 1715 pour les orphelines de l'Ospedale della Pietà à Venise où Vivaldi est maître de musique. Les récitatifs sont chantés par Delphine Galou avec une grande intelligence et une expressivité qui colle au texte dramatique. Dans l'air Sileant zephyri « que s'apaisent les zéphyrs » comme dans le récitatif Pro me caput spinas habet « c'est pour moi que sa tête est couronnée d'épines » Delphine Galou est très émouvante et les multiples da capo aux vocalises complexes ne sont pas que des morceaux de bravoure. Ils restent au service de ce moment désespérant qu'est la crucifixion.
Le même récit biblique est utilisé par Vivaldi et Jommelli : Judith sauve son peuple assiégé dans Béthulie par Holopherne en le décapitant. Vivaldi compose un « oratorio militaire et sacré ». C'est le sous-titre de son manuscrit de 1716. L'extrait Agitata infido flatu « agitée de vents inconstants » que chante Delphine Galou est dans cet esprit . Judith triomphe : elle vagabonde comme une hirondelle et rit d'une joie immense. La musique de Vivaldi et Delphine Galou virevoltent comme l'oiseau qui se joue des vents puissants. Et dans la fin de l'air, qui rit... musicalement, Delphine Galou fait preuve d'une virtuosité quasi... diabolique ! Dans l'air prigionier che fa ritorno... « le prisonnier qui revient » Jomelli insiste sur l'horreur de l'acte de Judith et sa ruse pour obtenir la tête d'Holopherne. Les plusieurs reprises des couplets permettent à Delphine Galou de multiplier avec bonheur les acrobaties vocales.
In procella sine stella «  dans la tempête sans étoiles, je vais errante... » est bien un motet ! L'alternance des airs de bravoure et des moments de méditation laisse planer le doute sur la véritable nature de l'oeuvre : l'opéra n'est pas loin. La dernière partie du motet n'est qu'une immense et extraordinaire vocalise sur l'unique mot Alleluia !
Delphine Galou possède le fort tempérament nécessaire à l'interprétation intelligente de ces musiques baroques. Elle ne force jamais sa voix dont le timbre est séduisant. Ses interprétations sont tout en nuances et en subtilité.
Enorme succès pour ce magnifique concert : deux bis éblouissants (de Porpora?). Plus un troisième inattendu qui clôt ce festival 2019 : l'air d'alto de la Passion selon Saint-Jean Es ist Vollbracht « Tout est accompli ». Delphine Galou y est bouleversante de simplicité et Alessandro Tampieri en assure avec délicatesse au violon le contre-chant.

Pierre Tricou

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