Récital Karina Gauvin/Maciej Pikulski - Mélodies françaises - ONR - 17/06/2019

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Piero1809
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Récital Karina Gauvin/Maciej Pikulski - Mélodies françaises - ONR - 17/06/2019

Message par Piero1809 » 18 juin 2019, 15:20

Récital
Karina Gauvin, soprano
Maciej Pikulski, piano

Reynaldo Hahn(1874-1947)
Quand je fus pris au pavillon, Si mes vers avaient des ailes, A Chloris

Claude Debussy (1862-1918)
Ariettes oubliées: C'est l'extase langoureuse, Il pleure dans mon cœur, L'ombre des arbres, Chevaux de bois, Green, Spleen
Air de Lia (L'Enfant prodigue)

Francis Poulenc (1899-1963)
Trois poèmes de Louise Lalanne: Le Présent, Chanson, Hier
Métamorphoses: Reine des mouettes, C'est ainsi que tu es, Paganini

Maurice Ravel (1875-1937)
Cinq mélodies populaires grecques: Le réveil de la mariée, Là-bas vers l'église, Quel galant m'est comparable, Chanson des cueilleuses de lentisques, Tout gai.

Georges Bizet ( 1838-1875)
Guitare, Adieux de l'hôtesse arabe, Ouvre ton cœur

Concert du 17 juin 2019 à l'Opéra National du Rhin


Julie Fuchs était prévue ce lundi 17 juin, mais elle renonça à ce récital et Karina Gauvin eut la gentillesse d'assurer le concert. L'artiste canadienne était en tournée en France et en Allemagne dans une succession de concerts à deux jours d'intervalle avec l'orchestre de la Loge Olympique (Julien Chauvin). Le dernier en date était à Saint Michel de Thiérache le 16 juin avec un programme Haendel, Rameau, Vivaldi, Scarlatti et Karina Gauvin accepta de faire un détour à Strasbourg, moyennant une nuit passée en voiture, et chanter le 17 juin un programme entièrement différent, consacré à des mélodies françaises.

Le récital s'ouvrait avec trois superbes mélodies de Reynaldo Hahn. Dans Au pavillon et A Chloris, le compositeur exploite une veine néo-classique avec des clins d'oeil à Jean Sébastien Bach et Rameau qui convenaient admirablement à Karina Gauvin, artiste rompue au chant baroque. On se délectait à l'écoute de sa voix au timbre clair, dépourvue de vibrato et d'une interprétation pleine de charme comme il sied à un compositeur élégant, coqueluche des salons parisiens les plus huppés mais sachant se montrer très émouvant également comme, par exemple, dans Si mes vers avaient des ailes.

On reste dans cette ambiance raffinée avec les ariettes oubliées de Claude Debussy sur de célèbres poèmes de Paul Verlaine. Evidemment le langage musical de Debussy est profondément différent de celui de Reynaldo Hahn et Karina Gauvin nous en donne une lecture très sensible de sa voix au timbre séduisant mais dont la projection n'était pas idéale à cet instant du programme, de ma place du moins. Certaines notes, les graves en particulier étaient à peine audibles. Il est possible que l'artiste ménageait quelque peu une voix soumise à rude épreuve en ce mois de juin. Toutefois, l'artiste nous régala de sa voix pure et de belles nuances dans Il pleure dans mon cœur comme il pleut sur la ville. Elle fit admirer son très beau medium et de beaux aigus dans L'ombre des arbres . Avec les remarquables Chevaux de bois et les chromatismes savoureux de l'accompagnement, ce fut au tour du pianiste Maciej Pikulski, de briller. Dans le célèbre Spleen, les aigus un peu durs de Karina Gauvin témoignaient d'une certaine fatigue mais l'artiste gratifia le public d'une de ces conclusions admirables de tension et de concentration dont elle a le secret. Le temps semblait s'arrêter. Enfin l'air de Lia tiré de la cantate, L'Enfant prodigue, œuvre de jeunesse du compositeur, typique du romantisme français du 19ème siècle, permit d'admirer la belle diction et le tempérament dramatique de Karina Gauvin, tout particulièrement sur les mots Azaël, pourquoi m'as-tu quitté ?

Après l'entracte, le récital se poursuit avec Francis Poulenc qui mêle humour et tendresse avec son style inimitable. Les trois poèmes de Marie Laurencin déployaient leurs couleurs pastel. Dans le premier, Le Présent, on remarque la belle partie de piano qui est, sous les doigts de Maciej Pikulski, fluide comme l'eau qui coule dans la fontaine mais c'est surtout Hier qui retient l'attention. Le texte désabusé et mélancolique de ce dernier poème donne à Karina Gauvin l'occasion de déployer une ligne mélodique en demi-teintes, au magnifique legato. Ensuite les Métamorphoses sur des poèmes de Louise de Vilmorin, notamment une ravissante Reine des mouettes aux harmonies troublantes donnent lieu à une fusion intime entre musique et poésie. C'est ainsi que tu es, commence comme une chanson et donne à Karine Gauvin l'occasion d'allier le savant au populaire et à Maciej Pikulski de jouer une vibrante introduction . Après la retenue des chants précédents, l'humour de Poulenc se libère dans Paganini et donne l'occasion à la chanteuse, bien plus en verve que dans la première partie, de conclure sur un superbe suraigu.

Les cinq mélodies populaires grecques de Maurice Ravel m'étaient totalement inconnues et m'ont révélé une facette inattendue du génial compositeur. Ravel s'intéressait à la musique populaire de nombreux pays et s'en inspira avec justesse et authenticité. Les superbes mélodies des cinq chants se déroulent avec sérénité et noblesse. Les accompagnements sont très simples et une atmosphère raréfiée règne dans la magnifique Chanson des cueilleuses de lentisques, sommet du recueil et peut-être du récital qui demandait au pianiste Maciej Pikulski beaucoup de concentration. Karina Gauvin servit magnifiquement ces beaux chants avec sa belle ligne de chant, une intonation parfaite et une harmonieuse palette de couleurs.

C'est avec Georges Bizet que se terminait le programme. Bizet n'est pas mon compositeur français préféré, loin de là et sa réputation planétaire n'a nul besoin de mes louanges. Contrairement à Ravel qui sut toujours évoquer avec justesse les pays qu'il avait visités, c'est à une Espagne de pacotille à laquelle nous convie une fois de plus Bizet dans Guitare et Ouvre ton coeur. L'écriture musicale, bien plus virtuose que dans les chants précédents, donna à Karina Gauvin la possibilité d'exprimer d'autres qualités, notamment de belles vocalises (sa spécialité en tant qu'interprète inspirée du bel canto baroque), des aigus joliment libérés à ce stade du récital et une superbe gestion du souffle.

Ce concert mémorable fut révélateur de l'incomparable culture musicale de la grande artiste qu'est Karina Gauvin et du talent de Maciej Pikulski, pianiste fin et sensible.

La salle était remplie aux deux tiers et le public fit un accueil approbateur sans plus aux deux artistes. Karina Gauvin eut quelques mots simples et chaleureux pour saluer la mémoire d'Eva Kleinitz. directrice de l'ONR récemment disparue. Les deux artistes donnèrent deux bis, d'abord les célébrissimes Chemins de l'amour de Francis Poulenc et ensuite une magnifique mélodie très connue dont je ne me souviens pas du nom, peut-être Clair de lune de Fauré.

Pierre Benveniste

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